Le Bouton de nacre
El Botón de nácar, de Patricio Guzmán

Sortie en salles le mercredi 28 octobre 2015

Deux boutons de nacre retrouvés au fond de l’Océan Pacifique, près des côtes chiliennes, auront suffi à Patricio Guzmán pour imaginer un voyage à la fois irréel et profondément ancré dans l’histoire et la géographie de la nation chilienne.  
 

Photo du film
Le Bouton de nacre © Pyramide Distribution

L’Avis du bibliothécaire

Guzmán, c’est l’historiographe du Chili des années 1970, l’infatigable archéologue des traces sanglantes laissées par la junte militaire du général Pinochet. À partir de son premier grand film, La Bataille du Chili (1972-1979), fresque qui décrit les derniers mois de l’Unité populaire d’Allende, il va s’obstiner à réveiller la mémoire des habitants de son pays. Beaucoup veulent oublier les années terribles au profit des avantages du développement économique, mais les morts et surtout les disparus continuent à hanter l’inconscient collectif.
Film après film, Guzmán continue à travailler son style, sa méthode, jusqu’en 2010. C’est alors que sort sur les écrans Nostalgie de la lumière, un film-ovni qui emmène le spectateur dans le désert d’Atacama, terrain de jeu des astronomes en quête d’une vie extraterrestre et nécropole des restes humains de plusieurs générations d’explorateurs, mineurs et victimes de la junte. Au témoignage puissant sur l’histoire se greffe un souffle poétique qui transfigure le fond documentaire sans le trahir.

La Patagonie

Cette même veine irrigue son nouveau film Le Bouton de nacre. La Patagonie, vaste territoire à l’extrémité sud du Chili, à l’extrémité donc du continent américain, a remplacé les volcans et le ciel d’Atacama. C’est l’eau comme symbole de vie qui est l’objet de toutes les attentions du scénariste-réalisateur. L’eau couvre 71% du territoire de la Patagonie, les conditions climatiques sont inhumaines et pourtant des êtres humains se sont adaptés et vivent là depuis dix mille ans. La rencontre avec les ultimes descendantes des ethnies kawésqar et yagán, qui survivent en fabriquant des objets artisanaux, est émouvante et force le respect. Dans leur jeunesse, ces femmes ont parcouru des milliers de kms dans les canoës traditionnels qui sont encore fabriqués aujourd’hui. Elles sont le peuple de l’eau, ont toujours vécu en dehors des soubresauts de la civilisation industrielle et on se prend à penser que là au moins, dans ce monde liquide pur et naturel, la guerre civile et la violence n’ont pas pu avoir d’écho.La

Un bouton à la mer

C’est à ce moment-là que le mystère du bouton s’éclaircit, nous ouvrant les yeux et nous ôtant simultanément toute illusion. Dans ce paysage pur et limpide, des corps ont été  jetés au fond de l’eau, liés à des barres de fer. Le bouton de nacre est tout ce qui reste d’une de ces pauvres dépouilles. Les interviews de deux opposants historiques au régime de Pinochet, le philosophe Gabriel Salazar et le poète Raul Zurita, tous deux torturés dans les geôles de la junte militaire, étayent cette théorie du cimetière marin que Guzmán utilise comme nouvelle métaphore (après le désert et les cratères des volcans dans Nostalgie de la lumière) pour revenir une nouvelle fois sur le coup d’Etat.

Rappel

Le Bouton de nacre (El Botón de nácar) de Patricio Guzmán, production Atacama Productions, Valvidia Films, Mediapro, France 2 Cinéma, 2015, 1 h 22 min.
Distribué en salles par Pyramide Distribution.

Publié le 28/10/2015 - CC BY-SA 4.0