Appartient au dossier : Les bibliothèques qui venaient du froid : voyage d’étude en Norvège

Visite de la Deichman Bjørvika Bibliotek
par Mélanie Villenet-Hamel

En juin 2023, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) organisait un voyage d’étude en Norvège. La Deichman Bjorvika Bibliothek figure parmi les établissements les plus marquants visités par le groupe.

À peine descendues de l’avion, première spectaculaire étape : la Deichman Bjørvika Bibliothek.
Le quartier de Bjørvika, en plein centre d’Oslo, donne sur le Fjord et est en spectaculaire extension.

Façade de la Deichman Bjorvika Bibliotek ©Bpi
© Bpi

Cet ancien port est devenu un quartier culturel (dans un mouchoir de poche se trouvent la bibliothèque, l’opéra, le musée Munch) très urbain. Les grands ensembles architecturaux voisinent avec… une plage, des saunas sur pilotis, des guinguettes !

Toutes les bibliothèques d’Oslo portent le nom de Deichman, exploitant minier qui, en léguant sa collection personnelle à la ville d’Oslo à la fin du XVIIIe siècle, a posé la première pierre du réseau.

Bjørvika, à la fois tête de réseau et bibliothèque de quartier

La bibliothèque Bjørvika est ouverte depuis 2020. Elle a été dessinée par les agences norvégiennes Atelier Oslo et Lund Hagem et se déploie sur 19600 m². Sur ses 6 étages, un niveau est en sous-sol. Il accueille un amphithéâtre. Le reste de cette surface, non accessible aux publics, est consacré aux magasins et à la zone logistique. En effet, les collections du réseau Deichman circulant sans fonds flottant, 2 millions de documents transitent ici chaque année. Un gigantesque robot trieur répartit ainsi les retours dans les espaces et les sites.

Photo du gigantesque robot trieur de la Deichman Bjorvika Bibliotek qui répartit les retours dans les espaces et les sites.©Bpi
Les retours sont triés et répartis par un immense robot trieur © Bpi

Une architecture belle, confortable et responsable

L’architecture du bâtiment, résolument moderne, est en accord avec le quartier, l’opéra (Snohetta) et le musée Munch (Juan Herreros) étant à proximité immédiate. Le bâtiment est presque intégralement vitré, mais un dispositif de verre poli double ce vitrage, limitant d’une part les effets d’éblouissement, et jouant d’autre part un rôle d’isolant.

Espace intérieur de la Deichman Bjorvika Bibliotek : immense baie vitrée donnant sur le port, scène modulable © Bpi
© Bpi

Des puits de lumière obliques viennent conforter cette luminosité et optimisent le confort d’usage des utilisateurs installés dans les espaces.

Le bâtiment est rafraîchi l’été – il peut faire très chaud à Oslo – par un dispositif puisant l’eau du fjord (15°). D’une manière générale, l’architecture a été pensée pour apporter un grand confort aux usagers, tout en se préoccupant de sobriété : outre les performances d’isolation et de rafraîchissement sans sur-consommation énergétique, les concepteurs ont cherché à travailler le plus possible avec des matériaux de réemploi.

Espace intérieur de la Deichman Bjorvika Bibliotek : des étagères de hauteur variées entourent quelques tables entourée de chaises confortables qui accueillent de nombreux lecteurs © Bpi
© Bpi

Un escalator central dessert les étages, ce qui permet d’avoir une vue sur l’ensemble de l’établissement.
Chaque niveau est identifié par une couleur et les collections sont rangées par îlots. Les lecteurs disposent d’une grande diversité de places de travail, des tables (avec prises bien sûr) aux chauffeuses, en passant par des banquettes installées dans des niches ménagées dans des étagères.

Photo de la Future Librairy : couloir courbe composé de briques de bois, intercalée de briques lumineuses en verre où seront déposés les manuscrits jusqu'en 2114 © Bpi

Le projet Future Library

Bjørvika accueille un projet de cent ans : Future Library.

Cet espace est l’équivalent d’un 1% artistique : une artiste, Katie Paterson, a fait planter 1000 arbres qui fourniront le papier servant à imprimer 100 livres en 2114.

Elle collecte en effet auprès d’auteurs contemporains majeurs de toute nationalité un manuscrit par an depuis 2014.

Chaque manuscrit est déposé dans une brique de verre lumineuse insérée dans cet espace par ailleurs exclusivement en bois, qui tranche avec le béton et le verre du bâtiment. Les textes ne seront révélés au public qu’à la toute fin du projet, en 2114.

Des équipes très mobiles

Sur les 450 bibliothécaires du réseau, 150 sont affectés à Bjørvika.
Lors de notre visite, la plupart des postes de renseignement dans les espaces étaient fermés, indiquant toutefois à quel endroit les visiteurs pouvaient être renseignés. Nous avons en revanche croisé de nombreux bibliothécaires à l’accueil général situé à l’entrée du bâtiment, et dans les espaces, où ils étaient occupés à ranger les documents.

Les collections comportent encore CD et DVD, et les bibliothécaires nous ont dit sans trop d’état d’âme qu’ils ne disparaîtraient des collections que lorsque plus personne ne les empruntera. Ce n’est pas encore le cas, malgré une tendance identique à celle que nous constatons en France.

Des ateliers et services co-construits

Si la bibliothèque Bjørvika est présentée comme la tête du réseau, accueillant assez classiquement les fonctions support et la base logistique, chaque établissement développe des projets avec son quartier et en fonction des caractéristiques du lieu, de l’équipe. Comme toute bibliothèque de cette taille, en centre-ville, Bjørvika affiche des collections et une programmation généralistes, ce qui ne l’empêche pas de développer une offre d’ateliers et de services spécifique qui, pour certains, sont co-construits avec les usagers.
Ainsi, deux espaces se singularisent : un fab lab, avec imprimante 3D, imprimante grand format, diverses machines à coudre, logiciels de traitement d’image, et un espace de studio radio, dédié à la création de podcast. Ils peuvent être loués, mais la bibliothèque est elle-même créatrice de contenus. Sept jeunes collègues, aux profils différents, ont été recrutés pour animer ces services.

Aucun des services de Bjørvika n’est réellement innovant. En revanche, la liste de ces petits riens qui en font un lieu très accueillant est longue, et reflète la société norvégienne. Ainsi, le numérique est omniprésent, sans être une fin en soi. Les bibliothèques ouvrent avec très peu de personnel, centré sur le renseignement et très peu sur la régulation ; une partie des horaires exceptionnellement larges (8h00-22h00) est d’ailleurs une ouverture sans personnel, ce qui ne génère pas de problèmes de vols, dégradations, ou incivilités. De nombreuses assises permettent de s’installer à plusieurs dans les rayonnages mêmes. Dans toutes les bibliothèques des jeux traditionnels (échecs, jeu de palets) sont en libre accès…

Si le modèle norvégien n’est évidemment pas transposable sans adaptations, Bjørvika et le réseau Deichman constituent une belle source d’inspiration.

Espace intérieur de la Deichman Bjorvika Bibliotek © Bpi
© Bpi

Mélanie Villenet-Hamel est cheffe de projet Bibliothèque Métropolitaine de l’Hôtel-Dieu et cheffe du service Lecture publique de Clermont Auvergne Métropole.

Publié le 26/09/2023 - CC BY-SA 4.0

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