Le Centre Pompidou, un tout-en-un culturel ?
Agnès Camus-Vigué, Françoise Gaudet, 2009

« Le Centre Pompidou, un tout-en-un culturel ? », paru dans le Bulletin Bpi, n°29, avril/août, 2009.

Quand Manon, 17 ans, dit « je vais à Pompidou », cela signifie toujours « à la bibliothèque ». Elle n’ignore pas que le Centre Pompidou abrite un grand musée d’art moderne, mais pour elle, comme pour son amie Zohra, étudiante en communication, « Beaubourg » est avant tout un espace de travail : « On se dit : « Ben voilà, j’y vais pour travailler » et on ne pense pas forcément à aller voir autre chose.

La Bpi attire un public fidèle de jeunes étudiants, qui fréquentent ainsi régulièrement le Centre Pompidou, mais qui ne sont pas nécessairement conscients, comme dit Abdel, que le centre a été conçu comme un « tout-en-un culturel ». Bon nombre d’entre eux, par exemple, n’ont jamais eu la curiosité de franchir les portes du MNAM.

Comment expliquer cette scission entre les publics de la Bpi et ceux du musée ? Est-ce par méconnaissance de l’offre, faute de tarifs adaptés, ou tout simplement par l’absence d’intérêt que les jeunes usagers de la bibliothèque ne prennent pas plus souvent le chemin du musée ou des espaces d’expositions ? 

Comment expliquer cette scission entre les publics de la Bpi et ceux du musée ? Est-ce par méconnaissance de l’offre, faute de tarifs adaptés, ou tout simplement par l’absence d’intérêt que les jeunes usagers de la bibliothèque ne prennent pas plus souvent le chemin du musée ou des espaces d’expositions ? 

Pour en savoir un peu plus, le service Etudes et recherche de la Bpi et l’Observatoire des publics du Centre Pompidou ont proposé à une trentaine de jeunes usagers de la bibliothèque de participer à une enquête, après leur avoir offert une visite guidée des collections du musée.
On constate tout d’abord – et pour cause – qu ceux qui ne sont prêtés à l’exercice ne sont pas opposés par principe à l’idée de se rendre dans un musée. La plupart d’entre eux le font à l’occasion, même si, dans leur grande majorité, les jeunes enquêtés n’avaient jamais fréquenté le MNAM – quand ils n’ignoraient pas tout simplement son existence. 
On constate tout d’abord – et pour cause – qu ceux qui ne sont prêtés à l’exercice ne sont pas opposés par principe à l’idée de se rendre dans un musée. La plupart d’entre eux le font à l’occasion, même si, dans leur grande majorité, les jeunes enquêtés n’avaient jamais fréquenté le MNAM – quand ils n’ignoraient pas tout simplement son existence. 

Elise, pour sa part, s’intéresse à l’art ; elle fréquente à la fois la bibliothèque et le musée. mais ce qui l’arrête, depuis qu’elle est majeure, c’est le coût du billet d’entrée : « Quand j’avais moins de 18 ans et que c’était gratuit pour moi, j’y allais toutes les semauines. Et l’année d’après, j’y suis allée … mais j’ai dû y aller six fois dans l’année. » Quant à Ahmed, qui n’apprécie pas trop les musées, on comprend que la perspective du prix à papyer achève de le décourager : « En fait, quand on parle du musée, on a toujours cette idée : « Ah, c’est ennuyant », donc directement déjà, à la première approche, on n’a pas spécialement envie d’y aller. Mais si en plus on nous dit que c’est payant … » 

L’arbitrage est souvent difficile, pour ces étudiants très occupés, entre le musée, le cinéma, le restaurant ou les sorties avec les copains. La visite au musée a un coût, en temps et en argent, et ils ne sont pas toujours sûrs que cela en vaille la peine. « On se dit : bon, on va aller au musée, on va être moins con, aujourd’hui on va dormir moins con. Et on arrive, on se sent tout bêtes devant un tableau auquel on ne comprend absolument rien du tout. » Le sentiment d’incompétence qu’ils ressentent devant l’oeuvre d’art les prive du bénéfice de la visite : « On ne ressort pas enrichi  [du musée] parce qu’on regarde juste des choses qu’on est censé trouver jolies, mais qui ne nous marquent pas plus que ça, qui ne nous parlent pas, parce que justement on ne les fait pas parler. » 

Cette impression de manquer de repères, ce besoin de médiation, se sont exprimés avec force au cours de cette enquête. Pour certains de ces jeunes gens, la viiste guidée dont ils ont bénéficié dans le cadre de ce travail a précisément répondu à cette demande d’accompagnement. Le conférencier leur a offert ce qui leur manquait : un parcours logique et sélectif, des références historique, des clés pour décrypter les oeuvres, une invitation à s’abandonner aux sensations physiques que suscite la contemplation d’un objet artistique. Pour Lucille, il s’agissait presque d’une révélation. La croix de Malévitch « on ne la reverra plus jamais pareil (…) Si j’ai une dissertation sur l’art, ou même si j’ai besoin de parler d’une oeuvre que j’apprécie, je pourrai en parler beaucoup plus facilement que de la Joconde parce que finalement, c’est beaucoup moins connu mais, moi, je la connais mieux que je ne connais la Joconde. » 

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Publié le 18/08/2014

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