Le service « Etudes et recherche » de la Bpi s’est vu confier par le service « Livre et lecture » de la Direction générale des médias et des industries culturelles du Ministère de la culture et de la communication le troisième volet d’une étude nationale consacrée à l’étude des « impacts » des bibliothèques publiques sur leurs territoires et leurs populations.
Ce troisième volet doit porter sur la question de l’impact et/ou de la valeur économique de ces établissements. Si elle est importante et utile, la question de la valeur économique des bibliothèques publiques fait débat et pose question. Les économistes de la culture eux-mêmes soulignent la fragilité et l’ambiguïté des indicateurs de valeur (ou d’impact) appliqués aux bibliothèques alors que ces institutions culturelles publiques – services publics non marchands – ont des missions multiples, qu’elles ne relèvent pas directement de la sphère marchande et qu’elles ne se prêtent pas facilement à une analyse en termes exclusivement économiques et encore moins exclusivement monétaires.
La recherche envisagée doit par conséquent tenir compte de cette difficulté pour que le problème puisse être posé clairement et puisse être travaillé dans une optique critique constructive. La « valeur socioéconomique » des bibliothèques publiques peut être une occasion de réinterroger la question de la formation de la valeur avec ce que cette formation contient de conflits implicites, éthiques et politiques. Cela suppose de dépasser le champ de l’économie standard et d’intégrer à la réflexion des dimensions et des perspectives issues d’autres sciences sociales avec lesquelles les économistes institutionnalistes travaillent (en particulier l’économie des conventions, la socio-économie, la sociologie économique, ou encore dans le cas de cet objet, la sociohistoire de la quantification etc.). Les travaux de Florence Jany-Catrice développés au sein du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (CLERSE, UMR8019, Université de Lille), ainsi que ceux des chercheurs associés au CLERSE, constituent une alternative constructive à la fois en matière d’analyses et de production d’indicateurs.
Les travaux du CLERSE (Florence Jany-Catrice, Laurent Gardin, Arthur Jatteau et Richard Sobel) sont en effet particulièrement adaptés au troisième volet de l’étude nationale lancée par la DGMIC car ils développent une réflexion sur le concept de « valeur ». Celle-ci est en permanence en co-construction, que ce soit dans les relations que les individus entretiennent entre eux ou avec les établissements qu’ils fréquentent ou ont fréquenté. L’objectif de la recherche confiée au CLERSE serait de proposer aux professionnels des bibliothèques une vision large et nuancée des approches socioéconomiques de la valeur. Il s’agirait (i) de saisir généalogiquement comment et pourquoi émerge l’idée même de « valeur économique » des bibliothèques ; (ii) d’observer comment les acteurs, dans leur ensemble, usagers compris, s’approprient l’idée d’impact économique de leur activité et de leurs établissements ; et (iii) de rendre compte de méthodologies qui tiennent compte de l’ensemble des parties-prenantes pour dire la ou les valeur(s) socioéconomique(s).
Publié le 02/11/2018
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