Mallé en son exil
de Denis Gheerbrant

Sortie en salles le mercredi 16 janvier 2019
 

Portrait de Mallé, homme de ménage malien en région parisienne: vie en foyer à Montreuil, travail fatiguant et mal payé, déracinement. Denis Gheerbrant a réalisé un film ou l’empathie et le respect n’éludent pas les questions sensibles de l’excision, la polygamie, l’esclavage existant encore au Mali.

Mallé en son exil © Denis Gheerbrant
Mallé en son exil © Denis Gheerbrant

L’Avis du bibliothécaire

Denis Gheerbrant est un cinéaste indépendant, travaillant généralement seul, sans équipe, ce qu’autorise sa formation de chef-opérateur. Ainsi peut-il envisager des filmages de longues durées. Il donne la parole à ceux qui souvent ne l’ont pas: enfants gravement malades, travailleurs en grève, rescapés de massacre… Sa démarche est sensible, exigeante et courageuse car le métier de cinéaste documentaire est peu rémunérateur, spécialement quand on se tient éloigné des paillettes et du glamour.
 
Denis Gheerbrant a filmé Mallé pendant cinq ans. La difficulté principale fut de trouver un protagoniste qui accepte sa proposition de construire une relation de confiance qui laisse aussi la place à un regard critique. “Il a fallu un an avant que je commence à tourner, deux ans pour que je prenne conscience que j’étais bien engagé avec une des personnes rencontrées dans ce qui va donner sa forme et son objet à mon film : une monographie donc, pas tant un portrait qu’un cheminement, tel un fil que l’on tire d’une pelote, dans la découverte d’un autre que moi, d’une autre culture, d’une autre société… au sein d’une amitié construite dans ce projet commun de film. Une maison dont Mallé m’a ouvert et m’ouvre encore tous les jours davantage les portes.”
 
Mallé est originaire d’un village du Mali. Sa famille fait partie d’un groupe noble et respecté, les Soninké. A Paris, il a un emploi qui lui rapporte environ 1000€ par mois, dit-il. Il envoie 500€ à ses femmes au Mali, en dépense 200 pour louer avec un colocataire une chambre à deux petits lits à Montreuil, et 200 pour vivre.
 
Une empathie se perçoit entre les deux hommes. Cependant leurs  rapports deviennent un peu plus tendus quand le cinéaste aborde les questions qui fâchent: l’excision à laquelle ont été soumises ses femmes et filles, la polygamie, les rapports dominants-dominés décrits comme naturels par Mallé (entre classes sociales tout comme entre hommes et femmes), l’existence de familles d’esclaves possédées de génération en génération par Mallé. Sur ces sujets, le cinéaste exprime sa critique.
 
Ce film ethnologique n’est ni compassionnel ni complaisant. C’est un portrait vivant mais aussi une analyse économique du travail d’un émigré (circuit financier du salaire), une réflexion sur la confrontation entre deux cultures. Ce regard respectueux mais non dénué d’interrogations critiques, nous apprend beaucoup sur un homme et une communauté, et nous permet d’en appréhender la complexité.
 
Denis Gheerbrant, avec ce dernier film réussi, poursuit son œuvre qui donne la parole aux laissés pour compte, aux oubliés, dans une démarche humaniste, intègre, toute à son honneur. 

Rappel

Mallé en son exil de Denis Gheerbrant, France, 2017, 1h 44 min., production, L’atelier documentaire, coproduction: Vosges télévision, Les films d’ici.
 
Prix de la diversité, Festival du film documentaire « Traces de Vies » 2017, Clermont-Ferrand (France)
 
Distribué en salles par L’ atelier documentaire