How to Save a Dead Friend
de Marusya Syroechkovskaya.

Sortie en salles mercredi 28 juin 2023.

Un trou dans la neige. Un cercueil. Un jeune homme qu’on enterre. Kimi fut l’amour d’enfance de la cinéaste, son mari, puis son ex, car ils avaient fini par divorcer même si, entre eux, subsistait beaucoup d’amitié. Le film raconte la désagrégation de ce couple entre immeubles en béton, seringues et poudre.

Photo du documentaire How to Save a Dead Friend.
How to Save a Dead Friend © Les Films du tambour de Soie.

Descente

Le jour de ses seize ans, la cinéaste tombe amoureuse de Kimi, jeune homme émacié aux longs cheveux blonds. Elle va filmer leur amour pendant douze ans jusqu’à la mort par overdose de son compagnon. Marusya est d’une famille aisée. Elle a étudié la réalisation à l’École du film documentaire de Moscou. Elle chante dans un groupe de rock. Kimi a un look à la Kurt Cobain, ce musicien grunge américain qui s’est suicidé en 1994 à l’âge de 27 ans et dont le couple avait affiché un poster dans son appartement. Derrière son épaule gauche, Kimi a fait tatouer les mots « Born Slippy », titre d’une chanson de la bande originale du film Trainspotting que Dany Boyle a réalisé en 1996, une histoire de jeunes écossais confrontés à l’héroïne. Marusya et Kimi ont baptisé leur chat Ian en hommage à Ian Curtis, leader du groupe de rock Joy Division, qui s’est suicidé en 1980, à l’âge de 23 ans. Ces références, ces sources d’inspiration appartiennent à la génération de leurs parents, mais évoquent des sujets qui les touchent : crise sociale, grandes villes, désillusion, drogue. 

La cinéaste filme ses proches et la banlieue de Moscou. Entre deux séquences sur son entourage, elle intercale parfois le discours de nouvel an des présidents qui sont succédés à la tête du pays : Eltsine, Medvedev, Poutine. Elle montre aussi des manifestations réprimées par la police. 

Chemins divergents

Dans ce romantisme morbide, les chemins qu’empruntent Marusya et Kimi vont peu à peu diverger. Kimi se coupe les cheveux pour moins attirer l’attention. Il essaye de travailler. Il retombe dans son addiction. Il suit plusieurs cures de désintoxication, prend de la méthadone. Il commence à ressembler à Michel Houellebecq dans la soixantaine alors qu’il n’a qu’une trentaine d’années. Il se laisse doucement glisser vers la mort. Marusya, de son côté, s’extrait peu à peu des décombres. Le film qu’elle fait sur Kimi, auquel ce dernier apporte sa contribution triste et résignée, l’aide à prendre de la distance avec cette désespérance et à renaître progressivement.  

Humour triste

L’esthétique de ce film tire parfois sur le clip mais le ton est juste. La réalisatrice parvient à capter l’amitié qui persiste entre les deux membres du couple désunis, l’humour triste dont ils teintent leurs échanges, alors que Marusya devient peu à peu adulte quand Kimi s’enfonce dans l’impuissance et l’annihilation de toute volonté. Un film sur le mal-être d’une partie de la jeunesse russe, mais aussi une œuvre assez universelle. 

Jacques Puy

Bande annonce

Rappel

How to Save a Dead Friend – Réalisation : Marusya Syroechkovskaya -1 h 43 min – 2022 – Production : Docs Vostok, Coproduction : Sisyfos Film Production, Folk Film, Les Films du Tambour de Soie – Distribution : la Vingt-Cinquième Heure.

Sélection ACID (Association du cinéma indépendant) au Festival de Cannes 2022.

Publié le 28/06/2023 - CC BY-SA 4.0

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