Ce que la loi Robert dit du désherbage
par Adèle Martin

Dans ce troisième et dernier article de notre dossier consacré à la loi Robert au 68ème congrès de l’ABF, nous nous penchons sur un point sensible de la gestion des collections, souvent mal compris des publics : le désherbage.

Partie intégrante de la politique documentaire, la politique de désherbage est, elle aussi, légitimée par la loi Robert qui stipule dans son article 6 que les collections « sont régulièrement renouvelées et actualisées ».

Etagère des ouvrages désherbés à la Bpi, avec motifs de désherbage comme les nouvelles éditions
© Bpi

Si les fonds patrimoniaux des établissements demeurent inaliénables, ce n’est pas le cas des collections courantes des bibliothèques qui « doivent être considérées comme relevant du domaine privé des personnes publiques », selon les recommandation du Guide de gestion des documents patrimoniaux en bibliothèques territoriales publié par le ministère de la Culture. Les collections courantes des établissements peuvent donc être désherbées, et la loi institue de fait qu’elles doivent l’être.

Désherber régulièrement les collections répond à une nécessité de gestion qui aujourd’hui se fait d’autant plus pressante que, dans un certain nombre d’établissements, la place vient à manquer. Et cela ne concerne pas seulement les rayonnages accueillant des documents en libre accès mais aussi les magasins et réserves des établissements qui ne peuvent pas croître indéfiniment. Au sein du réseau des bibliothèques de Bordeaux, on prend très au sérieux cette problématique de stockage, même si jusqu’ici, des solutions à court terme ont pu être trouvées, comme la réorganisation des magasins ou l’installation de nouvelles étagères.

Par ailleurs, l’évolution des usages et le recul des consultations de documents en bibliothèques plaident pour la recherche d’un meilleur équilibre entre la place accordée aux collections et celle réservée aux autres usages de la bibliothèque. Il faut aujourd’hui, pour offrir une plus grande convivialité, des espaces et de meilleures conditions d’accueil. Pour permettre cela, au sein des bibliothèques de Rennes, on s’est donc fixé de désherber un document par document acquis, en ayant toujours en ligne de mire la qualité du service rendu à l’usager.

Quant aux modalités de réalisation du désherbage et au devenir des ouvrages retirés des collections, l’article 13 de la loi Robert permet une avancée en légalisant une pratique existante qui est le don à des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Pratique indispensable, le désherbage demeure néanmoins un sujet sensible. Il peut susciter des réactions négatives de la part du public, des élus, et même de collègues qui, pour différentes raisons, sont parfois réticents à retirer des ouvrages des collections. La loi Robert, qui explicite et justifie la pratique du désherbage, peut faciliter le dialogue de la bibliothèque avec ces différents interlocuteurs.

Adèle Martin est cheffe du service Savoirs pratiques de la Bibliothèque publique d’information (Bpi).

Publié le 09/09/2023 - CC BY-SA 4.0

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