Enquête qualitative sur les publics de l’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe »
Synthèse des observations et des entretiens semi directifs

Enquête qualitative sur les publics de l’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe » : synthèse des observations et des entretiens semi-directifs réalisée par Fanny Ankri, sous la direction de Christophe EVANS

Ce rapport propose une synthèse des observations et des entretiens semi directifs conduits auprès des visiteurs de l’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe » qui a eu lieu à la Bpi du 7 décembre 2016 au 10 avril 2017. L’enquête est une commande de la Bpi confiée à Fanny Ankri, élève bibliothécaire de l’Enssib, dans le cadre de sa formation initiale de bibliothécaire d’état. Le stage qui a permis de réaliser l’enquête et de produire le rapport qui suit s’est déroulé pendant 5 semaines du 6 février au 10 mars 2017.
 

Pour accéder à l’étude, cliquez ici.

À l’occasion des 60 ans de la naissance du personnage de Gaston Lagaffe, la Bpi a consacré une exposition au personnage emblématique créé par Franquin et qui est apparu pour la première fois le 28 février 1957 dans les pages du Journal Spirou. Gaston Lagaffe, pour reprendre les mots de Franquin, son créateur, est un personnage dessiné avec « une grosse tête ronde comme une pomme de terre et à la tignasse en désordre ». Il est mis en scène sous les traits d’un personnage fantaisiste et perturbateur : gaffeur, maladroit, nonchalant, insolent. C’est une sorte d’anti-héros, sans emploi qui contraste avec la politique éditoriale plus conventionnelle du journal Spirou. Alors que « les gens énergiques se tiennent droit », précise Franquin, Gaston, lui, est dessiné en forme de « S ». Au fil du temps, le personnage va évoluer, au gré notamment des changements sociaux qui vont survenir au cours des années 1960. L’exposition proposée à la Bpi, qui se déploie dans un espace dédiée de 200 m2 créé pour l’occasion à proximité de l’espace Presse, fait la part belle à tous ces changements. Elle était chapitrée en quatre temps : la naissance du personnage ; l’entrée de Gaston dans la modernité, l’évolution des autres personnages et des thèmes ; les convictions intellectuelles et graphiques de Franquin (notamment la série « Idées noires » et l’aventure du magazine le Trombone illustré). L’accrochage était composé de différents supports : planches et éditions originales, dessins inédits, photographies et vidéos permettant de voir et écouter André Franquin, certains supports étant rendus accessibles pour un public non voyant.

L’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe » témoigne de l’intérêt récent que les institutions muséales portent à la bande dessinée. Après les expositions consacrées à Art Spiegelman et Claire Bretécher à la Bpi, au sein du centre Pompidou, celles de Moebius à la Fondation Cartier, Hugo Pratt à la Pinacothèque ou encore Tintin au Grand Palais cet hiver, on observe que le neuvième art commence à trouver sa place au musée. L’enquête sur les publics de « Gaston », au-delà de ses aspects descriptifs, s’est efforcée d’analyser cette confrontation entre un médium et un personnage très populaires avec l’institution muséale et la bibliothèque. La lecture de l’ouvrage Ethnographie de l’exposition, l’espace, le corps et le sens, d’Eliséo Véron et Martine Levasseur (Éditions de la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, 1982), s’est révélée très utile pour en apprendre un peu plus sur les conditions de réception des expositions par les publics en bibliothèque. A partir du cas particulier de l’exposition « Vacances en France 1860-1982 », présentée à la Bpi de juin à octobre 1982, l’ouvrage met ainsi en évidence le fait qu’il est impossible de faire abstraction du lieu qui abrite l’exposition (le centre Pompidou), et de l’institution qui l’organise (la Bpi), lesquels déterminent en partie son public.
 
 L’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe » a remporté un succès considérable, elle a totalisé en effet 162 318 visites en l’espace de 18 semaines (près de 1500 personnes par jour ouvré, soit un peu plus de 30% de la fréquentation quotidienne habituelle de la Bpi) et a fait l’objet d’une couverture de presse importante. Un phénomène « Gaston » semble avoir eu lieu, les entretiens réalisés dans le cadre de cette enquête s’en font largement l’écho. Si Gaston a trouvé son public à la Bpi, on verra que ce public semble avoir été essentiellement constitué de visiteurs venus intentionnellement pour le voir plutôt que de lecteurs habituels de la bibliothèque ou de publics du Centre ayant saisi l’opportunité de voir l’exposition à la faveur de leur déambulation dans le bâtiment (l’accès à l’espace d’exposition était possible au premier niveau via la bibliothèque directement et au second niveau via les escalators externes du Centre, en traversant la cafétéria de la Bpi). Les entretiens ont montré que les amateurs de Gaston, pour ne pas dire ses « fans », étaient bien représentés parmi les visiteurs (notamment des hommes) ; un public familial s’est également manifesté de manière assez visible (parents + enfants, grands-parents + petits enfants) ; le niveau de satisfaction suite à la visite était assez élevé et une grande partie des personnes interrogées ne s’est pas montrée indifférente à la Bpi, que cette bibliothèque soit déjà connue ou pas.
 
En dehors des observations exploratoires destinées à préparer la phase terrain, le corpus analysé dans le cadre de cette enquête est constitué de 44 entretiens semi-directifs, individuels ou collectifs, menés avant, pendant ou après la visite de l’exposition. Ces entretiens se sont tenus au sein de différents espaces : dans la file d’attente placée devant l’exposition ; à l’intérieur même de l’espace d’exposition ; dans le « salon de lecture Gaston Lagaffe » installé en sortie d’exposition (un espace proposant des bandes dessinées de Gaston Lagaffe et des assises confortables pour les consulter et se reposer). Ils ont été menés durant cinq jours, les 8, 10, 13, 17 et 20 février 2017. On ne peut donc pas dire que l’enquête soit représentative de l’ensemble des publics de l’exposition à proprement parler, d’une part parce qu’il s’agit d’une enquête qualitative qui privilégie un petit corpus étudié centré sur l’expérience de visite des personnes interrogées (voir le guide d’entretien en annexe), d’autre part parce que la période d’investigation était limitée dans le temps au regard de la durée de l’exposition (il s’agissait qui plus est d’une période de vacances scolaires, ce qui a eu des répercussions sur la fréquentation en termes de volumes et de profils de visiteurs). Au fil de l’enquête, le « salon de lecture Gaston Lagaffe » a été privilégié comme emplacement pour mener à bien les entretiens. Ce temps de pause dans le salon a souvent été présenté comme un moment agréable de la visite qui renforçait l’image positive de la bibliothèque aux yeux des visiteurs.
 

Publié le 13/06/2017

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