Appartient au dossier : Sciences et bibliothèques

Le projet européen TinkerLib avec la médiathèque départementale de Seine-et-Marne

Le projet « Tinkerlib » est à la croisée de plusieurs sujets qui intéressent particulièrement les bibliothèques : la médiation scientifique, une démarche d’expérimentation par le faire, l’attention aux publics éloignés, la coopération entre bibliothèques et Centres de sciences, la dimension européenne…

Il avait tout pour nous plaire ! Nous avons donc rencontré Marguerite Alves, référente sciences et Karen Letourneau, responsable Poldoc et cheffe de service du secteur Nord, qui portent ce projet, avec l’association TRACES, pour la médiathèque départementale de Seine-et-Marne.

Dans quel contexte s’inscrit ce projet ?

Depuis une dizaine d’années, la médiathèque départementale a fait de la science un de ses axes thématiques prioritaires, inscrit dans le Schéma départemental de lecture publique.

Marguerite Alves est référente du fonds sciences pour la médiathèque départementale. Elle est chargée des acquisitions, valorisations, médiations, et travaille en transversalité sur l’action culturelle, l’EMI et les formations autour de la médiation scientifique.

Il n’y a pas de Centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) dans le 77. La médiathèque départementale travaille avec des associations, comme Planète Sciences ou Terre avenir. Nous sommes aussi allées à la rencontre d’acteurs scientifiques d’autres départements, comme l’Exploradôme, à qui nous avons commandé des malles de médiation scientifique.

Le projet avec l’association TRACES répond à plusieurs objectifs de la médiathèque départementale : travailler avec les publics éloignés et favoriser la formation à la médiation scientifique des bibliothèques du territoire, notamment.

Logo TinkerLib, Médiathèque départementale de Seine-et-Marne

Pouvez-vous nous expliquer le concept de tinkering ?

Cela vient de l’anglais « to tinker », qui peut se traduire par bidouiller, ou plutôt penser avec les mains. Il s’agit d’utiliser des matériaux de récupération pour répondre à des petits défis. L’ambition est de décomplexer les personnes qui pensent ne pas avoir la légitimité scientifique. Cela s’adresse à toutes et tous et permet de mélanger les publics.

Le tinkering est une démarche complémentaire au mouvement makers mais elle est encore plus simple. Ce qui compte, ce n’est pas le résultat, qui n’est pas conservé, mais la démarche, le fait d’émettre des hypothèses, de réfléchir en faisant. C’est l’Exploratorium de San Francisco qui est à l’origine du tinkering, un musée scientifique où il est interdit de ne pas toucher.

Deux formations aux bibliothèques du département de Seine-et-Marne ont été proposées par l’association TRACES, qui travaille principalement avec des publics éloignés sur des projets liés à la culture scientifique. Elle est très axée sur la science participative et l’innovation sociale, qui sont au cœur de la politique « Science avec et pour la société » (SAPS), portée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La formation aborde l’intérêt de la pédagogie du tinkering, comment faire de l’inclusif avec cette méthode, pourquoi… Une mallette a été élaborée à destination du réseau de bibliothécaires formé·es.

Qu’est-ce que le projet européen TinkerLib, dont la médiathèque départementale de Seine-et-Marne est partie prenante ?

Il s’agit d’un Projet Erasmus + Coopération, fruit d’un travail commun entre cinq pays européens (France, Italie, Serbie, Autriche, Pays-Bas).

L’objectif est d’inventer ensemble des ateliers de médiation qui s’appuient sur la technique du tinkering, à destination de publics adultes empêchés (« with lower opportunities » dans le projet).

Dans chaque pays, un binôme est constitué entre un centre de sciences et une bibliothèque. Pour la France, c’est l’association TRACES, également porteuse de l’ensemble du projet TinkerLib à l’échelle européenne, et la médiathèque départementale de Seine-et-Marne qui constituent le binôme.

Ce projet a commencé en 2023 et se terminera en 2025, avec la production d’une formation et d’un guide d’observation qui seront proposés aux bibliothèques et aux centres de sciences.

Fils de toutes les couleurs, branchements, petits appareils électriques posés sur une table
Tinkering Studio at the Exploratorium, Fabrice Florin via Flickr

Quelles sont les étapes de TinkerLib et comment se décline-t-il chez vous ?

C’est un processus qui se construit au fur et à mesure, et qui demande beaucoup de temps ! TRACES coordonne le projet à l’échelle européenne mais chaque partenaire est en charge d’une partie administrative et opérationnelle du dossier. Il y a beaucoup de rendus administratifs à produire.

Le projet a été lancé en octobre 2023. Tous les acteurs du projet se réunissent en visio une fois par mois, et deux fois par an en présentiel.

Les bibliothèques ont d’abord expérimenté le tinkering dans les centres scientifiques avec un nombre d’ateliers défini. En parallèle, elles ont présenté des activités de bibliothèques aux acteurs scientifiques. Une fiche d’observation a été réalisée et doit servir à l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques inclusives en matière de médiation scientifique, qui sera le rendu final du projet TinkerLib, traduit en cinq langues.

Dans le seconde phase du projet, qui vient de démarrer, chaque pays doit co-construire un atelier avec son public cible. La médiathèque départementale de Seine-et-Marne travaille avec un groupe de détenus de la prison de Melun. Ces publics, dans les autres pays, peuvent être des personnes autistes, des seniors, ou encore des migrant·es.

Cinq séances de travail sont prévues avec les détenus pour leur faire créer un atelier qui reprendra les caractéristiques du tinkering et des bibliothèques : une séance pour faire émerger des idées d’ateliers, une séance pour tester ces idées et choisir la meilleure, une autre pour tester l’atelier avec d’autres détenus invités par les participants, et une séance d’évaluation.

L’idée est de faire rayonner cette pratique sur l’ensemble des bibliothèques du département, même si le fait de travailler avec un public détenu ne facilite pas la dissémination. Les bibliothèques qui ont bénéficié de deux jours de formation sont parvenues à mettre en place des ateliers elles-mêmes, mais le manque de temps fait que la médiation scientifique a du mal à s’institutionnaliser.

Des questions inattendues ont aussi émergé de la rencontre avec les centres scientifiques sur les pratiques d’ateliers. Ils étaient très surpris par le fait qu’en bibliothèque, les gens se racontent très facilement, qu’on nous livre beaucoup de choses. Cela a permis d’échanger sur la manière d’accueillir le traumatisme, etc.

Un moment de restitution aura lieu en juin 2025 et une présentation internationale sera faite en septembre 2025, du kit pédagogique et du guide des bonnes pratiques.

Publié le 17/10/2024 - CC BY-SA 4.0

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