Les bibliothèques belges ouvrent +
par Cornelia Schulze, responsable des territoires de lecture, Bibliothèques de Clermont Auvergne Métropole

Le dispositif Open +

À l’heure où les collectivités s’interrogent pour savoir comment concilier les injonctions d’ouvrir plus, ouvrir mieux les bibliothèques, mais aussi de maîtriser la masse salariale, le dispositif Open + apparaît comme une solution prometteuse. L’accès autonome de l’usager aux locaux de la médiathèque, en dehors des heures de présence du personnel, repose sur une technologie de contrôle d’accès baptisé Open + par le fournisseur Bibliotheca, précurseur sur le marché européen. L’usager scanne sa carte de lecteur sur un boîtier extérieur et les portes de la bibliothèque s’ouvrent pour lui. Pendant la plage prédéfinie, il peut s’installer dans les espaces pour profiter des ressources en consultation sur place et des places de travail. Les emprunts et les retours sont également possibles grâce aux automates de prêt.

Déjà bien implantés dans les pays nordiques, les systèmes d’ouverture sans personnel sont encore peu répandus en France. Les réseaux de Val Parisis et le Zèbre d’Albert sont des exemples précurseurs. Mais qu’en est-il chez nos voisins belges ?

Retours d’expérience belges

Parmi les bibliothèques visitées, plusieurs affichent des horaires d’ouverture élargis grâce à des plages en ouverture autonome dite Open +. La diversité des bibliothèques visitées, en termes de taille et de projets (la bibliothèque Bruegel à Bruxelles par exemple, bibliothèque de taille moyenne dans un quartier populaire, et le B3 à Liège, vaste projet de médiathèque mutualisé avec un centre créatif et une pépinière d’entreprises) permet une comparaison intéressante du dispositif dans différents contextes.

À la bibliothèque Bruegel, au cœur du quartier populaire des Marolles à Bruxelles, le système Open + a été installé à la faveur d’une rénovation des espaces en 2022. « La nouvelle offre a tout de suite trouvé son public », explique Céline Crespo, la directrice. Grâce à l’accès autonome, cette bibliothèque de quartier gérée par sept agents a plus que doublé ses heures d’ouverture (33 heures en ouverture classique et 46 heures en Open + dont le dimanche). « Le public du soir n’est pas tout à fait le même que notre public habituel en journée. Nous comptons plus d’hommes et la moyenne d’âge se situe autour de 35 ans : les créneaux en soirée conviennent bien aux actifs », analyse Céline Crespo. « Les familles viennent le samedi après-midi, surtout quand il ne fait pas beau, pour lire, jouer, emprunter. » Deux autres bibliothèques du réseau de Bruxelles doivent prochainement être équipées du système éprouvé à la bibliothèque Bruegel, c’est dire si l’essai est probant.

Dans un tout autre contexte, au B3, centre de ressources et de créativité de la Province de Liège, le système Open + a été d’emblée inclus dans le programme de construction. Et le défi était de taille car le bâtiment, inauguré en juin 2023 abrite une bibliothèque, un lieu de création et une pépinière d’entreprise, des lieux dont la porosité est inspirante (le B3 a notamment été couronné du Prix Livres Hebdo de la meilleure bibliothèque hors France), mais qui ont néanmoins des publics cibles, des horaires et des fonctionnements spécifiques. Une entrée séparée permet de distinguer les flux. « Nous avons paramétré une jauge de 500 personnes sur les plages autonomes, ce qui correspond au nombre d’assises disponibles, explique Bénédicte Dochain, directrice de la bibliothèque, mais finalement la fréquentation s’autorégule et n’a jamais dépassé les 200 personnes en simultané. » Le dispositif permet d’étendre les plages d’ouverture de 18h à 21h30 du lundi au vendredi et de 16h à 20h le samedi. « Les 4000 utilisateurs sont majoritairement de jeunes adultes entre 18 et 25 ans, constate-t-elle, des étudiants qui viennent utiliser les places de travail et l’accès à Internet ; ils empruntent très peu. »

L’autonomie des lecteurs

Certains ne voient un bibliothécaire qu’une seule fois dans l’année, le jour de leur (ré-)inscription au dispositif et nombreuses ont été les questions autour du respect des lieux et du matériel et la régulation des potentiels conflits. « Nous avons dû augmenter et adapter nos prestations de ménage, témoigne Céline Crespo, mais les usagers sont très respectueux dans l’ensemble. Les caméras prouvent qu’ils restent bien dans les zones autorisées, ils ne viennent pas s’asseoir sur nos bureaux ! » Les usagers Open + signent une charte d’utilisation du service, sous peine d’exclusion de l’accès autonome voire de la bibliothèque. « Un agent de sécurité est présent dans le hall pendant l’ensemble des plages Open +, rassure Bénédicte Dochain, il contrôle les caméras en direct et peut intervenir très rapidement en cas de besoin. »

C’est pour cette option qu’a opté également la bibliothèque de la Célestine, très belle rénovation sur une ancienne friche urbaine à Namur, ouverte depuis août 2024. « Très prochainement le système Open + élargira les plages d’ouverture jusqu’à 22h du mardi au samedi ainsi que le dimanche toute la journée de 10h à 22h », annonce Catherine Debiourge, la directrice.

La bibliothèque a-t-elle encore besoin de personnel pour ouvrir ?

« Les plages en ouverture Open + sont un complément à nos horaires classiques, analyse Céline Crespo, notre fréquentation sur les plages classiques n’a pas baissé. » « Les usages ne sont pas les mêmes, précise Bénédicte Dochain, les horaires Open + ne sont pas des horaires d’accueil mais des horaires d’accès à un service restreint, ce qui répond aux besoins de certains publics. »

L’ouverture en accès autonome n’est donc pas un service dégradé mais bien un service complémentaire, adopté par les usagers comme par les collègues dans les bibliothèques belges visitées.