No Home Movie
de Chantal Akerman

Sortie en salles le mercredi 24 février 2016.

Parce que ce film est avant tout un film sur ma mère, ma mère qui n’est plus. Sur cette femme arrivée en Belgique en 1938 fuyant la Pologne, les pogroms et les exactions. Cette femme qu’on ne voit que de son appartement. Un appartement à Bruxelles. Un film sur le monde qui bouge et que ma mère ne voit pas.  (Chantal Akerman).  
 

Photo du film No Home Movie
No Home Movie © Liaison cinématographique, Paradise Films

Du vent dans les feuilles d’un arbre dans un désert, un homme assis sur un banc au milieu d’une verte pelouse ensoleillée, et un intérieur, ancien mais soigné, celui de la mère de Chantal Akerman.
La cinéaste pose sa caméra et filme dans la longueur ces instants de vie extérieur/intérieur. Ceux avec sa mère, qu’elle vient revoir régulièrement, sont, au début du film, très vivants. La complicité et la tendresse entre les deux femmes sont incroyablement émouvantes.
 
Elles se racontent des souvenirs, attablées pour le déjeuner dans la cuisine. L’enfance de Chantal Akerman, « magnifique petite fille » qui était fière de sa mère si belle ; d’un père qui n’osait la gronder et qui lui imposait d’apprendre par cœur les prières. D’une petite fille qui ne mangeait rien de la journée, tout juste une banane et c’est maintenant sa mère qui n’a plus d’appétit. Ces scènes de dialogues, vivantes et lumineuses, succèdent à de très longs plans fixes qui font le talent de Chantal Akerman, comme ce plan remarquable dans lequel elle filme, dans l’embrasure d’une porte, le dos courbé de sa mère, occupée à quelques rangements.
 
Quand Chantal Akerman est en voyage, elles communiquent par Skype. Sa mère s’accommode de ces nouvelles technologies, elle est tellement heureuse de pouvoir parler un peu avec sa fille, de lui redire qu’elle l’aime. Et puis progressivement la mère devient moins vive, moins bavarde. Les plans fixes du salon ou de la cuisine ne la montrent plus s’affairer aux gestes du quotidien, pourtant minimes à son âge.
 
Des travellings en voiture sur des routes de désert alternent avec les vues du balcon de cet appartement bruxellois, carrefour animé ou jardin sur cour sans vie. Il y a trois autres femmes aux côtés de cette vieille dame qui arrive au bout de ses forces, la sœur de Chantal Akerman, une femme de ménage et une femme de compagnie. Elles l’accompagnent et attendent que le temps passe.
 
Désormais les longs plans fixes la montrent manger péniblement ou dormir dans le fauteuil. Il n’y a plus de Skype, juste à la fin une valise, et un dernier plan fixe du salon, tout en ordre. Plus que les bruits de la rue, omniprésents tout au long du film. Et le noir.
 
Dernier plan de Chantal Akerman, de son dernier film ; comment l’interpréter et le recevoir aujourd’hui qu’elle n’est plus là non plus, sinon comme un au revoir à tous, à sa mère, à ses spectateurs.

Rappel

No Home Movie, de Chantal Akerman, France-Belgique, production Liaison cinématographique, Paradise Films, 2015, 1 h 55 min
Distribué en salles par Zeugma Films

Publié le 11/02/2016 - CC BY-SA 4.0

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