Jean Marot, la médiathèque rurale selon Mathieu
par Xavier Loyant, chef du service musique, et Valérie Robin, chargée de mission EAC/EMI à la Bpi

Ce qui frappe d’abord, c’est le geste architectural. Sans être démesuré ou ostentatoire, le bâtiment assez brut, un cube, tranche avec les maisons du centre-bourg et fait signal. À l’intérieur, aucune cloison : le bâtiment offre un plateau libre en L de 175 m², auquel s’ajoute une salle polyvalente située juste en face de la médiathèque. L’espace est lumineux et chaleureux, ambiance renforcée par un mobilier bas et des assises colorées et confortables, qui invitent au séjour. L’absence de cloison donne une impression d’espace et de volume, et n’empêche pas la lisibilité de l’aménagement réalisé : les différents espaces (jeux, jeunesse…) sont facilement identifiables grâce à un travail sur la disposition du mobilier et sur les sols.

Ce qui frappe ensuite, c’est la quantité et la diversité de l’offre proposée, que ce soit en termes de ressources, de services ou d’action culturelle. La médiathèque propose ainsi une offre tous supports et tous médias : livres (10 000), périodiques, CD, jeux de société (plus de 200), jeux vidéo (50, sur Switch), ressources en ligne donnant accès notamment à des offres d’autoformation (soutien scolaire, code de la route, langues étrangères…), mais également à des offres documentaires (presse, films, musique, livres…) rassemblés dans la Boîte Numérique. Ordinateurs et tablettes permettent d’accéder à ces offres, mais aussi de jouer, ou tout simplement d’utiliser Internet. Seuls les jeux vidéo ne sont pas empruntables : la médiathèque essaie de favoriser le jeu sur place et, surtout, en groupe. 

Côté médiation et action culturelle, la médiathèque se montre également très active, et notamment à destination de la jeunesse. Outre l’accueil régulier de classes, la médiathèque organise par exemple des ateliers bébés lecteurs et accueille deux structures locales : le Secteur enfance jeunesse, qui propose des activités en dehors du temps scolaire, ainsi que le relais petite enfance Fabulette, qui tient des permanences dans la médiathèque. Des animations sont également régulièrement proposées, comme des après-midi jeux de société ou des tournois de jeux vidéo. L’action culturelle n’est pas en reste puisque rencontres, concerts, spectacles, conférences… en lien avec le tissu culturel et scientifique local rythment la vie de la médiathèque jusqu’à trois fois par mois !

Ce qui frappe, enfin, c’est l’amplitude des horaires d’ouverture de la médiathèque, assez considérable pour une si petite commune avec 24 heures d’ouverture hebdomadaire, y compris le samedi toute la journée, et même 27 heures hebdomadaires de novembre à mars puisque, durant ces mois, la médiathèque ouvre également le dimanche après-midi (hors vacances scolaires).

Une telle ambition est réalisable grâce d’abord à une équipe nombreuse. Onze bénévoles contribuent au fonctionnement de la médiathèque et viennent appuyer le responsable, seul titulaire. Le groupe de bénévoles se réunit tous les deux mois et chacun s’engage à effectuer au moins une permanence par mois. Pour pouvoir ouvrir le dimanche après-midi, la médiathèque a pu recruter un vacataire étudiant dans le cadre du plan Bibliothèques.

Ensuite, la médiathèque tire pleinement profit de son appartenance à deux réseaux, celui des médiathèques de Caen la mer, qui regroupe quarante-huit communes, et celui de la bibliothèque départementale du Calvados. Entre autres exemples d’apports de ces deux réseaux, des collections d’abord, puisque la bibliothèque départementale fournit 40% des collections de la médiathèque, notamment tous les jeux de société et jeux vidéo. Des actions culturelles également, dont on a vu plus haut la fréquence, puisque la médiathèque reçoit des manifestations portées par Caen la mer, comme le festival des Boréales. La médiathèque peut également mettre à disposition de ses usagers la Boîte Numérique, portail de ressources numériques financé par les deux réseaux. 

Le soutien de la commune, enfin, ne fait aucun doute, et la fierté de l’équipe municipale était palpable dans l’accueil qu’ont tenu à nous réserver monsieur le maire et son adjointe à la culture. Et on peut les comprendre, tant les statistiques de prêt et de fréquentation montrent que cette politique volontariste et ambitieuse porte ses fruits. En effet, le volume de prêts a presque doublé depuis l’ouverture de la médiathèque, passant de 20 500 à 36 000 par an. C’est un volume très supérieur à la moyenne nationale, qui se situe autour de 6 100 prêts par an pour les communes de même taille, d’après les données 2018 de l’Observatoire de la lecture publique du Ministère de la Culture. Même chose quant aux emprunteurs actifs, qui sont 800, soit un tiers de la population de la ville lorsque la moyenne nationale se situe autour de 14%.

On quitte donc la médiathèque Jean Marot de Mathieu rempli d’enthousiasme et d’optimisme, tant l’établissement fait la démonstration qu’un équipement de petite taille dans une petite ville peut non seulement devenir un lieu de vie et de sociabilité ancré dans sa commune, mais également rayonner au-delà pour toucher un bassin de population plus large. Les conditions de cette réussite résident dans l’alignement de quelques planètes : soutien de la municipalité, mobilisation des dispositifs de subvention, inscription dans un double réseau… Mais c’est avant tout le volontarisme et la foi du responsable de la médiathèque qui forcent l’admiration et qui invitent, pour soi-même, à ne pas se résoudre à une supposée fatalité et à continuer à œuvrer pour faire la démonstration que les bibliothèques sont bien indispensables.