Premières solitudes
de Claire Simon

Sortie en salles le mercredi 14 novembre 2018

 

À 16-18 ans, si on a de la chance, on est au lycée.
Ici on est à Ivry et on discute entre les cours, même parfois pendant les cours.
Assis dans les couloirs, dehors sur un banc ou sur un parapet avec vue sur la ville, les jeunes gens dialoguent à deux ou à trois.
Ils découvrent leurs histoires respectives, celles dont ils héritent, racontent leur famille, leurs passions et aussi leur solitude.
À cet âge-là, chacun voit le moment où il faudra quitter sa famille, quand elle existe… ou la fuir encore plus quand elle est toute cassée.
Être seul, c’est bien et c’est mal. On cherche, on en discute.

Photo du film Premières solitudes
 © 2018 – SOPHIE DULAC PRODUCTIONS – CARTHAGE FILMS

L’Avis de la bibliothécaire

En 1992, Claire Simon pointait la cruauté des enfants de maternelle dans le film Récréations. Plus de 25 ans après, elle se rend dans un lycée de la banlieue parisienne pour approcher dans son dernier film Premières solitudes les fragilités et les incertitudes d’un petit groupe de lycéens.
 
D’abord envisagé comme un court-métrage de fiction qui lui avait été commandé par la ville d’Ivry-sur-Seine, dans le cadre d’un partenariat, Premières solitudes est devenu un documentaire composé de dialogues entre les lycéens. Le film est tourné avec dix élèves d‘une classe de Première, spécialité Cinéma du lycée Romain Rolland d’Ivry. Afin de mieux les connaître, Claire Simon fait parler chaque lycéen seul face caméra sur un thème qu’elle a choisi, la solitude. C’est à cause de l’intensité et de la profondeur de ce travail non monté que le projet s’est transformé. Elle propose aux lycéens, qui souhaitent poursuivre l’expérience, de participer au film sous forme de dialogues en petits groupes de deux ou trois.
La réalisatrice élabore alors un scénario et fait participer les élèves à la prise de son.  Elle les fait sortir de la classe pour les suivre dans les espaces du lycée, elle les filme également à l’intérieur d’un autobus, dans un café ou dans la rue.
Des ponctuations comme une danse indienne, des courses dans les escaliers, des déambulations dans les espaces du lycée viennent s’intercaler entre les séquences de discussions.
 
Paroles de lycéens
 
Lors des discussions, garçons et filles se confient sur leurs tourments personnels provenant le plus souvent de leur situation familiale, les parents séparés, les pères absents, les mères qui assurent le quotidien de leur mieux. Ils se racontent leurs manques affectifs sur lesquels ils tentent de se construire tant bien que mal. Ils avouent avoir tendance à se renfermer sur eux même. Des familles déstructurées, le manque de communication forment un cadre plutôt angoissant à cette période charnière de la vie où l’enfance s’éloigne. Pendant les conversations apparaissent d’autres problématiques auxquelles ils sont confrontés : la maladie mentale d’un parent, des problèmes sociaux, financiers ou linguistiques. Cet ensemble pourrait donner un tableau très sombre mais leur fraîcheur, leur sincérité, leur fougue et le partage de leurs vécus semble aplanir leurs soucis.
 
Ce qui est remarquable dans ce film touchant et émouvant, c’est la qualité de la parole et de l’écoute, l’empathie de ces jeunes pour leurs camarades dont l’histoire fait écho à la leur. Claire Simon grâce à son dispositif trouve le chemin pour ouvrir la porte aux confidences.
Ils parlent également de leurs passions, de leurs histoires d’amour, de leurs espoirs et de leurs peurs du futur. « Je sais qui je veux devenir, mais je ne sais pas qui je vais être » dit Tessa.
Vers la fin du film, devant un beau mur bleu, trois adolescentes évoquent leur avenir de mères qui pourrait marquer la fin de la solitude : « Souvent on ne veut pas refaire les mêmes erreurs que nos parents » exprime Elia. 

« Premières Solitudes est un film initiatique sur la parole qui s’échange entre des jeunes gens de dix-sept ans qui apprennent à se regarder, à s’écouter, à faire avec les histoires compliquées des un-e-s et des autres. La cinéaste leur a seulement donné quelques mots clés, puis capte les dialogues qui se nouent dans ce forum improvisé. Ce faisant, elle fabrique un espace-temps protégé, un être-ensemble temporaire où chacun-e dépose son fardeau et énonce son désir d’affranchissement. »
(Emmanuel Chicon – Visions du Réel)

Rappel

Premières solitudes de Claire Simon
2018 – durée 1h40
Sophie Dulac productions – Sophie Dulac Distribution
Première mondiale – Berlinale 2018 – Section Forum | Projection spéciale Generation 14Plus
États généraux du film documentaire – Lussas (France) – Sélection Plein air
Visions du Réel – Nyon (Suisse) – Séance spéciale – Maître du Réel