Un berger et deux perchés à l’Élysée ?
de Pierre Carles et Philippe Lespinasse

Sortie en salles le mercredi 23 janvier 2019

En 2016, Jean Lassalle député des Pyrénées-Orientales décide de partir en quête du Graal présidentiel. Pierre Carles et Philippe Lespinasse se retrouvent eux aussi impliqués dans l’aventure.

Un berger et deux perchés à l'Elysée
Pierre Carles et Jean Lassalle © Jour2Fête  

L’Avis de la bibliothécaire

Il y a d’abord deux grandes catégories, ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas le travail de Pierre Carles. Et puis il y a ceux qui vont le découvrir par le biais de ce film. Pierre Carles officie depuis plus de vingt ans… allez j’ose…Pierre Carles est un peu comme un ami que nous serions heureux de retrouver même des années après, reprenant la conversation là où nous l’avions laissée, à discuter, à s’engueuler puis à trinquer sur l’état du monde et le devenir de notre société.

Transgresser

Il y a vingt ans, sortait au cinéma Pas vu pas pris, film qui mettait en lumière les relations de connivence entre politiciens et personnalités de la télévision. Pierre Carles montrait ces liens invisibles aux spectateurs et leurs conséquences en matière de censure et, pire encore, d’autocensure. Ce premier volet d’un triptyque sur la critique des médias fut suivi en 2001 par La Sociologie est un sport de combat avec Pierre Bourdieu en personnage principal et par Enfin pris ? sorti en 2002. Après avoir travaillé en tant que journaliste puis comme collaborateur sur des émissions comme L’Assiette Anglaise ou Ciel mon Mardi, il réalise des films pour Strip-tease et entame son travail cinématographique de contestation. Mais Pierre Carles c’est avant tout un style et une façon de procéder qui hérisse plus d’un poil, une voix dissidente qui a pris l’habitude de s’affranchir des frontières et des doxas du journalisme et du documentaire.

S’impliquer

Pour Un berger et deux perchés à l’Elysée ? Pierre Carles et Philippe Lespinasse, avec qui il a déjà travaillé, vont plus loin encore en décidant de participer à la campagne de Jean Lassalle. C’est ainsi qu’iIs se rendent à Lourdios-Ichère petit village des Pyrénées-Orientales pour le rencontrer chez lui. On se souvient de l’homme pour l’avoir vu chanter en plein hémicycle, pour sa grève de la faim ou pour sa marche à travers la France. Une grande gueule chaleureuse qui a des principes et des convictions avant tout humanistes. Les positions de l’homme étiqueté Modem détonnent et tendent à faire voler en éclats les limites traditionnelles entre la droite et la gauche. Mais surtout, il est loin de correspondre au cahier des charges de l’animal politique en général. Imaginez un peu, un berger avec un fort accent, trop grand, trop provincial, trop imprévisible, une gueule comme il le dit lui-même. Le choix pourrait sembler opportuniste tant Jean Lasalle est l’archétype du personnage qui déborde du cadre et devient dès lors intéressant à suivre. On a envie de se convaincre que les deux réalisateurs, improvisés plus ou moins directeurs de campagne, ont eu envie d’y croire eux aussi, qu’ils ont réellement pensé que ce géant des montagnes pourrait devenir Président de la République française. Les doutes viennent peut-être du fait que, dès qu’il s’exprime, Jean Lasalle provoque inévitablement des regards amusés.

Jubiler

Il y a quelque chose de réjouissant à voir les deux comparses passer à l’action sous l’oeil complice du spectateur, lui aussi embarqué dans l’aventure. Pierre Carles et Philippe Lespinasse ne se contentent pas de filmer le réel, ils le créent, c’est ce qui peut enchanter ou déranger. Mais tout va mieux en se disant qu’il est possible d’aimer tout autant écouter les Pixies que Charles Aznavour, ou les tubes des années 80 et que la pluralité des approches, des regards, des méthodes sont une richesse pour la création documentaire. Ces considérations mises à part, reste à savoir si ce film est indispensable aujourd’hui.

Agir

Le film sort quasiment deux ans après la période électorale et nous savons que Jean Lassalle n’a pas remporté l’élection. Pour les amateurs de suspens, c’est plutôt raté, mais l ‘intérêt est peut-être ailleurs. Sous des airs un peu désinvoltes, sous des ressorts fantasques et des traits d’humour, Pierre Carles fait le portrait d’un candidat en campagne, un petit candidat hors des sentiers battus et rebattus. Les réalisateurs nous plongent dans l’univers d’un homme souvent méprisé par les médias à l’heure où la question de la représentation du peuple est plus que jamais discutée. Comme il l’avait fait pour Volem rien foutre al païs, Attention danger travail et dernièrement Opération Correa, Pierre Carles ouvre le champ des possibles, une façon peut-être de dire qu’il faut agir, mettre les mains dans le cambouis pour espérer changer le monde ou, à défaut, des petits rouages de la machine. Jean Lassalle, si peu préparé et si peu entouré qu’il soit, parvient à faire le plus grand score des petits candidats, avec 435 301 voix. Alors, même si ce n’est pas pour cette fois, un berger et deux perchés à l’Elysée, ce n’est peut-être pas si absurde au fond.

Rappel

Un berger et deux perchés à l’Élysée, de Pierre Carles et Philippe Lespinasse
101 min / France / 2018  – Production Annie Gonzalez / C-P Productions
Distribution : Jour2Fête

Film-Annonce : Un berger et deux perchés à l’Elysée, de Pierre Carles et Philippe Lespinasse from jour2fete on Vimeo.

 

Publié le 23/01/2019 - CC BY-SA 4.0

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