Toute une nuit sans savoir
de Payal Kapadia

Une histoire d’amour s’entremêle avec les mouvements étudiants de 2015 à 2017 contestant la politique nationaliste du premier ministre indien, Narendra Modi.

L’avis du bibliothécaire

Payal Kapadia

Payal Kapadia, jeune cinéaste indienne, a étudié à l’Institut indien du cinéma et de la télévision (FTII) de Pune, ville universitaire et industrielle située à cent kilomètres au sud-est de Mumbay. La famille Kapadia comprend une célèbre actrice indienne née en 1957, Dimple Kapadia, ainsi qu’un cinéaste britannique d’origine indienne, Asif Kapadia, né en 1972, réalisateur de fictions et de documentaires.

Amour, politique et recherche formelle

Dans ce film, Payal Kapadia documente les mouvements étudiants qui ont critiqué la politique nationaliste menée par Narendra Modi, premier ministre de l’Inde depuis 2014. Cette contestation s’est manifestée dans différentes universités du pays mais aussi à la FTII où un nouveau directeur, Gayendra Chauhan, avait été nommé en 2015 par le gouvernement. La lutte porta ses fruits à la FTII puisque le directeur fut remplacé en 2017. Les manifestations montrées dans ce long-métrage dénoncent aussi les inégalités dues au système des castes.

La cinéaste mélange cette matière sociale et politique avec une histoire d’amour racontée par le biais de lettres échangées par un couple d’étudiants dont l’union est empêchée par la famille du garçon en raison de son appartenance à une caste supérieure. Ces lettres, écrites par la cinéaste et son scénariste, sont lues en voix off sur des images, souvent muettes, d’étudiants se retrouvant pour danser ou fêter un anniversaire, d’archives de mouvements contestataires, de dessins et de calligraphies. Apparaissent aussi à l’écran quelques références cinéphiles : un extrait d’À bout de souffle de Jean-Luc Godard, une citation de Pier Paolo Pasolini dans laquelle le poète et cinéaste italien déclare être plutôt du côté des policiers prolétaires que des étudiants bourgeois au moment des affrontements gauchistes de 1968 à Rome.

Œil d’or au Festival de Cannes 2021

Ce film coche toutes les cases : documentation de mouvements sociaux, cinéphilie, histoire d’amour, recherche formelle, esthétique fragmentée mêlant l’intime et le politique, légère transgression (on voit une jeune femme à moitié nue), obtention de l’Œil d’or au Festival de Cannes 2021 récompensant le meilleur film documentaire, mais le résultat peut paraître artificiel, loin, par exemple, de la puissance du cinéma militant d’Anand Padwardhan.   

Bande annonce

Rappel

Toute une nuit sans savoir – Réalisation : Payal Kapadia – 2021 – 1 h 33 min – Production : Petit Chaos – Distribution : Norte

Jacques Puy