L’Influx, comment ça marche ? Le webzine de la Bibliothèque municipale de Lyon dans le flux de l’information numérique
par Marion Carrot, rédactrice en chef de Balises, le magazine de la Bpi

Le réseau des bibliothèques de Lyon a été précurseur dans la publication sur Internet d’articles rédigés par des bibliothécaires. Le webzine Point d’actu, lancé en 2006, évolue en 2012 et devient L’Influx. Plus de quinze ans après les premières mises en ligne, comment s’organisent la rédaction et la publication d’articles au sein des équipes ?

En 2006, Bertrand Calenge, directeur de la communication interne de la Bibliothèque municipale de Lyon (BmL), lance le webzine Point d’actu. Impulsée par le directeur, Patrick Bazin, cette médiation d’un genre nouveau vise à valoriser en ligne le travail des bibliothécaires, en traitant des sujets d’actualité à travers les collections. Les articles sont alors rédigés en fonction de la bonne volonté de chacun·e, et le calendrier des publications est coordonné par Bertrand Calenge.

Rassembler les propositions

Lors de son mandat de directeur de la BmL, entre 1992 et 2010, Patrick Bazin crée certaines spécificités thématiques dans plusieurs médiathèques d’arrondissements. La médiathèque de Vaise, dans le 9e arrondissement, se spécialise ainsi dans les arts vivants, et la médiathèque du Bachut, dans le 8e arrondissement, lance le service thématique Cap’culture santé. Chacune dispose d’un portail dédié pour valoriser en ligne ses actions et ses collections thématiques.

Le département Musique de la bibliothèque de la Part-Dieu lance également plusieurs propositions dématérialisées. Il crée ainsi le blog spécialisé Musiqu’azimuts, qui propose des articles triés par genre musical. Depuis 2018, le service coordonne par ailleurs une émission de radio mensuelle sur Nova Lyon, La Sélection : un·e artiste, un·e programmateur·rice ou un·e journaliste de passage à Lyon est invité·e à choisir et commenter une sélection de 15 disques parmi les 100 000 vinyles de la bibliothèque.

D’autres services numériques accessibles hors de la bibliothèque se développent simultanément : le service de questions-réponses du Guichet du savoir, la bibliothèque numérique Numelyo, le site institutionnel, les archives audiovisuelles, les sites événementiels, ou encore l’agenda en ligne. Afin de rassembler les propositions éditorialisées sur un même site, les contenus concernant la santé, les arts vivants et la musique sont intégrés à L’Influx, webzine qui voit le jour en 2012 à la suite de la refonte de Point d’actu. Au même moment, le fait de contribuer à L’Influx est inclus dans toutes les fiches de poste des personnels des catégories A et B, à la bibliothèque de la Part-Dieu et dans les bibliothèques d’arrondissements, dans le but d’encourager la diversité des propositions. Une formation à la rédaction web est proposée à tous·tes, autant sur la manière de structurer l’information que sur la prise en main de l’outil de publication.

Une grande richesse éditoriale

Une affiche de la bibliothèque de Lyon vante L'Influx, avec le slogan : "Informer, interagir, inspirer".
Affiche : BmL / photographie : Bpi

Le site de L’Influx, construit en interne comme l’ensemble des services web de la BmL, est structuré en suivant les thématiques des collections de la bibliothèque – à l’exception de la collection Jeunesse, car L’Influx vise un public adulte. Ainsi, chaque département ou bibliothèque d’arrondissement se trouve responsable d’une rubrique, en totalité (comme le département Musique) ou en collaboration avec un autre service (comme les départements Civilisation et Société pour la rubrique Monde et société). Un calendrier annuel de production des articles est mis en place, qui prévoit au total deux publications par semaine. Il est coordonné par un·e agent·e de référence, chargé·e de ventiler la publication des articles de chaque rubrique sur l’année. Ainsi, les remontées automatiques des articles les plus récents en une de L’Influx concernent, successivement, les différents services producteurs.

À l’intérieur de chaque rubrique, sont attendus au moins un article de fond, une brève et une recommandation par mois : aux agent·es de chaque département de se répartir ces articles sur l’année. La personne qui prend en charge un article est responsable de sa réalisation, de l’idée initiale jusqu’à la publication. Il en ressort une production importante et une grande richesse éditoriale. 

Cela est d’autant plus vrai que le groupe web, responsable de l’architecture du webzine, a autorisé une réelle plasticité des pages. Plusieurs rubriques disposent par exemple d’outils particuliers : les pages Musique et Arts vivants ont chacune un explorateur intégré, qui permet de consulter les articles et les ressources par genre musical, par discipline artistique ou en fonction du public visé. Presque toutes les pages proposent un format propre aux collections traitées. La rubrique Art publie ainsi régulièrement une « Focale » qui met en valeur une œuvre de l’artothèque ; la rubrique Lyon et région propose une zone « Chasseurs d’images » et une autre, « L’info retrouvée », qui exhument des archives photographiques et médiatiques de la Documentation régionale ; Monde et société commente « Le chiffre du mois » tandis que Sciences et numérique explique « Le mot du mois ».

Un service hétérogène

Cette dimension multi-thématique de L’Influx, conjuguée à l’absence de ligne éditoriale, en estompe cependant la lisibilité. Les services s’impliquent différemment en fonction de leurs priorités et de l’aisance rédactionnelle des agent·es. Un comité éditorial, composé de plusieurs responsables de service, se réunit certes une fois tous les deux mois pour établir un suivi de la contribution ; mais ses préconisations n’ont rien de prescriptif. L’absence d’instance de coordination régulière rend difficiles le travail en transversalité, l’homogénéisation des pratiques, voire la simple relecture collaborative des articles. Chacun·e publie des articles de format, de style et de longueur différents, à destination d’un public qu’il est difficile de définir précisément.

Ce foisonnement de propositions suscite néanmoins l’intérêt de nombreux·ses internautes. Le temps de lecture moyen des plus de 30 000 visiteur·ses uniques mensuel·les montre que les articles sont consultés avec attention. Les pages les plus vues portent autant sur l’actualité que sur des sujets spécialisés. De plus, le public vient pour moitié de la région, rendant particulièrement intéressante la question de la valorisation de L’Influx par la bibliothèque.

Quelle valorisation pour L’Influx ?

À l’image de la contribution, la valorisation de L’Influx dans les espaces de la bibliothèque repose sur chaque département. Le département Musique a par exemple apposé, sur les postes d’écoute, des QR codes qui renvoient vers sa page. Lui comme d’autres prolongent leurs valorisations en proposant, sur les tables de présentation des ouvrages, des extraits d’articles de L’Influx sur le même sujet, des QR codes pour lire la suite sur le site, et une signalétique comportant le logo du webzine. Malheureusement, aucune charte graphique transversale ne permet d’identifier L’Influx de la même manière dans toutes les collections.

L’Influx existe également dans les espaces par le biais de Topo, le programme culturel distribué tous les deux mois. Ce support est davantage orienté vers la communication autour de l’action culturelle. Il est d’ailleurs coordonné par la communication de la bibliothèque, qui ne prend pas part à L’Influx. Il reprend néanmoins autant que possible, à chaque numéro, au moins un article du webzine, clairement identifié comme tel.

La valorisation numérique de L’Influx sur les autres supports de la bibliothèque est moins évidente. Elle se réduit principalement à un champ dédié sur la une du site institutionnel, qui fait remonter le dernier article paru. L’Influx, qui a disposé pendant un temps de sa propre page sur Facebook, est désormais absent des réseaux sociaux coordonnés par la bibliothèque.

À la fois fragile et ancré dans l’identité de la BmL, L’Influx concentre les problématiques liées à la production de contenus documentaires en bibliothèque, telles qu’elles ont pu être analysées par Caroline Lamotte

Préciser une ligne éditoriale, améliorer la coordination de la production, développer et centraliser la communication autour du service semblent des pistes incontournables pour pérenniser le webzine à l’heure de l’infobésité sur le Net. Cependant, ces leviers d’action dépendent de questions plus vastes. À quels publics s’adresser, comment le savoir, et est-il pertinent de tenter de les fidéliser ? Comment évaluer le rapport entre le temps de travail des agent·es et l’impact de leurs productions ? Quelle place prendre sur le web en tant que bibliothécaires – et comment faire en sorte que les agent·es qui rédigent les articles se sentent légitimes ? De tout cela découle une dernière question, ou peut-être est-elle la première de toutes : quelle place décide-t-on de donner à cette proposition dans la stratégie de médiation de la bibliothèque ?

Publié le 21/10/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Produire des contenus documentaires en ligne : quelles stratégies pour les bibliothèques ?

Christelle di Pietro (dir.)
Presses de l'Enssib, 2018

Les bibliothèques sont confrontées à des nécessités d’exploitation de leurs collections qui ne passent plus seulement par la gestion du stock, mais aussi par l’appropriation et la restitution de contenus documentaires.

Le plan de l’ouvrage s’articule autour de quatre parties : exploiter les collections ; la curation et la production de contenus ; produire en réseau, et enfin, connaître le contexte juridique et écrire pour le web. Ainsi, le professionnel est devenu médiateur, producteur et éditeur de matières documentaires élaborées. Chaque partie traite aussi des nouvelles compétences relationnelles et techniques à acquérir pour ce faire.

Une quinzaine de professionnels abordent ces différents aspects, en s’appuyant sur des réalisations concrètes menées dans les bibliothèques, de lecture publique comme des universités.

À lire sur Openedition

La Réception des contenus éditoriaux et éditorialisés produits par les bibliothèques de lecture publique, par Caroline Lamotte | Mémoire d'étude pour le diplôme de conservateur de bibliothèque, Enssib, février 2020

L’inflation informationnelle et l’émergence, dans l’environnement numérique d’aujourd’hui, de pratiques de lecture indicielle rendent la réception des productions éditoriales et éditorialisées de bibliothèques de lecture publique compliquée. Cette réception existe, une appropriation a lieu sous différentes formes, mais la visibilité et l’accessibilité des contenus sont toujours un problème.

Un travail reste à poursuivre pour ménager à ces produits des conditions de réception satisfaisantes. À la lumière de la réception, une réflexion stratégique est également à mener sur le positionnement de cette activité de production dans la sphère informationnelle.

Une affiche de la bibliothèque de Lyon vante L'Influx, avec le slogan : "Informer, interagir, inspirer".
Affiche : BmL / photographie : Bpi

L'Influx, le webzine de la Bibliothèque municipale de Lyon

L’Influx est le magazine numérique de la Bibliothèque municipale de Lyon. Il propose une mise en perspective d’un événement ou d’une thématique en fonction de l’actualité locale, nationale ou internationale.

Balises. Le magazine de la Bpi

Balises, le magazine de la Bibliothèque publique d'information, à Paris

Balises, le magazine de la Bpi, est en ligne depuis octobre 2014. Il propose des articles et des dossiers sur des sujets portés par la programmation culturelle de la bibliothèque. Son ambition est d’offrir des repères au grand public, souvent perdu dans la masse d’informations délivrées sur Internet, en lui proposant les meilleures références sur ces sujets.

Balises publie des articles écrits, des vidéos, des sons, des images et des infographies, ainsi que des sélections de ressources documentaires issues de la bibliothèque ou d’Internet, s’appuyant sur l’expertise des bibliothécaires en matière de recherche d’information et de sélection des sources.

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