Atelier de savoirs de base à destination de mineurs non accompagnés

Objectif de l'action :

En septembre 2023, la Bibliothèque publique d’information a vu affluer dans ses espaces de nombreux mineurs non accompagnés en situation d’exil.

En France, les mineurs non accompagnés relèvent de la protection de l’enfance comme tout enfant en danger sur le territoire. Dans les faits, ces jeunes font l’objet de procédures spécifiques, de plus en plus dissuasives et longues, qui conditionnent leur accès à une protection. En conséquence, de nombreux adolescents sont en attente d’une protection et d’une prise en charge. Pendant cette période, ils survivent dans des conditions d’extrême précarité. Ils dorment dans des campements régulièrement déplacés par les forces de l’ordre et sont en errance la journée.

Les associations estiment que 1000 mineurs connaissent cette situation à Paris en 2024. En journée, en plus des associations humanitaires, ces jeunes fréquentent les lieux publics gratuits, où l’accueil est inconditionnel, comme les bibliothèques publiques : ils peuvent s’y mettre à l’abri, s’y reposer, accéder aux toilettes, recharger leur portable et se connecter au wifi.

Depuis l’été 2023, ils sont une centaine, parfois plus, à fréquenter la Bpi quotidiennement.

À son arrivée, ce nouveau public a suscité des interrogations de la part des bibliothécaires en service public, d’autant plus que ces jeunes ne semblaient pas connaître les codes de l’institution : ils se regroupaient très nombreux autour de points électriques pour recharger leurs téléphones, ils s’asseyaient sur le sol, s’y endormaient parfois.

Dans ce contexte, l’atelier d’alphabétisation et savoirs de base a été mis en place afin de :

• Canaliser un public très nombreux et volontaire ;
• Créer du lien entre un public adolescent, en grande exclusion, et l’institution ;
• Transmettre des savoirs de base en français, mathématiques et encourager leur reprise d’études ;
• Favoriser le vivre-ensemble et maintenir une cohabitation apaisée entre les publics.

Description de l'action :

Pour mettre en place cet atelier, la Bpi s’est appuyée sur l’expertise d’une structure humanitaire connaissant bien ce public et ses besoins spécifiques. C’est ensemble que nous avons convenu que le service le plus adapté à leurs besoins et entrant dans les compétences des bibliothécaires était un atelier d’alphabétisation et de remise à niveau en savoirs de base. Mener cette action en partenariat a permis aux bibliothécaires d’être accompagnés et soutenus.

Quelques semaines avant la mise en route de l’atelier, trois bibliothécaires se sont relayés quotidiennement pour aller à la rencontre des jeunes présents dans la bibliothèque. Nous avons proposé de leur présenter quelques espaces et services et en avons profité pour faire passer quelques règles d’usage des lieux. Nous leur annoncions aussi qu’un atelier à leur attention allait débuter d’ici peu. Le plus souvent, deux ou trois jeunes nous suivaient pour visiter les lieux et un lien s’est progressivement mis en place.

Au début de la séance, une bibliothécaire va proposer aux jeunes présents dans les espaces de la bibliothèque de participer à l’atelier. Elle accueille les participants et les répartit auprès des différents animateur⸱ices de la séance.

L’atelier est co-animé par des bibliothécaires, entre un⸱e et trois, et une personne de l’association Maât. Chaque animateur⸱ice accueille un petit groupe de cinq ou six participants. Dans la mesure du possible, les groupes sont constitués par niveau et type d’activité : alphabétisation, français, mathématiques, etc.

Pendant deux heures, chaque groupe travaille avec son animateur⸱ice. Quelques exemples d’exercices menés :

• exercices d’écriture scripte à partir du livre MaClé Alpha, Cahier d’écriture scripte pour adultes et fiches « Les directions » et « Transports » ;
• visite de l’exposition Corto Maltese et expression écrite ;
• exercices de conjugaison au présent de l’indicatif des trois groupes (exercices + défi écriture d’une histoire) ;
• 1ère leçon Vocabulaire progressif du français et page d’exercice correspondante, accords des adjectifs, formules de politesse ;
• discussion sur les contes et invention d’un conte par groupe en s’appuyant sur des cartes ;
• groupe alpha : leçons 3 et 4 du manuel MaClé ALPHA (le son « ON » comme nom et prénom et la lettre « l » comme identité) ;
• jeux mathématiques ;
• jeux de société : petits jeux de rôles, Scrabble, Skyjo…

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Moyens humains et techniques :

Entre deux et quatre personnes pour animer. Une personne pour coordonner.

Aucune communication n’est faite pour promouvoir cet atelier. Il n’est pas mentionné dans le programme papier ni sur l’agenda en ligne pour se concentrer sur l’accueil du public présent dans les espaces.

Matériel :

• Un espace fermé (l’atelier a lieu sur les heures d’ouverture de la bibliothèque).
• Des cahiers d’écriture.
• Des stylos et des crayons.
• Des ressources pédagogiques : Fle, alphabétisation, savoirs de base en français, mathématiques, documents FALC.
• Divers documents du quotidien comme des plans de métro, brochures de communication, etc.
• Tables, chaises, paperboard.

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Résultat et perspective :

Entre 10 et 25 jeunes, principalement des garçons, fréquentent l’atelier chaque semaine (le nombre de participants varie en fonction du nombre d’animateur⸱ices). Environ une moitié de participants reviennent chaque semaine, l’autre moitié est composée de nouveaux arrivants. Le renouvellement se fait spontanément.

Les jeunes ont bien identifié le service et leur comportement au sein et vis-à-vis de l’institution a considérablement changé : ils viennent plus facilement voir les bibliothécaires en service public, ils investissent de nouveaux espaces de la bibliothèque, ils utilisent d’autres services (par exemple, ils consultent davantage les ressources en Autoformation, ils visionnent des films sur les postes DVD).

Les jeunes sont très en demande, volontaires, et leurs capacités de concentration et d’apprentissage sont remarquables. Ils sont enthousiastes sur tout ce que nous leur proposons. Les ateliers sont des moments studieux mais aussi joyeux pendant lesquels nous échangeons et rions beaucoup.

Un temps d’information sur les spécificités de ce public à destination de l’ensemble des agents de la Bpi a été proposé. Lors d’une table ronde, une avocate membre du Gisti et un responsable associatif ont échangé sur le parcours migratoire et administratif de ce public, L’échange a permis aux bibliothécaires de mieux connaître et appréhender ce public. À la suite de ce temps d’information, une dizaine de bibliothécaires s’est portée volontaire pour animer les ateliers.

L’atelier a vocation à avoir lieu tant que le public est présent. Un atelier d’initiation au numérique reprenant la même organisation a été mis en place depuis l’été 2024 à destination du même public. Les bibliothécaires, en particulier ceux qui animent les ateliers, ont exprimé le besoin de se former sur l’accueil des publics exilés. Une formation avec l’association Migrations Santé est en projet.