Médiations et innovations dans la culture : quelles applications pour les collections numériques en bibliothèques ?

​Compte rendu de la journée d’étude du 27 septembre 2019, organisée par CLIC France, sur les nouveaux dispositifs de médiations numériques adoptés par les établissements culturels.

Dessin d'un homme avec casque de RV
©Freepik CC0

Savoir médier les ressources numériques constitue sans doute l’un des grands défis des bibliothèques à l’heure actuelle. À la grande question « Comment valoriser l’immatériel ? », il peut souvent être bénéfique d’aller jeter un œil aux réalisations mises en place par d’autres établissements culturels. Cet article est donc l’occasion de partager les échanges de la journée d’étude du 27 septembre 2019, organisée par CLIC France et qui s’est déroulée à la BnF et d’interroger les potentielles applications de ces réalisations en bibliothèques afin de valoriser les collections numériques.

Tables tactiles et cartels numériques : enrichir son contenu

Un dispositif a été plébiscité à plusieurs reprises par les institutions présentes lors des différentes tables-rondes : le cartel numérique. Se présentant en complément du cartel traditionnel, ce dernier permet en effet de proposer un enrichissement supplémentaire du discours.
Ce dispositif est intéressant à deux titres : dans un premier temps, il permet de mettre en valeur des contenus dont la richesse se contente mal d’un support papier. L’écomusée de Daviaud a ainsi fait le choix de cartels numériques pour présenter ses objets ethnologiques en utilisation, sous la forme de capsules vidéos ; c’est également le dispositif vers lequel s’est orienté le Centre des Musées Nationaux lorsqu’il a voulu rendre accessible ses bases de données.
Dans un second temps, le cartel numérique permet bien souvent d’instaurer une interactivité supplémentaire avec le visiteur lorsqu’il est décliné sous la forme d’une tablette ou d’une table tactile : il offre notamment la possibilité d’usages ludiques pour accentuer l’engagement des visiteurs, à l’instar de ce qui a été mis en place au Musée de l’Homme.

Cet outil, de plus en plus présent lors des expositions temporaires pour afficher du contenu supplémentaire non visible dans le parcours de visite, peut facilement être approprié par les bibliothèques afin de rendre visible leurs ressources. C’est ainsi qu’en 2017, déjà, l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) se voyait remettre un prix pour son projet « Manivelle ». De nombreuses déclinaisons restent cependant à inventer afin de présenter ces ressources de manière plus visuelle et interactive sur de tels dispositifs.
 

La web – application, « le couteau-suisse de la médiation » ? La personnalisation des parcours de visite-

L’autre grand gagnant de cette journée est le « compagnon de visite », de plus en plus utilisé par les musées. L’appellation, assez poétique, désigne en fait une série d’applications ou de web-applications créées afin de proposer un parcours personnalisé à chaque visiteur, en fonction de ses envies, du temps disponible ou encore de ses handicaps. L’assistant virtuel est ainsi utilisé pour guider le visiteur vers les contenus les plus susceptibles de l’intéresser. Décliné à l’origine sous la forme d’applications, les musées se tournent aujourd’hui de plus en plus vers la web-application, qui a l’avantage de présenter des coûts moindres et d’éviter le téléchargement sur les smartphones. Ces avantages expliquent que cette dernière solution soit retenue par des musées à la taille variable, du musée des Beaux-Arts de Besançon au musée Malraux du Havre.

La mise en place d’un tel « assistant de visite » pourrait se révéler particulièrement utile afin de guider les lecteurs dans le labyrinthe des ressources numériques des bibliothèques, en prenant comme point de départ leur intention. Ce compagnon de visite a en effet pour lui l’avantage d’être déjà au format virtuel, ce qui favorise l’interrogation et le rebond vers les ressources génériques et profondes de la bibliothèque. De manière embryonnaire, cet assistant de visite est ainsi déjà visible sur le portail des bibliothèques de Toulouse. Cette idée pourrait cependant être largement étendue en affinant les critères d’orientation et déclinée aussi bien sur une Webapp que sur une table tactile, sous forme de carte visuelle par exemple.
 

Réalité augmentée, réalité virtuelle, réalité mixte : au-delà des musées ?

La journée s’est conclue avec la présentation de dispositifs a priori plus éloignés des bibliothèques en raison de leur coût et de leur complexité de mise en œuvre : la réalité augmentée, la réalité virtuelle et enfin la réalité mixte. Ces outils de médiation disent cependant plusieurs choses sur le rapport que le visiteur entretient entre l’espace virtuel et l’espace réel, qui sont autant de pistes à interroger dans la rematérialisation des ressources numériques.
Ces trois dispositifs ont en effet comme point commun d’investir le corps du spectateur dans l’expérience du numérique : la réalité augmentée, par l’obligation de déplacement qu’elle suppose afin d’accéder aux contenus enrichis ; la réalité virtuelle, qui est de moins en moins statique et reproduit les mouvements du porteur du casque ; la réalité mixte enfin, qui en superposant les contenus réels et leur enrichissement virtuel permet aux visiteurs de ne pas être totalement coupé de la réalité. Cette dernière innovation n’a pour l’instant été expérimentée qu’au musée des Plans-Reliefs, à l’été 2019 ainsi qu’au musée de la Libération de Paris depuis octobre 2019.

L’importance de cette « corporalité numérique » a déjà été comprise par les bibliothèques : dans la lignée de l’application Pokémon Go, premier jeu en réalité augmentée, de nombreuses bibliothèques ont ainsi proposé des parcours du même type comme les bibliothèques universitaires de Nantes  ou de Bordeaux pour faire découvrir, entre autres, leurs ressources numériques. Dans la continuité de la réalité augmentée, la réalité mixte pourrait à son tour permettre cet enrichissement des collections papier de la bibliothèque en faisant apparaître sur un même plan les ouvrages présents en rayonnage et leur double numérique. L’obstacle principal reste cependant le coût d’un tel dispositif que l’on peut difficilement fournir à plusieurs centaines de visiteurs.
La réalité virtuelle, surtout utilisée pour mettre en valeur des contenus patrimoniaux, ne doit enfin pas être délaissée et ses applications pédagogiques ont du reste déjà été prouvées. L’exemple du projet REVE, qui propose grâce à la réalité virtuelle de nous faire expérimenter les difficultés des personnes dys en est ainsi un exemple frappant. Après La Bibliothèque, la nuit, présenté à la BnF, on pourrait ainsi imaginer une bibliothèque numérique virtuelle dans laquelle le lecteur serait libre de déambuler afin de trouver des ouvrages susceptibles de l’intéresser. Cette démarche reproduirait ainsi l’implication corporelle du visiteur qui, pour trouver des lectures, continue bien souvent de se balader entre les rayonnages.
 
Cette journée s’est conclue en revalorisant le rôle primordial de l’oralité et du son dans la médiation : les musées sont ainsi concernés par le retour en force des audio-guides, une réalité qui n’est pas sans faire écho aux bibliothèques. Les bibliothécaires jouent en effet un rôle essentiel dans l’appréhension des ressources numériques grâce à leur posture d’accueil et de conseil. Si les dispositifs numériques promettent d’offrir un regard décalé sur des collections peu connues, en fonctionnant comme des produits d’appel susceptibles de susciter la curiosité, c’est bien le facteur humain qui reste un des moyens d’accompagnement parmi les plus efficaces sur le long terme.
 

Publié le 14/11/2019 - CC BY-SA 4.0

0 0 votes
Article Rating
S’abonner
Notifier de
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments