Appartient au dossier : Voyage d’étude en Belgique
La promotion de multilinguisme dans les bibliothèques belges
par Bernadette Vincent, cheffe du service Autoformation, Bpi
Responsable du service de formation en langues à la Bpi, j’étais très curieuse de découvrir les pratiques en la matière dans les bibliothèques publiques belges. En France, 20% des Franciliens, et sans doute une partie plus importante du public de la Bpi, n’ont pas le français comme langue maternelle. En Belgique, dans un pays qui compte deux langues officielles, comment une bibliothèque structure-t-elle son offre documentaire de formation, mais également son offre de fictions ou ses médiations ?
La Belgique Néerlandophone
Notre voyage en Belgique nous a tout d’abord permis d’appréhender trois réalités très différentes : la Wallonie, la partie néerlandophone représentée par Gand, et enfin, Bruxelles.
La capitale, qui compte 104 nationalités et 185 langues parlées, est une des plus cosmopolites du monde.
Nous avons eu la chance d’y visiter Muntpunt, présentée comme « la bibliothèque de la communauté néerlandophone ». Ainsi, son site web est exclusivement en néerlandais alors que le site de la bibliothèque Centrale de Bruxelles est bilingue. Bibliothèque et point d’information, elle propose surtout des documents en néerlandais, mais aussi en français, en anglais, en italien et en espagnol. En effet, le néerlandais est une langue minoritaire à Bruxelles, et les statistiques montrent qu’elle est de moins en moins pratiquée. Muntpunt joue donc un rôle de soutien à l’apprentissage et à la pratique de cette langue (avec notamment une très belle collection de méthodes de langues et des cours de néerlandais), mais aussi d’autres langues européennes pour les non-francophones qui seraient lost in translation en arrivant à Bruxelles. On est ainsi frappé par l’omniprésence de la signalétique en anglais, qui s’explique également par la localisation touristique de la bibliothèque, à quelques pas de la Grand Place. Par ailleurs, la présentation des collections répond à des techniques proches du marketing qui semblent beaucoup plus proches du monde anglo-saxon, avec un grand nombre de documents en facing et des « fantômes » sous forme de couvertures imprimées.


À Gand, les efforts en direction des communautés allophones se dirigent plutôt vers le jeune public. De Krook propose ainsi au centre de son espace jeunesse un « kamishibaï numérique » où les enfants peuvent regarder des lectures d’albums filmées dans des dizaines de langues. La ville de Bruxelles a imaginé un dispositif similaire avec le « kiosque à histoires », créé par le Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles, rassemblant près de 100 histoires dans plus de 20 langues et prêté gratuitement aux collectivités. L’espace ado de la bibliothèque De Krook, très réussi, propose quant à lui des romans en français et de plus en plus en anglais. Dans cette bibliothèque qui frappe par sa sobriété, un des signes extérieurs les plus forts de multilinguismes est finalement la signalétique, constituée essentiellement de pictogrammes.


La Wallonie
À Namur, en Wallonie, la pétillante bibliothèque Célestine propose dans son espace jeunesse tout en couleurs et en courbes, des collections d’albums dans de nombreuses langues parlées par les communautés minoritaires de la ville. Dans cette ville ouvrière, la dimension sociale de la bibliothèque est très affirmée. Ainsi, la bibliothèque ne loue pas ses espaces pour des événements privés (pratique de plus en plus répandue ailleurs en Belgique), elle propose des médiations en faveur des publics discriminés du quartier défavorisé où elle se trouve, publics bien souvent allophones.

En 2023, la bibliothèque de Schaerbeek, dans la région de Bruxelles, obtenait le record mondial Guiness de lecture à haute voix multilingue, avec des lectures d’un extrait du livre jeunesse Meneer René de Léo Timmers en 65 langues, devant un jury d’universitaires et de traducteurs. Une autre manière de promouvoir le multilinguisme, dans l’ADN du pays.
En conclusion, le multilinguisme est une question politique très forte en Belgique et les bibliothèques en sont le miroir. En fonction des volontés des collectivités d’une part et du positionnement volontariste des professionnels d’autre part, les bibliothèques ont des pratiques contrastées dans le soutien au multilinguisme.
Publié le 03/07/2025 - CC BY-SA 4.0