Où en êtes-vous Eléonor Gilbert ?

Quels sont vos projets en cours ?

Je suis en train de finir un film qui se passe dans une tour de guet de départs de feux et commence par une exploration du conte de Barbe Bleue. C’est un film sur la lecture des signes et l’apprivoisement de la vue
où je narre des histoires liées à des situations de violences conjugales dans leur aspect invisible. Après avoir fait « Espace », film très spontané tourné dans un salon pas très bien éclairé, j’ai eu besoin de faire un film avec des images plus variées, plus cinématographiques, presque en contrepoint. 

« Espace » a été très diffusé, vous-même avez été très sollicitée, qu’aimeriez-vous dire encore sur ce film ?

Il y a une chose que je n’ai pas dite publiquement. C’est le fait que, pendant longtemps, je n’ai pas eu le droit de montrer ce film à Grenoble et en Isère parce que la petite fille du film ne voulait pas qu’il puisse être vu par des personnes de son entourage.
Pendant quelques mois le film est resté sur mon ordinateur. Elle a finalement accepté que je le montre à une productrice qui a trouvé les rushs intéressants. À partir de là, cette petite fille a accepté que j’essaie d’en faire un film mais sans prendre la mesure de ce que ça allait être. Elle n’a pas forcément été tout de suite très contente d’avoir une parole publique. Paradoxalement, c’est quelque chose
qui m’a rassuré permettant de ne jamais avoir l’impression d’être face à un petit singe qui fait plaisir aux adultes. Cette petite tension garantit l’honnêteté de cette parole. Et, depuis cette année qu’elle accepte qu’il soit diffusé partout.

Ce film a-t-il changé des choses concrètement, dans l’école décrite dans le film par exemple ?

Je ne sais pas si ce film a changé des choses dans l’école même, mais ce qui est intéressant c’est que la ville de Grenoble s’en est emparée comme outil de travail pour les équipes pédagogiques. Le film n’a sans doute pas fait changer les mentalités, mais quand une question est posée ça ouvre quelque chose.

Êtes-vous contente de la vie du film depuis sa sortie ?

Je suis heureuse que ce film soit diffusé dans des lieux variés, qu’il soit relié à l’école mais quitte aussi ce terrain ; il y a des gens en architecture ou sur des questions de genre qui le diffusent régulièrement, et là, à Grenoble,
il va être intégré dans un programme centré plutôt sur la cartographie. Finalement, ce que je trouve assez génial c’est que la parole d’une petite fille soit écoutée sérieusement.