Derniers jours à Shibati
de Hendrick Dusollier

Sortie en salles le mercredi 28 novembre 2018

Photo extraite du film Derniers jours à Shibati
Photo extraite du film Derniers jours à Shibati de Hendrick Dusollier

Le vieux quartier de Shibati ne survivra pas à l’expansion impressionnante de la ville de Chongqing. Le réalisateur filme sa destruction imminente et nous invite à suivre des personnalités singulières et attachantes.

L’Avis de la bibliothécaire

La caméra arpente un dédale d’escaliers, un enchevêtrement de maisons biscornues. Du gris, du sale et pourtant, une vie collective s’agite bel et bien dans ces ruelles sombres. Nous sommes en plein Shibati,  Hendrick Dusollier, seul avec sa caméra légère, nous ballade dans ce quartier en voie de disparition.

La ville de Chongqing à l’ouest de la Chine a vu sa population passer de 5 à 14 millions d’habitants en quelques années. Les immeubles se sont dressés là où s’étendaient des rues jonchées de maisons traditionnelles. Peu à peu, ces vieilles habitations ont laissé place à des routes et des complexes flambant neuf pour faire place au développement économique. Dès le début du film, un habitant de Shibati s’adresse d’ailleurs à Hendrick Dusollier  en lui disant : « C’est plus ça la Chine, tes images sont fausses ! ».

Faire vivre un monde

C’est sans doute cette idée de conservation, de collecte du réel que le réalisateur vient chercher dans ce coin du monde. Il avait déjà entamé ce travail en photographiant la Ribeira, quartier barcelonais alors en voie de démolition, qui fût l’objet de son premier court métrage Obras. Il y a effectivement quelque chose de fascinant à filmer ce qui est encore et ce qui ne sera bientôt plus ; filmer pour sauver de l’oubli et faire durer un monde fini ; filmer pour trahir les frontières et faire voyager.

Parti seul et sans traducteur, le cinéaste va à la découverte d’un lieu sans parler ni comprendre la langue du pays. De ce décalage naissent des scènes pleines d’humour. Et ce dispositif provoque un double effet : d’un côté en nous mettant à la place du voyageur, de l’autre en nous plaçant du côté du spectateur grâce aux sous-titres auxquels nous avons accès. Nous passons ainsi de l’un à l’autre, ce qui contribuera à nouer une relation particulière aux personnages que nous croiserons tout au long du film. Et cette incompréhension verbale fait émerger un autre langage, qui ne se voit pas mais se tisse entre celui qui filme et ceux qui sont filmés.

L’enfant et la vieille dame

De rencontres en rencontres, le réalisateur découvre un peu plus ce petit monde coincé au milieu du monde « du dehors », qui semble vivre à une autre époque et dans un autre rapport au temps. Deux personnages crèvent l’image et nous embarquent dans une réalité qui semble dépasser la fiction. D’abord le jeune Zhou Hong qui rêve de pouvoir passer des heures dans le grand centre commercial édifié à quelques mètres. La Cité de la Lumière de la Lune, sorte de temple exacerbé de la consommation, fait ainsi vibrer ses yeux d’enfant. Et puis, il y a Madame Xue Lian, vieille femme étonnante, collectionneuse d’objets mis au rebut, dont la poésie vient inonder le film.

Tourné en plusieurs fois, de six mois en six mois, le film nous permet d’assister à toutes les étapes du processus, de la destruction et de l’expulsion au temps du relogement. Et à travers ce qui nous est montré, à nous faire regretter la crasse, la promiscuité et à nous faire détester ce monde absurde et artificiel. C’est sans doute là la force du cinéma.

Le petit garçon, balancé entre son envie de rester dans un environnement qu’il connaît et son désir de vivre dans une société d’abondance, et la vieille femme qui trimballe sur son dos les vestiges d’un ancien monde dont plus personne ne semble vouloir, symbolisent ce renoncement à une organisation sociale, certes imparfaite, mais qui nous permettait de vivre ensemble les uns à côté des autres, et non pas les uns au-dessus des autres, les uns en dehors des autres. Derniers jours à Shibati sonne comme une fable que le cinéma peut faire vivre et revivre ad vitam.Derniers jours à Shibati sonne comme une fable que le cinéma peut faire vivre et revivre ad vitam.

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Rappel :

Derniers jours à Shibati de Hendrick Dusollier
2018 – 58 min – Production : Studio HDK – Maria Roche Productions – Les Films d’ici 
Distribué en salles par Météore Films

Film Annonce Derniers jours à Shibati d’Hendrick Dusollier – Au cinéma le 28 novembre from Métérore Films on Vimeo
 
 

Publié le 27/11/2018 - CC BY-SA 4.0

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