Journées nationales des Bibliothèques numériques de référence : compte rendu de l’édition 2019

Le 28 et le 29 novembre 2019 se sont tenues à Bordeaux les Journées nationales des Bibliothèques numériques de référence (BNR) qui ont été l’occasion de faire le point sur ce dispositif mis en place par le Service du Livre et de la Lecture (SLL) en 2010.

Powerpoint présentation
©LimediaGalerie/ Twitter

Les journées BNR 2019 ont retenu trois thèmes sur lesquels des professionnels venus de toute la France ont discuté durant deux jours : l’inclusion numérique, la robotisation et la coopération territoriale en matière numérique.

L’inclusion numérique en bibliothèque

La table-ronde sur l’inclusion numérique a ouvert ces journées et a donné lieu à de nombreux et passionnants échanges. Et pour cause : aujourd’hui, 31 % des Français sont en difficulté numérique, une difficulté qui va croissant avec la complète dématérialisation des services publics à l’horizon 2022. Les bibliothèques sont au premier plan de cette problématique puisqu’elles sont identifiées aujourd’hui par 63 % des Français comme le premier lieu d’inclusion numérique. Plusieurs professionnels sont ainsi venus décrire leurs actions en ce sens : les bibliothèques de Bordeaux ont fait le choix d’un partenariat avec un écrivain public afin de pouvoir intervenir auprès d’une population en difficulté. Dans la Nièvre, le département et la bibliothèque départementale se sont associés afin d’améliorer les points d’accès à Internet et de former plusieurs médiateurs numériques. Enfin, les bibliothèques de Strasbourg Eurométropole travaillent avec WeTechCare afin d’améliorer le maillage du territoire, notamment en mobilisant des acteurs différents, identifiés grâce à un logo unique. 

Tous ces témoignages ont permis de faire ressortir les points saillants d’une coopération réussie autour de l’inclusion numérique : la réalisation d’un diagnostic territorial apparaît ainsi comme une première étape essentielle, afin d’identifier l’ensemble des acteurs numériques d’un territoire et leurs fonctions de manière fine, un réseau qui facilite par la suite le travail des bibliothèques. La conception d’outils pratiques et de ressources partagées entre les différents acteurs va également dans ce sens. Ces étapes préalables doivent ensuite avoir un impact concret sur les agents : il s’agit dès lors de les former à la médiation numérique mais également de faire se rencontrer les différents acteurs. 

L’inclusion numérique soulève aussi de nombreuses questions chez les professionnels, qui ont toutes été débattues : quid de la confidentialité des données manipulées pour les usagers ? Comment accompagner les personnes analphabètes, pour lesquelles l’autonomie numérique n’est pas envisageable ? Jusqu’à quel niveau les bibliothécaires peuvent-ils aider ? A cette question, il a été proposé de se référer aux trois profils-types d’usagers définis par Emmaüs Connect qui permet de segmenter les différents types d’actions à mener en bibliothèque :

  • faire à la place de l’usager lorsqu’il s’agit de répondre à une demande urgente d’un usager qui n’est pas en mesure de faire la démarche de façon autonome

  • accompagner et former l’usager dans sa démarche.

  • orienter l’usager vers le service compétent lorsque cela dépasse les compétences des bibliothécaires 

La cartographie préalable du territoire apparaît ainsi comme une étape essentielle afin de clarifier le positionnement des bibliothécaires : ils peuvent ainsi poser leur limites et nouer des partenariats solides avec d’autres services publics afin d’être accompagné dans leurs fonctions de médiateurs numériques.

La question des moyens a évidemment surgi dans les discussions : si elle reste sans réponse pour l’instant, une piste pourrait être de réinvestir dans l’inclusion numérique l’argent gagné dans la dématérialisation. Plusieurs outils ont enfin été énumérés afin d’aider les bibliothécaires dans leur pratique comme la Charte Bib’Lib de l’ABF ou le cadre de référence de compétences numériques du Québec. La Mission Société numérique (Sonum) a par ailleurs mis en place plusieurs dispositifs d’aides comme les kits pour Aidants numériques.

Robotisation en bibliothèque

Les discussions se sont ensuite poursuivies autour de la robotisation en bibliothèque. Un point conceptuel, salutaire, a notamment été fait par Nicolas Rougier, chercheur en neurosciences à l’INRIA : il a rappelé que la robotisation désignait la combinaison d’automatismes et d’une intelligence artificielle, même minime, une réalité déjà très présente dans notre quotidien notamment dans l’électroménager. Dans les bibliothèques et les milieux culturels en général, la robotisation se traduit par une multiplicité de projets, dont trois étaient présentés lors de ces journées d’étude : tout d’abord, la mise en place d’un circuit automatisé de prêt-retour dans le réseau des bibliothèques de Lyon, conçu afin d’automatiser les tâches répétitives. Cette table ronde est aussi allée voir en-dehors des bibliothèques avec la présentation de deux dispositifs d’aide pour les publics éloignés : le robot de téléprésence du château d’Oiron qui permet de rendre accessibles les étages du bâtiment aux visiteurs en situation de handicap tout en les laissant maîtres de leur visite. Au salon de Montreuil, les robots d’accompagnement aident les enfants en difficulté dans l’apprentissage de la lecture. Malgré leur diversité, tous ces projets présentent la robotisation comme un nouvel outil pour faciliter l’autonomie des usagers. Les intervenants ont également tous témoigné du coût de maintenance de ces dispositifs et du nécessaire travail d’acculturation à l’automate qui ne peut se penser sans un accompagnement adapté des agents et des usagers.

Coopérer à l’échelle territoriale autour du numérique

Ces journées se sont achevées par une réflexion autour de la coopération territoriale et du numérique. Cette problématique a été discutée par plusieurs intervenants : les bibliothèques de la ville de Poitiers ont ainsi fait le choix d’un SIGB et de ressources numériques communes entre les cinq bibliothèques communales mais aussi les médiathèques, les ludothèques et les centres de documentation de la ville. Dans le Calvados, un partenariat entre les bibliothèques de la communauté urbaine de Caen la mer et la bibliothèque départementale a permis de proposer une offre numérique commune, la Boîte numérique, afin d’améliorer la desserte dans les milieux ruraux. Enfin, la communauté urbaine de Dunkerque a mis en place quelques règles simples pour préserver la qualité de son réseau de bibliothèques, en enjoignant au principe de gratuité et en harmonisant les pratiques professionnelles entre les différentes bibliothèques municipales. Tous ces projets ont donc comme point commun de mettre en place des partenariats entre bibliothèques municipales, bibliothèques intercommunales et bibliothèques départementales afin de co-construire une offre de service numérique : à terme, cela contribue à harmoniser et à renforcer la cohérence des actions menées sur un territoire. Les discussions auront également permis d’aborder la question de l’évaluation de l’utilisation des ressources numériques régulièrement proposées en bibliothèques territoriales : plusieurs établissements ont ainsi fait le choix de compléter leurs statistiques avec des indicateurs plus qualitatifs, en analysant par exemple les profils d’abonnés aux newsletters dédiées ou en réalisant des enquêtes de terrain. Ces statistiques dessinent dès lors un territoire numérique bien plus étendu que le simple territoire administratif : la preuve en est à Bordeaux où les deuxièmes consommateurs des ressources numériques de la bibliothèque sont … des Parisiens !

Forum des Projets et présentation des projets BNR : découvrir les actions des bibliothèques

Enfin, ces journées auront permis de découvrir les nombreux projets numériques en cours au sein des bibliothèques grâce à deux dispositifs. Le forum des projets tout d’abord, rassemblant aussi bien des professionnels des bibliothèques que des intervenants extérieurs, a accueilli une quinzaine d’exposants qui ont pu présenter leurs actions autour de trois grands axes : l’inclusion numérique (Rouen Nouvelles Bibliothèques, Médiathèques François Mitterrand-Les Capucins à Brest, Médiathèque départementale de la Drôme, Plaine Commune, Bibliothèques de Toulouse), la création et la valorisation numérique (Bibliothèque municipale de Poitiers, Bibliothèques du Sillon Lorrain, Biin, Génération Robots) et la coopération territoriale (Bibliothèque départementale de l’Hérault, Bibliothèque départementale du Puy-de-Dôme).

Ces rencontres se sont poursuivies avec une découverte des nouveaux entrants au sein du dispositif BNR : les sept établissements labellisés se sont tous vu offrir l’opportunité de présenter succinctement leur projet. Le cru 2019 s’est distingué par la part importante accordée aux bibliothèques départementales ainsi qu’à une attention particulière à trois axes de travail : le patrimoine, l’inclusion numérique et la mutation des pratiques professionnelles. Ces axes de travail se sont concrétisés dans plusieurs idées communes : aide à l’installation de matériel informatique dans des petites bibliothèques, création d’espaces de formation pour les professionnels, accent sur la culture vidéo-ludique (usages du jeu vidéo, réalité virtuelle et réalité augmentée) et matériel de médiation mobile sur le territoire. Ces présentations auront également rappelé l’importance d’articuler le projet d’établissement d’une bibliothèque avec son projet BNR et le contrat territoire-lecture afin d’avoir une approche globale et transversale du numérique.

Publié le 13/01/2020 - CC BY-SA 4.0

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