Rue du conservatoire

Sortie en salles le mercredi 18 septembre 2024.

La vie est un spectacle. Valérie Donzelli filme une jeune troupe de comédiens dans la production de son spectacle, qui clôt trois années d’études au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris.

Photo du documentaire Rue du Conservatoire.
Rue du conservatoire © Rectangle productions

La comédienne et réalisatrice Valérie Donzelli s’est fait connaître au cinéma en 2011 avec son second long métrage. La Guerre est déclarée s’inspirait directement de sa vie privée avec le comédien Jérémie Elkaïm et a connu un succès populaire surprise.

Son premier projet documentaire Rue du conservatoire est de nouveau l’occasion de mettre en scène sa vie. Son personnage traverse la crise de la cinquantaine et une séparation qui la conduit à déménager pour changer de vie. Sa rencontre avec la promotion 2022 du Conservatoire national d’art dramatique lui permet de trouver ou de retrouver l’esprit de troupe. 

Surtout, Valérie Donzelli a le coup de foudre pour la fougueuse Clémence Coullon. Son film la magnifie comme le double de la cinéaste. Ses doutes comme son engagement dans la direction d’acteur incarnent et font écho au travail exploratoire de la cinéaste dans les phases d’écriture comme de répétition. Rue du conservatoire est paradoxalement un retour sur soi à la faveur d’un cap existentiel. « En filmant cette jeunesse, j’ai revisité la mienne » écrit Valérie Donzelli.

Dans ce dispositif trop souligné tout le long du film, dans un montage très encadré par la présence de la réalisatrice, les jeunes comédiens apparaissent comme les instruments d’une fortune à l’issue toute tracée. Comme s’ils se destinaient à jouer leur carrière naissante sur le coup de dé d’un spectacle, dont nous ne percevons pas forcément l’enjeu véritable pour eux. La production est en effet financée par le Conservatoire, qui met à disposition des salles pour répéter, un théâtre pour se produire et les techniciens qui vont avec. Difficile en tous les cas pour le film de ne pas finalement épouser le rythme et l’énergie de la troupe avant la première de son Hamlet. Le spectateur se souviendra sans doute au fur et à mesure des innombrables films de troupe tant regardés et aimés au cinéma notamment. Dans ce sens, Rue du conservatoire s’inscrit presque dans un genre à part entière, en essayant toutefois de s’en dégager.

Photo du documentaire Rue du Conservatoire.
Rue du conservatoire © Rectangle productions

Consciente de l’évidence un peu monotone de réaliser un making-of, la réalisatrice consacre une bonne partie de son film à construire sa relation de metteuse en scène à metteuse en scène. Cette relation de pair à pair peut s’avérer déconcertante et même agaçante, car elle ramène trop souvent le spectateur à la cinéaste, et le distrait du spectacle du travail collectif des comédiens. 

Sans doute l’enjeu le plus important du film est ailleurs. Valérie Donzelli l’énonce d’ailleurs parfaitement : « Qu’est-ce qui se cache derrière les acteurs ? Derrière cette peur de ne plus être regardé ? Clémence a besoin de les regarder une dernière fois. Et j’imagine que le fait d’être regardée par moi une dernière fois la rassure. » La cinéaste éprouve son regard sur la comédienne et son plaisir est particulièrement saisissant dans les séquences de groupe. Le visage animé par les grimaces, expression du doute qui assaille Clémence Coullon comme les autres comédiens, est un spectacle réjouissant et souvent palpitant. Leur corps et leurs expressions jusque dans leurs excès comptent autant à ses yeux que le texte dont ils s’emparent ensemble.

On peut cependant regretter que la relation épistolaire entre Valérie et Clémence, comme les entretiens face caméra, viennent perturber l’économie du processus théâtral ainsi filmé. Le film cherche constamment à s’affranchir de la chronologie et de sa téléologie, en multipliant les effets de cadre et en fractionnant le récit, sans toutefois oser l’assumer complètement. Les moments réflexifs d’analyse face caméra participent paradoxalement d’un découplage au réel, en mettant à distance d’une manière saugrenue une parole pas véritablement neuve sur le métier. 

Avec la fougue et le goût du burlesque qu’on lui connaît, Valérie Donzelli puise dans le réel une matière bouillonnante à fictions, qui correspond bien au Hamlet disruptif imaginé par Clémence Coullon. Le regard croisé sur sa jeunesse perdue et une jeunesse qui lui échappe touche néanmoins au cœur et à l’universel de la comédie humaine.

Bande-annonce

Rappel

Rue du conservatoire – Réalisation : Valérie Donzelli – 2024 – 1 h 20 min – Production : Rectangle productions – Distribution : Diaphana

Publié le 19/09/2024 - CC BY-SA 4.0

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