Marcher sur l’eau
de Aïssa Maïga

Sortie en salles le 10 novembre 2021.

Marcher sur l'eau © Les Films du Losange
Marcher sur l’eau © Les Films du Losange

L’avis de la bibliothécaire

Sous l’impulsion de Guy Lagache, journaliste, et sur proposition du producteur Yves Darondeau, Aïssa Maïga accepte de reprendre en cours de route ce film documentaire. C’est au Niger auprès des Peuls Wodaabe que l’équipe se met à l’ouvrage. À l’aide d’Ariane Kirtley, à l’origine du projet et fondatrice de l’ONG Amman Imman / L’eau c’est la vie, l’aventure peut commencer.

Les origines familiales de Aïssa Maïga l’ont souvent menée en Afrique de l’Ouest. L’idée de faire un film dans cette région qu’elle connaît bien et d’aborder un problème crucial l’ont alors convaincue. Si l’eau que nous savons vitale est obtenue facilement en Europe, c’est là-bas une denrée précieuse qu’il faut aller chercher. La raréfaction des ressources et l’assèchement des terres, conséquences désastreuses de la dégradation climatique engendrée par la pollution des pays du Nord, frappent de plein fouet l’Afrique. Et ce qui ne se voit pas ici se vit là-bas. 

Marcher sur l'eau © Les Films du Losange
Marcher sur l’eau © Les Films du Losange

Tourné à Tatiste, dans le nord du pays, le film se déploie sur une année et s’attarde d’abord sur les femmes. C’est par elles que le film commence et ce n’est pas un hasard. L’absence des hommes partis chercher des pâturages pour les bêtes et la nécessité pour les femmes de partir en quête du précieux liquide traversent le film. Elles s’exposent ainsi à toutes sortes de dangers et notamment à la criminalité. Quant aux enfants, restés au village, c’est la douleur de la séparation, la peur, la fatigue qui émergent. L’impact du dérèglement climatique provoque donc des problèmes en cascade. 

La quête de l’eau est incarnée par la voix et le visage de Houlaye, jeune fille du village, mais aussi à travers les plans de cette terre devenue aride où l’absence cruelle de végétation saute aux yeux. L’enseignant devant sa classe tente d’expliquer les raisons de la transformation des sols, notamment due à l’inconscience des pays du Nord. Il fait répéter plusieurs fois « changement climatique » à ces enfants comme pour mieux insister et le faire entendre une fois pour toutes aux spectateurs. Ces enfants sont la génération qui prendra en pleine face ce changement qui vient. L’instituteur s’exprime en français, rappelant aussi le lien colonial entre le Niger et la France. C’est aussi lui qui écrira la lettre destinée au préfet pour convaincre l’état d’autoriser un forage. Si l’obtention d’un puits ne règlera pas le problème plus global du manque d’eau, il viendra alléger grandement le quotidien de ces villageois.

Marcher sur l'eau © Les Films du Losange
Marcher sur l’eau © Les Films du Losange

Les choix formels, très esthétiques, permettent sans doute au film de transcender son sujet et de parvenir au but affiché : convaincre. Ainsi l’immersion, les plans larges, l’incarnation par des personnages attachants, la fictionnalisation du récit, participent à la volonté de provoquer chez le spectateur l’empathie et la prise de conscience. Et c’est sans doute là l’intérêt du film : ouvrir les yeux sur ce que nous ne voyons pas ou ne voulons pas voir. 

En 2019, Aïssa Maïga, connue en tant que comédienne, tournait un autre documentaire, Regard noir, consacré à la représentation des femmes noires à l’écran. Un travail entamé avec Noire n’est pas mon métier, une série d’entretiens publiés autour de cette question. Un sujet qui semble bien différent de celui abordé dans Marcher sur l’eau et pourtant Aïssa Maïga revendique leur proximité et la cohérence de ses engagements. Ses prises de positions sur l’invisibilité des femmes noires au cinéma viennent en effet faire écho à cette invisibilisation des enjeux climatiques que subit l’Afrique dans l’indifférence. Présenté au printemps dans la toute nouvelle sélection consacrée à l’écologie Le cinéma pour le climat du Festival de Cannes 2021, le film s’empare effectivement d’un sujet crucial. À l’heure de la COP 26, il y a un combat à mener pour faire prendre conscience de ce que nos actes et notre inaction provoquent, et nous rappeler à nos responsabilités et à la nécessité d’agir ici et maintenant.

Rappel

Marcher sur l’eau – 2021 – 1h29 min – Production : Bonne Pioche Cinéma, Echo Studio  – Distribution : Les Films du Losange

Publié le 09/11/2021 - CC BY-SA 4.0

0 0 votes
Article Rating
S’abonner
Notifier de
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments