Des chats à la bibliothèque : pourquoi, comment ?
Partage d’expérience de la médiathèque Françoise Sagan

Certaines bibliothèques, confrontées à des invasions de souris, optent pour la technique la plus ancestrale qui soit pour s’en débarrasser : le chat. Des bibliothécaires de la Bpi ont interrogé Philippe Colomb, directeur adjoint de la médiathèque Françoise Sagan lorsque celle-ci a commencé à expérimenter la méthode, avec l’appui de la Ville de Paris en 2018.

On parle plus souvent de « rat de bibliothèque » (rendez-vous sur Eurekoi pour tout savoir sur l’origine de cette expression) que de souris. Pourtant, si les deux aiment grignoter les livres, les secondes sont plus fréquentes en bibliothèques. Lorsqu’elles pointent le bout de leur museau, il est bien difficile de s’en débarrasser et elles peuvent engendrer des dommages sans commune mesure avec leur petite taille : elles abîment le papier, rongent les câbles électriques, se faufilent partout, nichent dans les endroits les plus improbables, sans compter les maladies et parasites qu’elles transportent avec elles…

Chats de la médiathèque Françoise Sagan
@Philippe Colomb

Quels périmètres et quelles tranches horaires sont autorisés aux chats dans la médiathèque ?

Les chats circulent principalement dans les espaces internes, les bureaux, etc. Pendant les fermetures au public liées à la crise sanitaire, nous les avons laissés un peu plus circuler sur les plateaux publics, puis nous avons arrêté. Il semble que leur présence dans les espaces internes suffit à éloigner les souris. Pour des raisons d’alarme, ils restent la nuit dans un espace plus réduit, ce qui oblige à organiser tous les soirs leur rapatriement avant la fermeture de l’établissement. C’était un petit sujet de préoccupation (va-t’on les retrouver ? vont-ils se cacher ?…) mais finalement les chats se sont habitués.

Quels sont les arguments qui ont amené la hiérarchie à donner un avis favorable ?

Le principal argument a été l’échec de toutes les autres méthodes mises en œuvre pour lutter contre les souris (pièges, poison, etc.). Finalement, la présence de chats est moins onéreuse (même si elle est loin d’être gratuite) que la dératisation sous-traitée.

L’arrivée des chats a-t-elle suscité des réticences dans les équipes ? Si oui, comment ont-elles été apaisées ?

Il n’y a pas eu de réticence particulière parce qu’il y avait un épuisement par rapport à la prolifération des souris et l’impression « qu’on ne s’en sortirait jamais ». Même les collègues a priori allergiques ou phobiques ont vu l’arrivée des chats comme une libération !

Nous avons essayé d’être très attentifs aux réticences qui se sont exprimées tout de même et de trouver des solutions pragmatiques pour les dépasser (fauteuils et espaces « interdits aux chats » par exemple).

Quel est le budget annuel et existe-t-il une ligne budgétaire spécifique ?

C’est une question difficile. Nous avions passé une sorte de convention avec une vétérinaire du quartier qui, à la base, nous fournissait tout (soins, croquettes, litière…). C’était plus pratique (un seul fournisseur à créer) mais ça s’est avéré très cher et nous avons ensuite essayé d’acheter la litière et les croquettes au supermarché, ce qui n’est pas toujours simple.

Quant au budget annuel, je dirais qu’il est en gros 20 ou 30% supérieur à celui de l’entretien d’un chat par un particulier, notamment parce que la gestion collective de la litière aboutit presque mécaniquement à une surconsommation !

Chat sur un bureau

Comment s’organise le planning de soin des chats (changer la litière, les nourrir, etc) ?

Nous avons créé un groupe transverse avec un planning autogéré, avec quelques collègues très impliqués. Nous avons eu la chance que les gardiens du site acceptent de s’occuper des chats pendant les périodes de fermeture, notamment pendant le confinement. C’est vraiment un point important à prendre en compte : que se passe-t-il pour les chats en cas de fermeture prolongée de l’établissement ?

D’autre part, il faut aussi responsabiliser les collègues sur la question de l’évacuation des chats en cas d’alarme incendie. Les paniers de transport sont toujours disponibles pour pouvoir éventuellement les utiliser pour faire sortir les chats en sécurité. (NB : ils détestent les alarmes !)

Comment avez-vous choisi les chats ? Comment saviez-vous qu’ils seraient de bons chasseurs ?

C’est la vétérinaire qui les a trouvés par des connaissances à la campagne (ce qui nous laissait la possibilité de les rendre si jamais l’expérience s’avérait ratée !) Ils n’étaient pas particulièrement bons chasseurs mais apparemment ce n’est pas grave : leur seule présence suffit à éloigner les rongeurs.

As-tu perçu un changement d’ambiance dans les équipes avec la venue des chats (sérénité, solidarité, etc…) ?

Philippe Colomb : Pas plus que ça, hélas, mais ils sont devenus très importants pour un certain nombre de collègues qui prennent tous les jours un peu de temps pour les câliner et s’apaiser avec eux. En tous cas, toute l’équipe semblait trouver ça cool de pouvoir dire qu’on avait des chats et c’était devenu un petit marqueur identitaire de la bibliothèque. Au départ, nous pensions utiliser aussi les chats comme vecteur de communication autour de la bibliothèque sur Instagram et Facebook, mais nous ne l’avons pas vraiment fait parce que cela posait des questions de validation propres à la Ville de Paris.

En conclusion, je ne peux que vous inciter à vous lancer dans un projet similaire qui est vraiment intéressant et stimulant à mettre en place. C’est tout de même un bonheur à chaque fois renouvelé de croiser les chats dans l’escalier ou endormis sur une pile de carton…

N.B. : Quatre ans après le début de cette expérimentation, les souris ne sont pas revenues à la médiathèque donc cela peut être considéré comme un succès. Toutefois, l’équipe actuelle souligne le poids que représente l’entretien des chats sur la durée, et surtout la dimension affective importante. L’accueil d’un animal dans une équipe est loin d’être anodin émotionnellement, lorsque l’animal rencontre un problème de santé par exemple.

Enfin, la présence des chats en bibliothèques s’inscrit dans une longue histoire et partout dans le monde, comme l’indique la Library Cats map. Entre les chats chasseurs, les chauve-souris, qui protègent les collections patrimoniales de bibliothèques au Portugal ou les chiens d’accompagnement social, animaux (désirables) et bibliothèques font finalement bon ménage…

Publié le 08/08/2023 - CC BY-SA 4.0

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kerambellec
kerambellec
1 année il y a

excellente initiative bravo !

maneglier amélie
maneglier amélie
1 année il y a

Super Idée !!