Être prof
Un film documentaire d'Émilie Thérond

Sortie en salles le mercredi 5 octobre 2022.

Elles vivent aux quatre coins de la planète et se battent au quotidien pour transmettre leur savoir.
D’un campement nomade enseveli sous les neiges de Sibérie à la brousse étouffante du Burkina, en passant par les terres inondées du Bangladesh, trois enseignantes sont portées par une même vocation : un enfant éduqué peut changer le monde. Elles sont prêtes pour cela à affronter mille défis pour faire de l’enseignement une véritable aventure et bouleverser les destins de leurs élèves.

Photo du documentaire Être prof.
Sandrine Zongo dans Être prof © Winds, Émilie Thérond.

L’avis de la bibliothécaire

Après avoir réalisé Mon maître d’école (2015) où elle dressait le portrait de son ancien instituteur dans les Cévennes, la réalisatrice Émilie Thérond reste fidèle aux thématiques de l’enseignement et de la transmission dans ce nouveau film au message simple mais fort, éclairé par la voix de Karine Viard.

Il existe probablement autant de manières d’enseigner que d’enseignants, tant ce métier suppose d’implication, d’abnégation ; et les trois figures féminines de ce film incarnent à merveille cet élan, ce partage.

Bonjour, la maîtresse !

Les premières images d’Être prof nous emmènent au Burkina Faso, auprès de Sandrine Zongo qui a repris ses études deux ans auparavant pour obtenir son diplôme d’enseignante. Loin de la poussière de la ville et de ses embouteillages, elle part à 600 km de la capitale, Ouagadougou, pour rejoindre le village de son premier poste. À Tiogagara (228 habitants, installés loin de son école), Sandrine va passer six années à enseigner sous une paillotte, face à cinquante petits élèves dont un seul, le premier jour de classe, comprend quelques mots de français. 
C’est en tirant ce fil si fragile que Sandrine (saluée chaque matin par un cri commun, « Bonjour, la maîtresse ! ») va ouvrir les enfants au monde de la lecture, des nombres, les sortir de ce qu’ils connaissent au village pour leur montrer tout ce qui existe ailleurs – dans les livres et dans les rêves.

Apprendre un poème, courir les rennes

Dans la Sibérie orientale, Svetlana Vassileva parcourt de longues distances pour rejoindre les campements perdus dans la taïga. Ancienne éleveuse de rennes, Svetlana poursuit sa vie d’itinérante en amenant l’école là où celle-ci ne peut exister autrement ; depuis quinze ans, elle pratique l’école-nomade pour éviter aux enfants Évenks d’être isolés de tout enseignement. Ici, les quatre élèves qu’elle va côtoyer activement pendant dix jours sont joyeux et dissipés, comme s’il était trop difficile de s’intéresser à la poésie lorsque l’on sent la force de la neige et de la forêt à quelques pas de la tente-école. Mais Svetlana sait comment séduire son auditoire : s’il est ennuyeux d’apprendre un poème, les enfants écriront une chanson sur la vie qu’ils connaissent, sur les rennes qu’ils voient grandir toute l’année. L’aspiration de Svetlana n’est pas de les convaincre d’aller à l’école, en internat, en ville ; mais, plus que de persuader, elle souhaite leur offrir le choix.
Le choix entre l’étude ou l’élevage. Savoir que tout est possible, tout est accessible à qui souhaite s’investir, voilà le rôle de Svetlana.

À bord de l’école-bateau

À 22 ans, Taslima Akter est la plus jeune enseignante du film. Cela fait quatre ans qu’elle instruit les élèves de son village, Sunamganj, au nord du Bangladesh. Les conditions de vie y sont difficiles ; à cause des moussons et des inondations qui dévastent les habitations, les familles vivent réfugiées sur des ilots six mois par an. Dans un tel contexte, la salle de classe prend encore une nouvelle forme : celle d’un bateau, qui se charge d’effectuer le ramassage scolaire chaque matin et chaque soir. Parmi tous les élèves se détache la figure de Yasmin, jeune fille déchirée entre son envie d’aller au collège et la « tradition » qui l’oblige à se marier jeune. Célibataire, Taslima se bat contre les mariages précoces et n’hésite pas à démontrer aux parents comme il est important d’instruire leurs enfants plutôt que de compter sur le mariage pour se libérer rapidement d’une bouche à nourrir.
Par son discours et ses actes incroyablement engagés, Taslima incarne un féminisme fort, la volonté de voir les femmes choisir leur vie plutôt que la subir.

Donner le meilleur de soi

On pourrait croire que ce documentaire s’attache à trois figures très différentes mais en réalité, la même passion et le même engagement animent les trois femmes. Elles ne s’épargnent pas, même physiquement. Sandrine vit loin de sa famille, dans une brousse où le téléphone capte trop mal pour qu’elle puisse entendre correctement la voix de ses enfants. Pour éviter aux enfants Évenks de connaître l’internat en ville, Svetlana a fait le choix d’y placer ses propres filles pour vivre pleinement son enseignement nomade. Quant à Taslima, le temps lui est une valeur essentielle : elle donne du temps – tout son temps – à l’école, entre la classe, les cours supplémentaires pour ceux qui en ont besoin et pour les propres enfants de sa famille. Le temps qu’elle leur donne pourrait les amener à entrer au collège ; et ces études pourraient changer leur vie.

La chaleur, l’humidité, le froid glacial, les moussons et les sécheresses… Les vies sont rudes mais ce n’est pas une justification pour baisser les bras, bien au contraire. Il y a des éléments que l’on ne maîtrise pas, et d’autres qui peuvent élargir l’horizon. Savoir compter, écouter son voisin quand il prend la parole. Déchiffrer, puis lire, écrire, se questionner. Avancer.
La grande force de ces trois enseignantes est de faire comprendre à leurs élèves qu’ils peuvent mener la vie qu’ils veulent ; que les filles ne sont pas obligées de se marier très tôt, que les garçons ne deviennent pas inévitablement éleveurs ou cultivateurs auprès de leurs pères. Ce qu’elles offrent à ces enfants aux yeux ronds, ébahis, est un choix. Ils sont chenilles, ils deviendront tous papillons ; et c’est une fois les ailes déployées qu’ils pourront choisir de la direction de leur vie.

Ce n’est pas un hasard si ce film sort en salles le 5 octobre, qui est la journée mondiale des enseignants. Ce sont eux qui vont inciter les enfants à ouvrir de nouvelles portes, à développer leur confiance en soi, et c’est au vu de ces résultats que les enseignants ont la meilleure des gratifications.

On s’attache très rapidement aux voix des femmes de ce documentaire, parce qu’elles portent en elles une humanité précieuse, un courage fort. Leurs parcours n’ont pas été simples non plus et elles y ont gagné une lumière particulière, qui encourage les enfants à suivre leurs traces et à croire en eux. Être prof est un film rempli d’espoir et de courage, à la fois hommage à celles et ceux qui enseignent mais aussi aux élèves qui font cadeau de leur confiance et en sortent grandis.

Bande annonce

Rappel

Être prof – Réalisation : Émilie Thérond – 2019 – 1 h 22 min – Production : Winds – Distribution : Gebeka Films

Publié le 04/10/2022 - CC BY-SA 4.0

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