Royal Orchestra
de Heddy Honigmann

Sortie en salles le mercredi 23 mars 2016.

Pour célébrer son 125e anniversaire, le prestigieux Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam part en tournée à travers le monde. De Buenos Aires à Soweto et à Saint-Pétersbourg, nous sommes invités à partager le quotidien des instrumentistes virtuoses, leurs moments d’intimité fugaces au restaurant ou dans les chambres d’hôtel, lorsqu’ils cherchent à entendre les voix familières de leurs « proches » restés au loin. Au-delà des séances de répétition et des concerts, le film part également à la rencontre des spectateurs, simples auditeurs mélomanes ou musiciens, tous réunis par une même passion pour la musique.

Royal Orchestra d'Heddy Honigmann
Royal Orchestra © Arizona Distribution

L’Avis de la bibliothécaire

Le « Royal Orchestra » de Heddy Honigmann, comme une invitation au(x) voyage(s) autour du monde

Des voyages musicaux, bien sûr, car la réalisatrice de Dame la mano, Ô amor natural et L’Orchestre souterrain affiche une sensibilité toute particulière à la musique et la poésie. Artiste multiculturelle (elle est néerlandaise d’origine péruvienne et polonaise), Heddy Honigmann aime arpenter le globe et faire de « belles » découvertes.  Dans ce dernier film, elle joue à se laisser surprendre par des espaces et des rencontres. Partie prenante de la discussion qui s’instaure devant la caméra, comme c’était aussi le cas dans Metaal en melancholie,  son premier film documentaire (Grand prix du festival Cinéma du réel en 1994), elle crée un système de communication dans lequel son regard est déterminant. Regard sur les personnes avec lesquelles elle établit un contact presque physique, regard sur l’environnement, les paysages urbains qu’elle parcourt en longs panoramiques.  Les personnages du film semblent converser avec elle naturellement, au fil des circonstances : salle de concert, restaurant, aéroport, école, chambre d’hôtel… Quant à la multiplication des espaces, elle donne une vue d’ensemble de la tournée du RCO (le film est une commande de l’orchestre), mais elle sert surtout à porter le discours subliminal du film, à dire ce qui est finalement l’essentiel, que la musique dite « classique » est chez elle partout dans le monde et que ceux qui la jouent, comme ceux qui l’écoutent, partagent cette passion en dehors de tout déterminisme social.

« Considérée comme l’une des plus grandes documentaristes au monde, ses interviews derrière la caméra, en hors-champ, ont été décrites par un critique comme « la méthode tire-bouchon » (allant au fond des choses en suivant une trajectoire en spirale)  ». Comme le rappelle de façon un peu narquoise le journaliste Hans Beerekamp, Heddy Honigmann a une méthode et elle s’en sert pour tirer le meilleur des témoins qu’elle choisit au terme d’un long et méticuleux travail de repérage. Mais sa méthode, personne d’autre qu’elle ne peut vraiment l’expliciter : « Ce que j’ai fait, lors de ces trente ans de ma carrière en tant que réalisatrice ? J’ai tenté de capter la singularité des gens devant la caméra. Je ne filme pas des thèmes, je filme des gens, la beauté des gens. Jamais je ne pense en termes de « message » à transmettre. La plupart des gens que je filme essaient de survivre. Peut-être toute mon œuvre est-elle une encyclopédie perpétuelle de l’art de survivre. »
La question en suspens durant le film interroge assurément le rapport de la musique à la personne, voire la personnalité.  Heddy Honigmann réussit à montrer, presque à faire toucher du doigt, que la musique est un domaine se prêtant à de multiples interprétations, ambitions, sensations, et qu’elle peut être aussi à l’origine d’un « choc esthétique », selon la formule d’André Malraux. Qu’elle est un art qui peut changer la vie.

Rappel

Royal Orchestra, de Heddy Honigman, production Cobos Films BV, AVRO, 2014, 1 h 34 minutes.
Distribué en salles par Arizona Films

Publié le 24/03/2016 - CC BY-SA 4.0

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