Loup y es-tu ?
de Clara Bouffartigue.

Des jeunes, des enfants et leurs parents viennent consulter, souffrance en bandoulière, sous le manteau ou sous la peau, au centre médico-psycho-pédagogique. Les soignants sont là pour les accompagner en thérapie. Par le jeu, le dialogue, le silence, en famille, en groupe ou individuellement, ils cheminent pour les aider à grandir.

L’avis de la bibliothécaire

On raconte très tôt aux enfants des histoires de loups cachés dans les bois, faisant de cet animal une figure effrayante aux grandes dents. Le loup devient alors le magnifique symbole des peurs tapies dans le noir, de l’inconscient qui grouille et qui émerge tôt ou tard.
Les enfants, adolescents et jeunes adultes rencontrés dans ce film sont justement aux prises d’émotions incontrôlables, de souffrances exacerbées, de peurs inexpliquées. L’équipe du centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) accompagne ces patients par la parole (en tête-à-tête, avec les parents ou en groupe de discussion), par le jeu (le soignant, alors, suit le patient dans son imaginaire et s’implique dans la mise en scène), par la lecture, le dessin… Tout devient thérapie.

Le film permet de dresser les portraits en pointillés de certains patients, tout en les préservant par une volonté de pudeur tout à fait bienvenue : le spectateur ne sait jamais pourquoi les personnes consultent, aucun diagnostic n’est avancé et cette retenue permet d’écouter encore plus attentivement les paroles échangées, sans se préoccuper des cases, des pathologies.
Le rôle des soignants est alors exemplaire ; il s’agit pour eux de faire jaillir la parole pour que la souffrance soit exprimée et qu’elle puisse, par ricochets, être prise en charge convenablement. On perçoit la grande humanité du personnel du CMPP lors de leurs entretiens avec les patients, où l’écoute est totale, mais aussi quand ils se réunissent pour évoquer certains enfants et adapter au mieux le suivi proposé. L’équipe est soudée et c’est là un élément important pour mettre en confiance les personnes qui poussent la porte de l’établissement.

La belle originalité de ce film tient dans la mise en scène enjouée et inquiétante des peurs racontées. Entre deux séquences, Clara Bouffartigue s’est amusée à insérer des scènes animées tournées de manière très artisanales (c’est elle-même qui le dit).
Dans les espaces du centre lorsque celui-ci est fermé, les jouets prennent vie et, entre ombre et lumière, racontent les peurs, les accentuent, les rendent monstrueuses pour rendre la catharsis encore plus prégnante. Certaines de ces scènes en deviennent réellement effrayantes, comme si elles ravivaient chez le spectateur ses propres peurs. Nous prenons conscience que nous sommes tous dessinés autour d’ombres que nous apprivoisons plus ou moins bien. Et quand celles-ci prennent le pas sur la lumière, c’est là que nous avons besoin d’un espace thérapeutique pour les conjurer.

La grande force de Loup y es-tu ? réside dans sa sincérité. Il n’y a pas de mise en scène de la souffrance ni d’enjolivement, il montre la vie telle qu’elle est pour ces hommes et ces femmes qui reçoivent, à un moment de leur vie, l’aide dont ils ont besoin pour regarder la réalité sous un jour plus doux. Le spectateur devient le témoin de certaines confidences, des colères et des silences, et s’attache au devenir des jeunes meurtris. Les portraits sont toujours très justes ; et on n’a alors qu’un souhait, se promener dans les bois sans craindre ni les bêtes, ni l’obscurité.

Bande annonce

Rappel

Loup y es-tu ? – Réalisation : Clara Bouffartigue – 2022 – 1 h 25 min -Production : Morgane Production – Distribution : Véo distribution.