Deichman Tøyen, Deichman Biblo Tøyen et Grünerlokka : trois bibliothèques de quartier, trois façons de répondre aux besoins des habitants
par Frédérique Morice

Les bibliothèques du quartier Tøyen sont situées dans deux bâtiments distincts, elles ont déjà fait l’objet d’une description précise sur Bpi Pro. Au moment du déménagement du musée Munch pour son nouveau bâtiment en bord de fjord, il fallait offrir une nouvelle source de fierté à la population, d’où ces investissements conséquents.

Deichman Biblo Tøyen : la bibliothèque réservée au 10-15 ans

La fameuse Biblo, bibliothèque réservée aux 10-15 ans, impressionne à la fois par la qualité esthétique des espaces mais aussi par l’engagement qui a soutenu la démarche : la volonté d’en faire un lieu qui attire les jeunes. Venir à la bibliothèque ne doit pas être un défi pour eux, il faut qu’ils y soient vraiment bien, sans forcément avoir à y faire quelque chose. La responsable actuelle le dit encore, avec conviction : « nous voulons leur sauver la vie ».

La bibliothèque est ouverte tous les jours et propose des activités chaque jour. Le vendredi est particulièrement apprécié puisque c’est jour de cuisine. Le supermarché d’en face donne ses invendus, les jeunes et les bibliothécaires les cuisinent. Un mot d’ordre, à visée pédagogique, inclusif et écologique : « pas de sucre, pas de viande ».

Tous les jours, la médiathèque ferme ses rideaux pour faire le noir, la magie de la lecture dans le noir opère… D’autant plus que les jeunes écoutent en malaxant du sable magique : en occupant leurs mains, cette texture leur permet de se concentrer sur la lecture. Et ça marche !

L’équipe des professionnels est constituée d’un bibliothécaire, les autres ont des profils de psychologue, d’éducateur, de comédien. La pluralité de ces approches permet de mieux prendre en compte les jeunes dans leur complexité et leur diversité.

Deichman Tøyen : une maison pour petits et grands

La bibliothèque Tøyen s’adresse, quant à elle, aux adultes et aux jeunes enfants, sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, une salle de spectacle, avec cuisine. Elle est modulable et peut accueillir des concerts comme des conférences. Cette salle, indépendante du reste de la bibliothèque, est prêtée aux associations du quartier. Associations et habitants se la sont à ce point appropriée que la responsable avoue ne pas savoir exactement le nombre de personne en ayant la clé !

À côté de cette salle, la bibliothèque propose livres, DVD, journaux et magazines, l’ambiance est paisible en cette matinée ensoleillée de visite; les habitants viennent lire le journal en buvant un café.

Le sous-sol mise sur le confort. Il présente au centre des canapés, des tables basses, des tapis, des tables de jeux d’échecs. Contre les murs : les collections de livres et quelques ordinateurs.

L’espace de la bibliothèque séduit par son mobilier en bois de récupération, par la lumière qui pénètre largement, par le panier de fruits frais dans lequel chacun est invité à se servir.

Grünerlokka : la bibliothèque verte

La bibliothèque de Grünerlokka s’ouvre sur une place publique, entourée d’immeubles colorés de 3-4 étages. Le quartier est assez populaire. L’originalité du lieu, remarquable dès l’extérieur, est ce jardinet de quelques dizaines de mètres carrés, entouré d’un mur bas, accessible à tout moment. Y sont cultivés tomates, poireaux, oignons et patates douces. Rendez-vous est pris chaque semaine pour entretenir le jardin avec les habitants : tous les mercredis, ils sont une dizaine à participer. La volonté est d’impliquer les habitants. Même le bibliothécaire jardinier peut être emprunté pour aider à la création de jardins dans les arrières cours.

Cette bibliothèque compte environ 1000 m2, sur deux niveaux et présente une grande collection de bandes dessinées, mangas, comics. En lien avec ces collections, un festival est organisé, des auteurs sont invités, des concerts et conférences sont programmés.

La collègue norvégienne qui nous accueillait nous a raconté l’histoire la création de la bibliothèque dans les années 1930 : elle est due à la ténacité d’une femme, Fernanda Nissen, qui voulait aider les plus pauvres, des ouvriers, à l’être un peu moins. Les applaudissements qui ont suivi l’histoire de cet engagement, comme une émotion partagée, étaient un des moments forts de ces visites.

Répondre au mieux aux besoins des habitants

La fréquentation et l’inscription sont gratuites dans les bibliothèques d’Oslo. Celles-ci ont poussé loin la réflexion sur la « réponse aux besoins des habitants » en travaillant sur l’ensemble des réponses et des propositions d’une bibliothèque : sur l’accueil et l’ergonomie des espaces, sur leur convivialité, sur les horaires d’ouverture et sur les actions mises en place. Les médiathèques de quartier permettent d’accéder à leurs espaces de manière autonome, de 7h à 22h, pour les plus de 15 ans. Les bibliothécaires sont quant à eux présents de 9h à 17h.

Dans ces bibliothèques, les espaces enfants sont des safe space : les enfants doivent s’y sentir bien, à l’aise et en sécurité ; les adultes n’y sont pas vraiment autorisés. La lumière est souvent tamisée dans ces espaces, contribuant à l’ambiance cocon. Des coins et des recoins permettent à chacun de se cacher dans sa bulle, s’il le souhaite.

Chacune de ces bibliothèques dispose d’une vraie cuisine, qui est réellement utilisée par et avec le public. L’ambition est de faire la cuisine ensemble et de valoriser les collections de livres de cuisine ! Elles proposent aussi un service de prêt d’objets, un tool pool : des outils de bricolage surtout.

La visite de ces trois médiathèques de quartier est inspirante, par le souci constant d’être adapté aux usages des habitants, d’être les plus pratiques et les plus simples possibles, d’éviter toutes les barrières ou les contraintes, par la qualité esthétique du mobilier et des aménagements, notamment des espaces à destination des enfants et des jeunes.

Elle est aussi rassurante : nos pratiques, nos propositions et réflexions hexagonales ne sont pas éloignées des leurs, nos valeurs professionnelles semblent proches – en Norvège, aussi, on a compris que la nourriture est un vecteur de convivialité qui donne envie de venir à la bibliothèque !

Frédérique Morice est responsable de la médiathèque François Mitterrand – Les Capucins et directrice adjointe du réseau des médiathèques de Brest.