La Panthère des neiges
de Marie Amiguet et Vincent Munier

Sortie en salles le mercredi 15 décembre 2021.

Au cœur des hauts plateaux tibétains, le photographe Vincent Munier entraîne l’écrivain Sylvain Tesson dans sa quête de la panthère des neiges. Il l’initie à l’art délicat de l’affût, à la lecture des traces et à la patience nécessaire pour entrevoir les bêtes. En parcourant les sommets habités par des présences invisibles, les deux hommes tissent un dialogue sur notre place parmi les êtres vivants et célèbrent la beauté du monde.

La Panthère des neiges © Paprika Films / Kobalann Production / The Bureau Films

L’avis du bibliothécaire

« As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty. »

(« Comme je cheminais, j’aperçus parfois de brefs éclats de beauté. » Jonas Mekas)

Vincent, Sylvain, Marie et Léo-Pol

Vincent Munier, grand photographe animalier, a travaillé sous toutes les latitudes mais a été particulièrement attiré par trois lieux aux conditions climatiques rudes : l’Arctique, l’Antarctique et le Tibet. Il a toujours « préféré se concentrer plusieurs années de suite sur un sujet, plutôt que de papillonner et passer d’un reportage à un autre. » En 2017, il proposa à l’écrivain Sylvain Tesson, qu’il avait croisé plusieurs fois et qui avait émis le désir de le suivre en affût, de partir avec lui sur les traces de la panthère des neiges, en compagnie de la cinéaste Marie Amiguet et de l’assistant-réalisateur Léo-Pol Jacquot.

Sylvain Tesson est un auteur passé du statut d’écrivain voyageur à celui d’écrivain tout court en recevant le prix Goncourt de la nouvelle 2009 pour Une vie à coucher dehors, et le prix Médicis essai 2011 pour Dans les forêts de Sibérie.

Marie Amiguet, biologiste de formation, titulaire d’un Master de l’IFFCAM, Institut Francophone de Formation au Cinéma Animalier de Ménigoute, a co-réalisé Picci toubab, l’oiseau des blancs en 2014 et fait l’image de La Vallée des loups de Jean-Michel Bertrand en 2016. En 2017, elle a signé avec Vincent Munier Le Silence des bêtes, plaidoyer contre le braconnage des lynx.

Genèse du projet

Vincent Munier a entrepris huit voyages au Tibet, dont les deux derniers avec Sylvain Tesson « pour élargir le spectre, en quelque sorte. Me nourrir de ces beautés que je vais glaner et de ces rêves vivants n’est, à mon sens, plus suffisant. J’aspire à partager ces expériences, à attirer l’attention sur l’urgence qu’il y a à échapper à notre anthropocentrisme exacerbé, à l’hégémonie dévastatrice de l’espèce humaine sur toutes les autres. Je suis si meurtri par le sort de tous ces animaux acculés dans des espaces de vie de plus en plus réduits par notre faute ! Or, il est difficile de rendre compte de cette dimension par l’image seule, surtout quand on a choisi comme moi de montrer la beauté plutôt que la dévastation. Appuyer l’émerveillement que je cherche à véhiculer via mes photographies par un discours construit, engagé, m’apparaît nécessaire. » 

Marie Amiguet rapporte : « en 2017, il m’a proposé ce projet au Tibet. J’avoue qu’il m’a semblé difficile de refuser une aventure là-haut avec un écrivain que j’admire énormément et Vincent, le photographe que l’on sait, devenu mon compagnon entretemps. […] Vincent avait déjà accumulé énormément d’images vidéo animalières au cours de cinq précédents voyages, seul ou accompagné d’amis naturalistes. Son premier voyage remonte à 2011. »

Pour ce film, les quatre ont fait deux séjours de trois semaines dans l’Est du Tibet, sur des plateaux arides situés à l’altitude moyenne de 4 500 mètres d’altitude avec des sommets à 6 000 mètres.

L’art de l’affût

Le casse-cou Sylvain Tesson décrit avec humilité son apprentissage de la contemplation : « Alors que Vincent Munier me propose de l’accompagner au Tibet, en hiver, sur la piste de la panthère des neiges, je prends le temps de considérer la faveur immense qu’il me fait. Ça va être pour moi l’occasion de découvrir l’art de l’affût. Jusqu’alors, je me suis contenté de circuler dans les paysages. Au cours de dizaines de voyages dans la Haute-Asie, j’ai pris l’habitude de traverser les immensités, courant à la poursuite de l’horizon. En bref, je suis le vent. Moi qui ne jure que par l’art de la fugue, on m’invite là aux promesses de l’affût. »

Vincent Munier nous fait partager la part d’abnégation de son métier de photographe animalier derrière laquelle nous percevons son regard de poète, de « capitaine Achab » non-violent, de metteur en scène ayant dû choisir acteurs, lieux et moments propices pour tenter d’attirer le mystérieux animal dans l’espace de leur quatre champs visuels. « Je crois très fort en la notion d’instinct. Il est difficile de décrire la façon dont ton corps est partie prenante dans ces moments-là, dans tes réactions et les choix que tu fais. Ton être s’imprègne de tout : tous tes sens sont mobilisés ; tu entres comme en vibration avec l’espace qui t’entoure et le vivant qui l’habite. Les émotions sont littéralement exacerbées, et ta part animale retrouve enfin le moyen de s’exprimer. »

Marie Amiguet voulait « filmer, la rencontre entre deux bonshommes d’univers différents. J’étais curieuse de découvrir quel feu d’artifice ce tête-à-tête allait provoquer entre, d’un côté, Vincent, un homme très sensible à la nature, obsédé par la beauté et effectivement taiseux, et de l’autre, cet écrivain très volubile qui dévore la vie par les deux bouts. […]  je n’avais pas d’a priori. Je n’ai fait aucun repérage et je refuse de mettre quoi que ce soit en scène. Il me fallait donc rester ouverte simplement à ce qui allait se présenter. »

Le film

Le film parvient, par son montage, à installer une dramaturgie dans cette quête de deux hommes au cœur d’un univers sauvage, qui nous tient en haleine jusqu’à l’apparition de l’animal tant désiré.

La musique a été composée par Warren Ellis, multi instrumentiste, ex-membre des Bad Seeds, le groupe, dissout en 2011, du chanteur australien Nick Cave. La bande son est complétée, au moment du générique, par la voix romantico-lyrique de Nick Cave interprétant étrangement, pour ce voyage au cœur du Tibet, une chanson en anglais.

Alignement des astres

Le félin s’est montré quand la bande des quatre s’apprêtait à lever le camp. Sylvain Tesson a reçu le prix Renaudot 2019 pour son livre éponyme. Ce beau film sort alors que les glaciers fondent, que des espèces animales disparaissent, pour nous faire admirer, un bref instant, le passage silencieux d’une panthère en sursis sur le toit du monde.

Bande annonce :

Rappel :

La Panthère des neiges – Marie Amiguet et Vincent Munier – 2021 – 1 h 32 min – Production : Paprika Films, Kobalann Production, The Bureau FIlms, ARTE France – Distribution : Haut et Court

Jacques Puy

Publié le 13/12/2021 - CC BY-SA 4.0

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