Club Biblio-Covid : le rôle des associations professionnelles

Biblio-Covid est un site de ressources qui annonce vouloir « accompagner élu-e-s et professionnel-le-s des bibliothèques pendant la crise sanitaire ».

À l’origine de ce site, il y a cinq associations professionnelles (ABF, ABD, ACIM, ADBGV et BiblioPat) qui ont travaillé ensemble et en étroite collaboration avec le service du Livre et de la Lecture (SLL) pour parvenir à produire des recommandations face à une situation inédite : nouveaux services à proposer, durées de quarantaine ou gestion des flux de documents comme des usagers.
Aujourd’hui, les responsables de ces associations reviennent sur l’aventure de ce club des cinq professionnel, porté activement par le SLL, et font un premier bilan d’une collaboration qui semble devoir se poursuivre.

Merci à Alice Bernard, présidente de l’ABF, Anne-Marie Bock et Céline Meneghin, co-présidentes de l’ABD, Dominique Auer, président de l’ACIM, Malik Diallo, président de l’ADBGV et Claire Haquet, présidente de BiblioPat, pour leurs réponses.

Page d'accueil du site Biblio-Covid

Après l’annonce du confinement, qui a pris l’initiative d’une action commune et d’un rapprochement avec le Service du livre et de la lecture ?

BiblioPat : C’est le Service du livre et de la lecture qui a été à l’initiative de ce rapprochement.

ACIM : Après l’annonce par Edouard Philippe de la réouverture des bibliothèques fin avril 2020, nous avons contacté l’ABF qui nous a proposé de participer à la rédaction du premier communiqué inter-associatif. Suite à la publication de ce communiqué, le 28 avril, nous avons été « naturellement » associés aux discussions avec le SLL.

Quelles ont été vos priorités par rapport à la communauté professionnelle ?

ABF : La première priorité était d’apporter des éléments de réponse, des éclaircissements et des pistes de voies à suivre pour faire face aux nombreuses sollicitations de collègues aussi perdus que nous face à cette situation inédite. Il fallait aussi faire en sorte que la situation se passe au mieux, ou le moins mal, pour les bibliothèques.

ACIM : L’idée était de donner des informations synthétiques, fiables et sourcées. Avec les réseaux sociaux, des informations contradictoires circulent, il paraissait donc indispensable d’apporter des éclaircissements fondés. Il était important aussi de transcrire les textes de lois dans un vocabulaire compréhensible pour tous mais aussi de faire le distinguo entre la loi et les recommandations. 

ADBGV : Il était aussi primordial de parler d’une même voix pour ne pas laisser circuler des conseils discordants en cette période compliquée.

ABD : Comme pour les autres associations, il s’agissait d’apporter des éléments de réponse et d’accompagnement concrets, qui soient les plus adaptés au cadre de la ruralité avec souvent de petites bibliothèques et de nombreux bénévoles. Il fallait aussi tenir compte des activités spécifiques des bibliothèques départementales.
La liste de diffusion de l’association a permis une communication réactive, outil d’échange dont une grande majorité de bibliothèques départementales se sont immédiatement saisies.
La pandémie induit un double niveau de pilotage dans l’organisation des bibliothèques départementales elle-même concomitamment à une forme de « nouvelle ingénierie » qui a fait irruption dans nos missions habituelles d’accompagnement des réseaux.

Comment se sont passées les relations avec le SLL ?

ABF : Cela s’est passé de manière enthousiasmante ! On était réellement dans une démarche collaborative, avec une recherche de consensus. Tout s’est fait « naturellement », avec Jérôme Belmon (SLL) aux commandes : les réunions étaient productives, c’était très appréciable. Cela a aussi permis d’échanger, de travailler avec d’autres membres du SLL non connus, ou avec qui nous n’avions pu avoir jusque là que des échanges impersonnels. Toute l’équipe du SLL a véritablement aidé et nous avons eu le sentiment de travailler « main dans la main ».

ADBGV : On avait d’excellentes discussions collectives entre associations et avec le SLL, qui a joué un rôle fédérateur.

ABD : Pour nous aussi, les échanges ont été très bons, à la fois constructifs et instructifs. Le travail a été pleinement collaboratif tant avec le SLL qu’avec les autres associations. Il y a eu surtout beaucoup d’écoute mutuelle.

ACIM : Oui nous avions vraiment l’impression de marcher dans le même sens.

La mise en place du site Biblio-Covid et son alimentation a forcément pris beaucoup de temps. Pouvez-vous nous raconter cette expérience ?

ACIM : Cette alimentation a surtout demandé beaucoup de réactivité de la part des associations professionnelles. Nos réunions en visio avec le SLL étaient parfois planifiées la veille pour le lendemain en fonction des annonces gouvernementales. Par ailleurs, et à juste titre, la communauté professionnelle a été très demandeuse d’informations, parfois avant même que les décrets ne soient publiés. Or, il faut comprendre le poids et la portée qu’ont les informations transmises via Biblio-Covid aux professionnels et aux élus, d’où la nécessité de prendre le temps de la réflexion et de la vérification avant de publier de nouvelles recommandations. 

ADBGV : Il a fallu construire ce site rapidement. Cela a été l’occasion de mettre à profit nos connaissances wordpress et de sortir un petit site. Là aussi l’objectif était d’avoir un canal de diffusion facilement accessible, qui puisse être mis à jour dès que nécessaire, et qui permette d’incarner un discours commun pour les recommandations. De cette façon, on évitait aussi aux collègues d’avoir à chercher l’information un peu partout, même si c’est une expertise de bibliothécaire. 

ACIM : Certains collègues se sont aussi étonnés de voir de nouvelles recommandations ou adaptations sur le site Bibio-Covid sans qu’elles ne soient répercutées immédiatement sur le site du ministère. À plusieurs reprises, le SLL nous a indiqué que le temps de validation du ministère était bien plus long que celui de l’interassociation. Pour autant les différentes infographies publiées sur le site, l’ont toujours été en concertation avec le SLL.

BiblioPat : Pour BiblioPat, le temps le plus important a été consacré à la rédaction des recommandations spécifiques pour le patrimoine. L’écriture a été partagée entre les membres du CA de l’association à partir des discussions avec le SLL, des problèmes rencontrés dans nos propres services ainsi que des questions posées par les abonnés de la liste. Enfin, un résumé de nos recommandations a été posté sur Biblio-Covid.

ABD : La situation inédite a nécessité une réactivité importante, rendue possible par le travail en coopération avec le SLL et l’interassociation. Au sein de l’ABD également, nous avons mis en place dès le début du confinement une « task force » constituée de membres du CA qui se sont mobilisés spécifiquement sur la question. Cela nous a permis de nous relayer et de répondre à cet impératif de réactivité.

Partagez vos joies et vos déconvenues : quelle étape a été la plus simple ? La plus compliquée ? 

ABF : Il y a eu la joie de montrer que travailler de manière vraiment collaborative avec le SLL, et les réunions en visio c’est possible ! La crise a permis de se rapprocher entre associations, d’échanger davantage ensemble au nom d’intérêt commun, c’était chouette !
Certains retours du terrain avec des réouvertures qui avaient lieu dans la précipitation sans prise en compte des recommandations ont représenté de réelles déconvenues.

ABD : Nous retiendrons aussi, comme joie, le travail coopératif réel et la mobilisation rapide de l’ensemble des acteurs (SLL – interasso). Les retours des bibliothèques départementales et de nos réseaux de lecture publique respectifs ont été positifs avec beaucoup de remerciements pour ce travail qui a permis de rassurer et d’accompagner dans cette situation inédite. Nous avons pu percevoir de façon concrète et tangible la diversité de situations dans les bibliothèques départementales mais la permanence d’un socle commun d’accompagnement du réseau.
Ce qui a été plus compliqué, ce sont les annonces gouvernementales connues à la dernière minute (le SLL apprenant les choses en même temps que nous). Or on ne rouvre pas une bibliothèque avec une adaptation importante des protocoles sanitaires en une demi-journée !  Il a fallu aussi être lucide sur la fragilité d’une partie des bibliothèques animées par les bénévoles.

ADBGV : Du côté des joies, je pense à la facilité du dialogue et des échanges, les encouragements mutuels entre nous et d’autres collègues, et la satisfaction de voir l’utilité du travail mené dans les retours que nous avons eus des uns et des autres. 
Par contre, on a beau y avoir passé des heures et sorti nos meilleures règles de calculs, on n’a toujours pas une méthode unique et efficace pour estimer de façon universelle une jauge dans une bibliothèque. Cela montre la complexité des lieux, et aussi la difficulté de la situation qui demande des adaptations locales. Cela a toujours été un des challenges lors des réunions que d’arriver à distinguer la loi de la recommandation : ce qui doit être la règle partout, ce qui est recommandé à tous et, enfin, ce qui est laissé à l’appréciation locale car il n’est pas possible d’édicter une règle figée pour tous.

ACIM : Pour moi, le plus complexe était effectivement d’essayer d’apporter des réponses adaptables dans tout type de structure (rurale, urbaine, de grande ou petite taille, avec des bénévoles ou pas…) et de répercuter au mieux la parole, les interrogations et les difficultés de l’ensemble de la profession. 

Vos associations regroupent des publics différents. Avez-vous mis des outils spécifiques en place pour vos adhérents ?

ACIM : Côté ACIM, nos adhérents sont principalement des discothécaires ou bibliothécaires musicaux travaillant en bibliothèques territoriales. Certains peuvent être adhérents à d’autres associations professionnelles mais pas forcément. Durant le premier confinement nous avons mis en place un padlet (non actualisé faute de temps) recensant les initiatives des bibliothèques musicales.

ABF : Nous avons également créé un padlet sur les initiatives et services à distance mis en place par les bibliothèques.
Pour l’aspect RH, toute personne, adhérente ou non, a pu bénéficier de l’accompagnement de notre commission dédiée sur leur page Facebook et le site Agorabib.
Un serveur a été mis en place sur Discord pour échanger les annonces, informations ou encore retours du terrain. Ouvert au départ au seul conseil national et aux responsables de commissions (le CA en gros), le lien s’est diffusé et a agrégé d’autres adhérents, voire au-delà. Des documents partagés ont permis de travailler à plusieurs sur les différents textes proposés. Sinon les informations ont été diffusées aux adhérents avec la newsletter mensuelle.

ABD : Pas d’outils spécifiques supplémentaires pour ce qui nous concerne : notre liste de diffusion (non réservée aux adhérents) a été le principal vecteur de diffusion et d’échanges. Nous avons pu recueillir les interrogations et y répondre. Nous avons pour travailler ensemble mobilisé les outils dont nous disposions (drive associatif). L’AG s’est déroulée en visio pour la première fois (15/09/2020).

Capture d'écran du tableau virtuel créé par l'ABF en ligne
© Bpi

Est-ce que cela vous a donné envie d’être une seule et même et grande association ou vous semble-t-il pertinent et utile de rester des entités distinctes ?

BiblioPat : Je n’en ressens pas le besoin. Nous y perdrions en réactivité et proximité avec notre base d’après moi.

ACIM : Pour les mêmes raisons, il me semble plus pertinent que les différentes associations continuent à travailler sur leurs domaines d’intervention respectifs. Cependant, cette crise de la Covid a montré la nécessité d’une collaboration étroite entre les différentes associations. 

ABD : Nos spécificités en tant que bibliothèques départementales légitiment notre existence. Le réseau d’échanges de l’ABD permet une réactivité et surtout des réponses adaptées à nos métiers. À nos yeux, la pluralité des associations a été à même d’enrichir les propositions.

ADBGV : Tant qu’on est capables de se réunir sur les sujets communs comme cela a été le cas, cela nous permet d’être à la fois pertinents sur nos spécificités et efficaces ensemble quand il le faut. Cette agilité est un atout.

Et dans vos établissements respectifs, qu’est ce qui vous semble le plus notable ?

ACIM : Avant tout, je dirai l’attachement du public pour nos établissements. On l’a bien ressenti à travers les commentaires publiés ici ou là entre les différentes étapes de confinements et déconfinements successifs. Également, le public comme les professionnels ont pu prendre conscience de l’importance du lien social existant en période « normale » dans nos murs.

ABD : De notre côté, nous considérons que l’accompagnement du réseau de lecture publique par la bibliothèque départementale a pleinement fonctionné : les recommandations, les protocoles à mettre en place, la réorganisation des services proposés, les questions d’ordre pratique sont autant d’éléments autour desquels nous avons eu de nombreux échanges. Les bibliothèques départementales ont adapté leurs outils et leurs offres : élargissement de l’accès aux offres numériques, créativité des propositions en formation, actualisation de la stratégie de communication.

ADBGV : L’attachement des bibliothécaires aux publics et aux missions sociales des bibliothèques a été mis en évidence ; et leur énergie pour inventer de nouvelles façon de donner accès aux contenus culturels, tous outils confondus, du prêt à emporter à la médiation en ligne.

Si vous deviez qualifier cette expérience en peu de mots, vous diriez :

ADBGV : Une force collective.

BiblioPat : Très intéressante, elle a permis de légitimer les associations par rapport à la profession. On a montré que l’on marche tous dans le même sens, et qu’on est utiles pour donner des outils pratiques et des conseils aux collègues.

ACIM : Riche d’enseignements dans le dialogue et la recherche de consensus.

ABF : Enrichissante ! Chronophage et stressante aussi mais en même temps enthousiasmante avec cette impression, confirmée, d’avoir été réellement utile à la profession. 

ABD : Nous avons la même impression que les collègues : cela a été très enrichissant et utile à la profession. Le travail des associations et du SLL a d’ailleurs été remarqué et salué par les associations d’élus (ADF de notre côté, mais aussi FNCC) et pris pour modèle dans le reste du champ culturel. Nous avons apporté la preuve de la force de mobilisation interassociative.

Publié le 01/02/2021 - CC BY-SA 4.0

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