Objectif de l'action :
La programmation de séances de films en audiodescription répond à deux objectifs :
- faire découvrir une œuvre cinématographique adaptée aux personnes aveugles et malvoyantes ;
- faire découvrir le dispositif d’audiodescription au tout public.
Description de l'action :
Voici les différentes étapes de programmation :
Établir le calendrier des séances de projection.
- Réserver la salle de projection sur un an pour les usagers. Veiller à un accès PSH. Réserver aussi des créneaux pour les scolaires (écoles spécialisées d’enfants déficients visuels).
- Choisir le créneau mensuel avec soin et en concertation avec les usagers. Par exemple, nous n’avons pas de séances le soir car la tombée de la nuit précoce en automne et en hiver empêche certains usagers de sortir de chez eux. Nous avons choisi le samedi car les personnes travaillent en semaine et cela favorise l’inclusion pour tous les publics. Notre créneau est donc le samedi entre 15h et 17h.
Former ses équipes aux gestes de guidage.
De nombreuses vidéos sont disponibles sur internet et des formations/sensibilisations en ligne réalisées par des associations sont possibles (réseau AVH, INJA, etc). Il est primordial de former les agents en charge de l’accueil pour des raisons de sécurité et garantir son professionnalisme et la prise en compte du handicap de l’usager.
Choisir le film.
- Se fier à la qualité de l’audiodescription : qu’elle ne soit pas trop bavarde et qu’elle respecte le rythme de l’œuvre. Toujours écouter le film avant de le choisir. Notre propre ressenti est important. Nous ne partageons pas un film qui n’apporte aucune émotion.
- Varier les genres : des films populaires, des films plus intimistes ou percutants, ne pas hésiter à varier pour satisfaire tous les usagers.
- Varier les types de formats : courts-métrages, documentaires. Cela permet de faire découvrir le cinéma autrement et parfois d’apporter du débat en fin de séance. Le film documentaire est peu connu mais très apprécié. De plus, les bibliothèques peuvent s’appuyer sur le réseau des yeux docs en plein développement pour l’adaptation en AD.
- Axer la programmation sur les évènements nationaux : Mois du film documentaire, Fête du cinéma d’animation, Fête du court-métrage, etc. Cela permet d’obtenir une plus grande visibilité de ses actions et d’attirer un autre public.
Quelques exemples statistiques :
- Nos plus grands succès : 9 mois ferme (113 personnes), La famille Bélier (117 personnes), Tirailleurs (126 personnes), Un château en Italie (129 personnes).
- Les films les plus percutants : Dheepan, Green Book, Un pays qui se tient sage.
- Les films les plus émouvants : Lion, Mia et le lion blanc, The Father.
- Le film le plus marquant : Le dernier loup (121 personnes). Nous l’avons diffusé deux fois (coup de cœur des usagers sur 10 ans de projections).
Acheter les droits de projection.
Il n’est pas toujours évident de les trouver et cela peut parfois créer de la frustration quand on aime un certain film (je n’ai jamais obtenu les droits pour le film « tout, tout de suite » mais je ne lâche pas !) Il ne faut pas hésiter à contacter les distributeurs ou les boîtes de production directement. Attention : il faut attendre un an de diffusion en salle avant de projeter un film gratuitement en bibliothèque (cf. CNC).
Communiquer.
- Mailing aux usagers et habitués, mais pas que ! Aux institutions type MDPH, aux écoles spécialisées, aux praticiens de santé type ophtalmologistes, mais aussi aux associations locales, vers les sites nationaux comme HandiCaPZéro. Ils sont de très bons relais. En parler autour de son réseau professionnel, par exemple vers les structures culturelles partenaires de la bibliothèque pour une diffusion encore plus large.
- Rencontrer les adhérents au sein des associations, écouter leurs goûts, s’intéresser aux films qu’ils ont vus. Créer une dynamique, un lien.
- Publier sur les réseaux sociaux mais attention, ne pas oublier le texte alternatif aux images pour l’accessibilité.
- Créer un flyer et une affiche adaptée : gros caractères, contrastes suffisants, et penser au format numérique adapté.
- En septembre 2024, nous proposons aux usagers un nouvel évènement commun « la rentrée culturelle accessible ». Il s’agit d’une présentation de tous les spectacles et animations accessibles aux publics en situation de handicap. Nous avons invité toutes les structures culturelles et sportives de la ville de Reims qui font de l’audiodescription (le Manège, la Comédie, l’Opéra et le stade de Reims). Une opportunité pour les usagers d’avoir tout au même endroit.
- Être précis sur les horaires de séance. Cela permet aux usagers de réserver leurs transports adaptés ou d’organiser leur venue en bus, tram, etc.
Le jour J.
- Accueillir le public dès l’entrée et l’accompagner dans la salle jusqu’à son siège. Laisser la personne choisir son emplacement (plutôt devant, au centre, sur un côté pour le chien-guide).
- Introduire le film et donner le prochain rendez-vous. Parler avec son cœur, dire pourquoi on a choisi ce film et proposer un temps d’échange après la séance. Surtout s’il y a des attentes de transports adaptés.
- Rester dans la salle en cas de problème le temps de la projection.
- Après le film, raccompagner le public à l’entrée, attendre avec eux leurs transports adaptés s’il y en a (toujours se munir du numéro de téléphone du prestataire de transports adaptés au cas où il y aurait un oubli de personne. Ça nous est déjà arrivé…)
Fidéliser.
- Proposer au public de choisir le prochain film en votant parmi une sélection.
- Proposer des temps de convivialité autour d’un café (penser à les prévenir pour adapter les horaires des transports adaptés).
- Écouter leur ressenti après le film.
Périodicité de l'action :
1 fois par mois.
Moyens humains et techniques :
- 2 agents de la bibliothèque, 1 régisseur.
- Matériel de projection : vidéo projecteur, lecteur DVD Blu-ray.
- Fonds de DVD en audiodescription.
- 1 salle de projection type auditorium.
- Partenariats avec des diffuseurs : Swank Films, Adav Europe, Inter Film.
Résultat et perspective :
Nous avons commencé avec une trentaine de spectateurs par film en projetant des films audiodécrits par l’AVH (Association Valentin Haüy). Le catalogue était plutôt restreint à l’époque (une centaine de films en 2009). Le bouche à oreille et la communication commune avec les associations ont porté leurs fruits et de plus en plus de personnes sont venues. Nous sommes vite passés à une cinquantaine d’usagers par film.
Nous avons élargi notre catalogue en proposant des films de notre fonds de DVD (ayant commencé en 2010, il y avait peu de productions en AD contrairement à aujourd’hui). En plus des usagers déficients visuels, des spectateurs voyants se sont greffés aux séances mensuelles. Ravis de découvrir ce dispositif, qui finalement, intéresse tous les publics, surtout lorsqu’il est de qualité.
Depuis, nous tournons aux alentours de 70 personnes par film avec des pics récurrents allant jusqu’à 120 personnes pour certains films. Que ce soient des films populaires à succès comme Intouchables ou encore Le grand bain, ou des films plus dramatiques comme Lion ou Notre-Dame brûle.
Pour fidéliser le public, nous écoutons leurs demandes de choix de films mais nous tenons à apporter notre expertise pour leur faire découvrir d’autres genres de films et élargir leur culture cinématographique (car si nous les écoutons, ils ne veulent que des comédies). Nous proposons également au public de voter parmi plusieurs films pour être acteur de la programmation.
Enfin, nous proposons de temps en temps, des temps de convivialité autour d’une collation après les projections (en précisant les horaires de fin pour les transports adaptés). Cela permet d’échanger sur l’année écoulée et de constater des échecs et des succès.
Nous tenons à faire découvrir d’autres types de formats de films : des documentaires comme Carré 35, des films d’animation comme Les démons d’argile, et des courts-métrages grâce aux films du blackmaria (kit proposé gratuitement aux bibliothèques, l’un porte sur les LGBT et l’autre sur le handicap). Nous proposons des thèmes et des formats différents pour cultiver l’intérêt du spectateur autour du cinéma.
Nous avons fait venir une audiodescriptrice professionnelle, qui a interprété en direct un documentaire en audiodescription et qui a ensuite animé un atelier de découverte autour de l’audiodescription. Pour, justement, éveiller le regard sur la qualité descriptive.
Nous faisons également venir des animateurs (par exemple, le pôle régional d’éducation à l’image de la région Grand Est) sur des séances spéciales dans le cadre de notre quinzaine « handicap ». Cela permet de susciter le débat, sensibiliser les publics et parler du handicap.
Mais attention, ne pas diffuser trop de films parlant de handicap. Les usagers souhaitent se divertir, lâcher prise et ne sont pas forcément intéressés par des films qui leur rappellent leur quotidien.
Dans le futur, nous souhaitons proposer à nouveau un atelier de découverte autour de l’audiodescription. Introduire des teasers avant les projections pour sensibiliser au handicap. Un peu comme des bandes-annonces au cinéma. Par exemple, avec les films courts du kit du Blackmaria.
Publié le 17/09/2024
- CC BY-SA 4.0