Le portage à domicile au temps du confinement

Face au désir de certains de maintenir le portage à domicile dans des bibliothèques, les associations professionnelles ont rappelé les contre-indications sanitaires et juridiques à un tel service.

Dessin tiré d'un manga représentant un robot armé, identifié comme un élu, et une petite fille cachée sous un bureau en pleurs, identifiée comme un bibliothécaire
© Meme your library

Alors que restaurants et magasins se mettent au drive et multiplient les offres de livraisons à domicile, la question d’une offre de services de proximité a aussi émergé dans le monde du livre. Si un débat assez vif sur l’éventuelle réouverture des librairies anime la chaîne des acteurs du livre, les bibliothèques ne sont pas absentes de ces questionnements sur le maintien d’un service de proximité avec leurs publics.
Depuis une dizaine d’années déjà, nombre d’entre elles pratiquent ainsi le portage de documents au domicile de certains usagers. Très apprécié, ce service permet en effet d’assurer un accès aux collections pour des lecteurs empêchés, que ce soit pour des raisons de santé ou d’isolement. 
D’isolement il est justement question lorsque le virus Covid-19 apparaît et perturbe les activités de tous les lieux recevant du public, dont les bibliothèques. Désormais, toutes les portes des centrales sont closes, de même pour les antennes de quartier et jusqu’aux éventuelles boîtes de retours. 

« Le véritable héroïsme »

Or les bibliothèques sont souvent le premier lieu culturel de proximité sur de nombreux territoires du pays. Dès lors, est apparue en certains endroits la volonté de maintenir une activité à destination des publics, notamment ceux exclus du numérique, ne pouvant avoir accès aux multiples offres dématérialisées qui fleurissent sur tout le territoire. Si cette volonté peut être celle d’un élu local, elle peut aussi parfois émaner de bibliothécaires soucieux de prendre leur part à l’effort collectif en période de confinement.

Pourtant, comme l’a rappelé l’ABF, il ne saurait être question pour les bibliothécaires de vouloir jouer les héros face à une menace sanitaire si large : “le véritable héroïsme est de rester chez soi et de limiter ses déplacements au strict nécessaire.” Décrets gouvernementaux comme préconisations sanitaires obligent à interrompre ce service de portage à domicile.

Des alternatives mises en place

Pour autant, les bibliothèques continuent de se mobiliser aussi pour celles et ceux qui bénéficiaient de ce portage à domicile. Afin d’éviter l’isolement de ces personnes, souvent âgées et vulnérables, les équipes se sont organisées pour proposer d’autres services. Des échanges entre les membres de l’ADBGV ont ainsi permis de mettre en lumière les différentes alternatives mises en place dans les territoires.

La formule la plus répandue est celle du portage téléphonique. Sans avoir à se rendre au domicile des personnes, les échanges sont maintenus par téléphone. Ainsi, à Albi, Nice, Reims ou Dijon, par exemple, les bibliothécaires ou les bénévoles qui assuraient d’habitude le portage à domicile se relaient pour appeler et prendre des nouvelles de ces usagers souvent isolés. C’est aussi un moyen pour pouvoir également relayer leurs besoins auprès des structures d’aide. A ce niveau le constat est le même partout : ces appels sont très appréciés par les bénéficiaires. Un lien social arrive dès lors à être préservé, malgré le confinement, par les bibliothèques avec leurs habitants. A Avignon, c’est même un lien poétique qui se tisse avec des lectures de poèmes par téléphone proposées en partenariat avec l’association L’Antre Lieux.

Dans d’autres endroits, les bibliothèques peuvent s’appuyer sur des associations. Les centres socio-culturels s’avèrent parfois de précieux relais et proposent des collections confiées par les bibliothécaires. A Mulhouse, en plus des livres, des jeux sont aussi prêtés, de quoi occuper en famille les parfois longues soirées de confinement.

Enfin, différentes opérations de dons d’ouvrages ont également été organisées. Les documents n’ont dès lors pas vocation à revenir dans les établissements. Ils viennent notamment compléter, pour ceux qui le souhaitent, les colis d’aide alimentaire déjà distribués, comme dans la ville du Havre. C’est un dispositif similaire qui est proposé à Nancy, avec une prééminence dans la sélection d’ouvrages destinés aux enfants.

Réfléchir à l’après confinement

Toutes ces pistes et initiatives ne sont bien évidemment que temporaires, tout du moins pour tenter de pallier un service qui n’est pas réaliste face au contexte épidémique. Malgré tout, connaissant l’utilité du portage à domicile pour leurs usagers, les bibliothécaires s’interrogent et réfléchissent d’ores et déjà sur l’après : quand le portage à domicile pourrait-il être rétabli ? A la fin du confinement, lorsque celle-ci sera décidée ? Plus tard ? A cette heure, il paraît important de s’assurer avant tout que soient réunies des conditions sanitaires satisfaisantes pour les personnels comme pour les usagers. A ce titre, un travail réunissant certaines associations professionnelles, le Service du Livre et de la Lecture et des collègues impliqués doit permettre de fournir à terme des préconisations et des repères bien utiles dans ces circonstances si exceptionnelles.

Communiqué de l’ABF « La poursuite de certains services de bibliothèques ne saurait s’effectuer au détriment de la santé publique »

Publié le 23/04/2020 - CC BY-SA 4.0

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