Où en êtes-vous Matthieu Chatellier ?

Matthieu Chatellier est un cinéaste délicat. Sa caméra accompagne le regard du spectateur et convoque l’humain avec respect. Rencontre autour de deux films présents au Catalogue national :  Doux amer, qui évoque le récit intime de la découverte de la maladie et Sauf ici, peut-être, qui part à la rencontre de compagnons dans une communauté Emmaüs. 

Photo de Matthieu Chatellier.
Photo de Matthieu Chatellier

Qu’est-ce qui fait déclic pour faire un film ?

Ce n’est pas une question facile, il peut y avoir plusieurs déclencheurs. Pour Doux amer c’est la survenue d’un événement dans ma vie, c’est-à-dire la découverte du diabète et aussi le désir, en termes de cinéma, de raconter une histoire à la première personne du singulier.  Sauf ici peut-être est une commande. La responsable m’a invité à faire un film sur cette communauté Emmaüs qui fêtait ses 40 ans d’existence et j’ai eu envie de raconter ce moment bien spécifique de la rencontre. J’ai filmé assez vite pour capter ce moment de flottement, de gêne, où l’on s’apprivoise, où l’on peut passer du temps ensemble silencieusement. Le film raconte ces compagnons mais, en termes de densité, raconte surtout ce moment de la rencontre entre deux inconnus.

Est-ce qu’il y a un mot qui fait lien entre vos films ?

Je me pose souvent la question. Un film, c’est une sorte de hasard, ce n’est pas quelque chose d’absolu, il y a l’énergie du tournage et du montage. Un film est toujours une sorte d’objet imparfait qui raconte ce moment-là de sa fabrication. Je pense, malgré tout, que le point commun entre mes films, c’est qu’ils cherchent à créer une sorte d’intimité ou de douceur dans un environnement qui peut être brutal. 

Dans Doux amer le dessin a-t-il permis une mise à distance nécessaire ?

Pour ce film j’ai réuni différents matériaux : un texte plutôt littéraire qui m’a servi à nourrir  la voix off, des images d’archives, d’autres plus contemporaines tournées en Italie, des petites créations en papier, et puis ces rêves racontés en dessin. Une manière de répondre à cette maladie, à ce coup du sort, était de faire feu de tout bois, la jouissance de la création m’a permis de retrouver un sens quitte à l’inventer.

Ce film, l’avez-vous porté de la même façon que les autres ?

C’est pour moi difficile d’accompagner ce film. Je me sens plus fragile, plus vulnérable et, en même temps, je me dis que le risque étant maximal pour moi, le plaisir du spectateur peut être maximal aussi. Les retours extrêmement enthousiastes sont, en quelque sorte, la rançon de cette prise de risque.

Est-ce que vous pensez au spectateur quand vous filmez ?

Oui. J’évite par exemple d’être dans la connivence avec les personnages pour que le spectateur et moi soyons à la même place, que l’un ne soit pas en avance sur l’autre. Je dirais aussi que l’imaginaire du spectateur doit avoir une grande place dans la construction du film, il faut en tenir compte à travers le montage, le hors champ, à travers tout ce qui est de l’ordre de la fabrication du documentaire.

Que faites-vous en ce moment et quels sont vos projets à venir ?

En ce moment je suis chef-opérateur sur les films des autres, mais je vais bientôt tourner une fiction. Je quitte donc le champ du documentaire pour préparer ce nouveau film qui se tournera dans 6 à 8 mois.

Voir les films : 

https://www.lesyeuxdoc.fr/film/549/doux-amer

https://www.lesyeuxdoc.fr/film/14/sauf-ici-peut-etre

Publié le 14/02/2018 - CC BY-SA 4.0

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