Libre
De Michel Toesca
Sortie en salles le mercredi 26 septembre 2018
Cédric Herrou, agriculteur dans la vallée de la Roja voit son quotidien bouleversé par l’arrivée de réfugiés. Avec d’autres habitants, il décide d’accueillir et d’apporter leur aide aux migrants qui frappent à leur porte ou qui traversent la vallée. Le réalisateur Michel Toesca a suivi le périple d’un citoyen qui, malgré les risques judiciaires encourus, s’insurge et résiste pour faire respecter les droits de l’homme guidé par l’esprit inventif et convivial du « Pantaï Niçois » et le bon sens paysan.
L’avis de la bibliothécaire
Grâce à Cédric Herrou, jeune agriculteur, le principe de fraternité est maintenant reconnu depuis le 6 juillet 2018 par le Conseil constitutionnel. Cela « a pour conséquence d’interdire la poursuite des actes purement humanitaires » à l’égard des migrants. Que s’est-il passé avant d’en arriver à ce résultat ?
Depuis 2015, Breil, village de la vallée de la Roya, voit augmenter le nombre des migrants, il est à peine à 25 kilomètres de Vintimille et de la frontière italienne.
A l’ouverture du film, l’eau bleue de la mer occupe toute l’image. Puis la caméra remonte jusqu’aux façades d’une ville et d’un paysage presque idyllique sur les rives de la Méditerranée : Vintimille, en Italie. C’est là que le réalisateur a décidé de commencer à filmer. Plusieurs voix off témoignent. Parmi elles, celle d’une femme se souvenant de sa gêne lorsqu’un migrant lui a demandé de l’aide et qu’elle a passé son chemin, désarmée. Toute la journée, elle a pensé à cet homme dehors dans le froid.
Puis, les migrants sont peu à peu arrivés ici aussi, à Breil.
On fait quoi ?
Devant cet afflux, des bénévoles ont tenté d’organiser un accueil pour améliorer les conditions de vie des réfugiés. Cédric Herrou, agriculteur, est à la pointe de cette action citoyenne, c’est le personnage central de cette histoire, c’est lui que le réalisateur (habitant aussi la vallée de la Roya) suit et filme dans son combat quotidien. Le récit suit la chronologie de la crise, de septembre 2016 à janvier 2017.
Une carte présente la situation géographique du village, de la vallée, la place de la frontière. Un texte explique la stratégie de la police des frontières : empêcher les migrants d’aller déposer une demande d’asile, les stopper et les reconduire hors de France. Y compris les enfants, des mineurs que l’Etat a pourtant obligation de protéger.
Aider les gens, les mettre hors de danger
Les scènes sont en prises directes avec le quotidien et les actions que mène Cédric. Chez lui, conversant avec les hommes qu’il peut accueillir ; dans la rue lors d’une rencontre avec le préfet pour demander un soutien à leur accueil bénévole, dans un car avec des migrants que les policiers cherchent à faire descendre, à la sortie de sa première condamnation pour avoir fait passer la frontière à environ 200 migrants.
Plusieurs scènes suivent les opérations de nuit. Michel Toesca place le spectateur au plus près de l’action : à la lueur des lampes torches, au milieu des bénévoles et des migrants pour squatter un bâtiment vide de la SNCF. Ou bien une marche nocturne d’un groupe guidé par des villageois familiers des chemins. Il s’agit de se rendre à la préfecture de Nice pour déposer les demandes d’asile, d’éviter les rencontres avec la police des frontières et une arrestation. Le temps d’une halte, les hommes se penchent sur les cartes faiblement éclairées. La marche durera trois jours.
Malgré la gravité des enjeux, le film est joyeux, le rythme vif. Il s’est fait dit Michel Toesca dans l’improvisation totale : « Parfois dans des situations tendues et chaotiques, avec quelques complices, nous filmions avec des téléphones portables. Cette esthétique je l’assume totalement, parce qu’elle est celle de l’instant et de l’urgence ».. Il y a des moments assez incroyables comme l’arrivée par hélicoptère d’une caravane nécessaire à l’hébergement, vrai pied de nez aux autorités. Breil et ses bénévoles nous font penser parfois à ce petit village d’une bande dessinée bien connue, et à ses habitants qui résistent encore et encore…
« Libre » met en valeur la détermination de Cédric, et de tous ceux qui l’accompagnent, présents aussi à l’écran, comme cette infirmière libérale donnant de son temps personnel pour des soins.
C’est un film chaleureux grâce aussi à l’amitié et la complicité entre Michel Toesca et Cédric Herrou, un film politique, entre amis attachés à la fraternité, à la solidarité. Le dernier plan montre la vallée, balaie les hautes montagnes, les massifs forestiers tandis que la voix du réalisateur énumère les noms des cols , tunnels, chemins et passes , autant de possibilités pour franchir la frontière.
Rappel
Libre, de Michel Toesca
France – Production Sanosi – durée : 1 heure 40
Distribution Jour2Fête
Publié le 08/09/2018 - CC BY-SA 4.0