Il était une fois… l’espace Autoformation de la Bpi

Cet article revient sur l’histoire et les évolutions de l’espace Autoformation de la Bibliothèque publique d’information, dédié originellement à l’apprentissage en autonomie des langues.

Présentation et historique de l’espace Autoformation

1977 : ouverture de la « Médiathèques de langues » en même temps que la Bpi.

La « Médiathèques de langues » est aussi appelée « laboratoire de langues ». Elle a été mise en place par Jean-Pierre Seguin, le premier directeur de la Bpi, sur les principes fondateurs de l’universitaire Jean-Pierre Berman. Il s’agit de concevoir un espace d’auto-apprentissage des langues intégré dans la bibliothèque, qui ne soit ni universitaire ni scolaire. Cet espace est ouvert à tous et constitue en même temps un espace d’information sur les langues. Les méthodes pédagogiques sont variées et multimédias.

Installée près des collections de littératures et langues, la Médiathèques de langues dispose de 40 postes pour un apprentissage de 70 langues. Un local technique complète l’espace. Très novateur, il connaît un grand succès (500 entrées par jour).

1980 : ouverture d’un second laboratoire de 20 cabines.

Le premier laboratoire est dédié à l’étude du français, de l’anglais, de l’allemand et de l’espagnol, le second est consacré aux langues rares.

1986 : la Bpi crée sa propre collection de méthodes de langues rares « Bonjour/salut » et installe ses 6 premières « télévisions sans frontières ».

Les méthodes se composent d’un manuel et de cassettes sonores (pour l’arménien, le peul, le tahitien, le tamoul, le malgache et le grec moderne).

Plan de l'espace Autoformation de la Bpi dans les années 1990
Implantation de l’espace Autoformation dans les années 1990 © Bpi

1986 : ouverture d’une logithèque.

Cet espace propose des logiciels d’enseignement dans de nombreuses disciplines (économie, bureautique, langues…) pour le grand public, en accès libre sans médiation.

1997 : les laboratoires de langues proposent 135 langues et plus de 1566 méthodes, la logithèque dispose de 16 micro-ordinateurs avec une cinquantaine de didacticiels.

2000 : fusion de la Médiathèque de langues et de la logithèque en un même espace « Autoformation ».

À la réouverture de la Bpi après travaux, le nouvel espace propose 120 cabines et 16 « télévisions du monde » (9 chaînes : allemande, anglaise, chinoise, espagnole, américaine, française, italienne, marocaine et portugaise). Les différents publics se mêlent dorénavant. Installé à l’entrée du niveau 2 de la bibliothèque et séparé par une cloison transparente, cet espace est unique par sa taille et par les domaines très généralistes couverts.

Fonctionnement de l’espace Autoformation

L’évolution progessive du matériel

1977-2000 : les 40 cabines du laboratoire n°1 sont équipées d’un clavier de commande et d’un micro-casque, 6 ont aussi un téléviseur. Le laboratoire n°2 possède des cabines avec magnétophones et 4 ont un téléviseur.

À partir de 2000, les 120 cabines se déclinent selon les différents supports : d’un côté, 36 postes analogiques pour les méthodes audio et vidéo, de l’autre, 84 postes informatiques pour les méthodes sur cédéroms et sites internet.

En 2024, l’espace propose 38 cabines équipées de PC et micro-casques, 12 postes DVD et 6 écrans dédiés à la consultation de 16 chaînes du monde.

Les méthodes provenaient initialement du circuit éditorial traditionnel et de dons d’ethnolinguistes et d’organismes de terrain, la production éditoriale étant inégale selon les langues. Les supports qui les accompagnent ont évolué depuis les vinyles et les bandes magnétiques des années 1970, et tendent dorénavant à la dématérialisation. Les modalités d’accès ont donc également évolué vers le libre accès.

Depuis 10 ans, les ressources électroniques représentent 90% du budget d’acquisition du service Autoformation, et une proportion un peu moindre mais similaire en termes de consultations, notamment par les personnes précaires et/ou jeunes et/ou allophones qui sont plus éloignées du support livre.

Les sessions de travail

La médiation d’un bibliothécaire est nécessaire pour ouvrir une session : c’est l’occasion d’orienter l’usager dans le choix de la méthode, de lui présenter l’espace et les ressources, de l’accompagner dans la prise en main de l’ordinateur ou de la plateforme, voire de répondre à une demande de correction orthographique ou de renseignements administratifs.

Les apprenants choisissent les méthodes dans les rayons, grâce aux listes de présentation à disposition ou aux recommandations des bibliothécaires. Ils peuvent commencer ou reprendre un cours. L’installation en carrels favorise la concentration et permet de s’enregistrer.

Publics et usages de l’espace Autoformation

La Médiathèque de langues est née dans un contexte de demande croissante pour l’apprentissage des langues, avec le développement notamment des cours privés. L’offre de formation libre et gratuite est novatrice, et une moitié du public a découvert l’audiovisuel appliqué aux langues étrangères lors de sa venue à la Bpi.

Si les sites gratuits et les équipements individuels se sont développés depuis, la bibliothèque garde la spécificité de proposer un grand nombre de langues : de 75 en 1981 à plus de 200 aujourd’hui.

Des évolutions et des constantes

L’explosion de la demande d’apprentissage du FLE (Français langue étrangère) suivant les vagues migratoires constitue une évolution marquante de l’espace. Cependant, les étrangers ne se limitent pas au FLE, tandis que les usagers français s’initient à un large éventail de langues. L’anglais reste en deuxième position et les formations en bureautique sont toujours très consultées.

Le public de l’Autoformation a des usages variés (nouveaux ou habitués, fréquentation assidue ou plus espacée) et des attentes hétérogènes.

Dans les années 1980, les usagers sont pour moitié français, moitié étrangers, davantage masculins et assez jeunes (4% seulement de plus de 50 ans). On observe une majorité d’inactifs (étudiants, chômeurs, retraités, femmes inactives) et une sur-représentation des classes supérieures par rapport au reste de la Bpi. Les études montrent que leur première motivation est la curiosité et la culture générale, suivie par la préparation d’un voyage et le projet de vivre à l’étranger. Certains usagers viennent ensuite compléter leurs études. L’emploi arrive en dernier.

Depuis les années 2000, le public a évolué vers un mélange d’actifs, de retraités, de personnes en recherche d’emploi et de précaires. Il est en revanche toujours davantage masculin avec une forte proportion d’allophones.

Une démarche individuelle particulière

L’espace Autoformation est « peu collectif mais socialisé » : des interactions ont lieu entre les bibliothécaires et les usagers, et entre ces derniers lors des ateliers de conversation. Parce qu’il est gratuit et met à disposition des outils, il répond toujours aux besoins de certains publics. Bien identifié, cet espace stimule et fédère les apprenants. Certains recherchent un accompagnement, d’où l’importante sollicitation des bibliothécaires en service public, tandis que d’autres apprécient l’autonomie qu’il permet.

Par ailleurs, le service Autoformation propose des ateliers de conversation en français et en langues étrangères ainsi que des événements comme le Speed Language Dating. Il accueille des groupes et des visites d’associations aux missions d’intégration (alphabétisation, recherche d’emploi…). Une présentation de l’espace et de ses médiations est détaillée sur le site web de la Bpi.

Publié le 18/12/2024 - CC BY-SA 4.0

Jean-François Barbier-Bouvet, Babel à Beaubourg, Éditions de la Bibliothèque publique d’information, 1981

Submergée par les demandeurs dès sa mise en service en février 1977, agrandie en 1980, la Médiathèque de langues de la Bibliothèque publique d’information accueillait quotidiennement près de 500 personnes. Le Service Études et recherche de la Bpi a mené une enquête sur les usagers de la Médiathèque de langues, en s’attachant plus particulièrement aux conditions sociales et culturelles de la pratique linguistique.

Jean-François Barbier-Bouvet, « Un laboratoire de langues à la bibliothèque : l'expérience de la Médiathèque de langues de la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou », BBF, 1983

Cet article est extrait du rapport d’enquête effectué par le Service Études et recherche de la Bpi sur les usagers de la Médiathèque de langues : les caractéristiques, les attentes du public, le rapport à la médiathèque de langues, utilisée comme élément « extérieur » ou intégré à la Bpi, y sont présentés. Au-delà de ces données, le rapport analyse les processus d’apprentissage des langues et fait apparaître des formes de « consultation linguistique » relevant plus du jeu que des stratégies traditionnelles d’acquisition du savoir.

Régine Daval, Anne Jay et Anne Volkoff, « L'autoformation à la Bibliothèque publique d'information », BBF, 2002

La Bpi de l’an 2000 s’est attachée à offrir et à mettre en valeur de nouveaux services destinés à des publics diversifiés. L’autoformation a pour mission d’aider le public à s’initier, se recycler, se perfectionner dans l’optique des nouvelles conditions de la « formation tout au long de la vie ». Ainsi, de la bureautique au français langue étrangère ou à la dictée, du code de la route à l’étude du chinois, de l’initiation à Internet ou à l’apprentissage de l’arabe, le public vient toujours plus nombreux. Il se forme seul à l’aide de documents multimédias sans tuteur ni formateur, mais le personnel d’accueil est toujours prêt à le guider dans ses choix et à résoudre les difficultés techniques qu’il peut rencontrer.

Stéphanie David, Médiation et/ou formation en bibliothèque : quel accompagnement pour les publics de l’autoformation ?, Enssib, 2008

De plus en plus de bibliothèques s’équipent d’espaces d’autoformation et proposent de nombreux didacticiels à leurs usagers. L’utilisation sur place de ces outils pose la question de l’accompagnement et de l’aide personnalisée à apporter à des publics peu familiarisés avec les Nouvelles Technologies, les méthodes d’apprentissage nécessitant une bonne maîtrise de l’outil informatique. Cette étude rend compte des médiations à l’œuvre dans différents centres de ressources et bibliothèques qui offrent un service d’autoformation ainsi que des formations organisées en lien avec l’autoformation.

Jean-Pierre Seguin, Comment est née la Bpi, Éditions de la Bibliothèque publique d’information, 1987

Le récit des aventures (de 1959 à 1977, date de l’ouverture de la Bpi) qui ont mené à la création de la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou, par son inventeur et premier directeur.

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