La Bibliothèque musicale inclusive
Les Rencontres Nationales de l'ACIM 2016

Les Rencontres Nationales des Bibliothécaires Musicaux 2016 organisées par l’Association pour la Coopération des Professionnels de l’Information Musicale (ACIM) ont eu lieu les 14 et 15 mars à Clermont Ferrand. Elles avaient pour thème « La Bibliothèque musicale inclusive : mieux accueillir les nouvelles générations et les publics éloignés de la culture dans les territoires. Quels nouveaux modèles ? ». Une série de rencontres, tables rondes et ateliers ont permis des débats théoriques et des échanges d’expériences fructueux. Les rencontres ont aussi été l’occasion de renouveler le bureau et le conseil d’administration de l’ACIM. 

Le thème de l’inclusion était au cœur des 17ème Rencontres Nationales des Bibliothécaires Musicaux (RNBM) : comment, en théorie et en actes, donner leur place à tous les publics ? Comment introduire en bibliothèque des pratiques participatives qui permettent l’implication de tous dans la constitution des collections, la conception et la mise en œuvre de services ? Comment opérer la transition d’une bibliothèque classique à une bibliothèque participative où, selon les mots de Sary Feldman, présidente de l’American Library Association (ALA), « nous devons moins nous préoccuper de ce que nous avons (les collections) que de ce que nous pouvons faire avec et pour nos usagers » ? Tout cela dans le contexte des bibliothèques musicales.
Une série de conférences, de tables rondes et d’ateliers ont permis d’alimenter la réflexion ainsi que des échanges d’expériences d’une grande richesse entre les 150 participants des rencontres. ème Rencontres Nationales des Bibliothécaires Musicaux (RNBM) : comment, en théorie et en actes, donner leur place à tous les publics ? Comment introduire en bibliothèque des pratiques participatives qui permettent l’implication de tous dans la constitution des collections, la conception et la mise en œuvre de services ? Comment opérer la transition d’une bibliothèque classique à une bibliothèque participative où, selon les mots de Sary Feldman, présidente de l’American Library Association (ALA), « nous devons moins nous préoccuper de ce que nous avons (les collections) que de ce que nous pouvons faire avec et pour nos usagers » ? Tout cela dans le contexte des bibliothèques musicales.

Le compte rendu complet des rencontres est consultable sur le site de l’ACIM, ici, avec les présentation des différents intervenants et les enregistrement des débats et des ateliers.

La Bpi a contribué à ces journées à travers une réflexion sur l’accueil des nouvelles générations en bibliothèque musicale, traitée en deux temps : une table ronde puis un atelier. 

Mieux accueillir les nouvelles générations : table ronde

En introduction à la table ronde, Pascal Desfarge insiste sur la nécessité d’inventer une nouvelle manière de concevoir les services en partant du point de vue de l’usager. Il y a encore peu d’outils pour cela, une des méthodes qui sera présentée dans le cadre de la table ronde est le Design Thinking : étudier les usages et créer des prototypes pour les tester de manière empirique.
 
Claire Hannequart, sociologue, présente les résultats de son enquête sur le rapport des jeunes à la musique à l’ère numérique.
Réalisée sur 2 200 jeunes des Pays de Loire, l’enquête analyse les pratiques et les modèles d’écoute de la musique des 12-19 ans et permet de mettre en lumière un certain nombre de données significatives : 
– L’évolution de goûts musicaux : Le Hip Hop est le genre musical préféré des jeunes : 47% déclarent aimer ce style, suivi par la pop et le RnB (42%). A l’inverse, le métal et le la musique classique comptent parmi les genres les plus fréquemment « détestés ».  L’enquête révèle également un rapport plus « omnivore » à la musique. Les jeunes générations apprécient différents styles. La classification par genres habituellement utilisée semble peu pertinente : les jeunes passent d’un genre à l’autre plus en fonction d’affinités thématiques (de Brassens au rap au rock français, par exemple, pour leur côté engagé).
– L’évolution des supports d’écoute, par ordre décroissant : le téléphone portable, l’ordinnateur, la radio, la télévision, le lecteur MP3, la chaîne Hi Fi.
– L’importance du téléchargement : 86% des jeunes téléchargent de la musique.
– Le phénomène You Tube : 98% des jeunes déclarent écouter de la musique sur cette plateforme de vidéo en ligne, suivie de Deezer, Facebook et Spotify. Cependant il faut souligner l’extrême rapidité de l’évolution des outils d’écoute en streaming : MySpace, incontournable il y a 10 ans, n’est plus du tout utilisé aujourd’hui.
Le numérique permet une démocratisation de la musique et une diversification des écoutes dans toutes les classes sociales.
L’écoute de musique est en hausse : 81% des jeunes écoutent au moins 1h de musique par jour.
Les sorties musicales : 14% des jeunes se rendent au moins une fois par an à un concert.
Une pratique inquiétante semble se répandre : s’endormir en musique, avec les risques auditifs que cela représente. Design Thinking : étudier les usages et créer des prototypes pour les tester de manière empirique.

Thibault Christophe expose ensuite un certain nombre de résultats de sa thèse sur « Les pratiques d’écoutes musicales des adolescents en régime numérique. » Il aborde en particulier la question du téléchargement illégal chez les jeunes, massivement pratiqué, souvent dans une totale ignorance des règles (la simplicité et l’effet de masse fait qu’ils ne s’imaginent pas être dans l’illégalité. Beaucoup ignorent l’existence de la loi Hadopi). Pour les jeunes, le numérique diffuse l’idée de la gratuité : on ne souhaite pas posséder un objet musical, mais y accéder.
Il souligne également l’abolition des frontières entre genres musicaux déjà évoquée plus haut, phénomène renforcé par l’habitude de créer des playlist adaptée à chaque moment de la vie (pour courir, pour dormir, pour étudier, pour danser, etc).

Marion Loire présente ensuite le Service Nouvelle Génération de la Bpi : ouvert fin 2013, le service a été créé dans l’idée de proposer au public principalement composé de jeunes adultes de la Bpi de nouvelles collections et services qui prennent en compte l’ensemble des pratiques culturelles des nouvelles générations, dans un perspective transmédiatique et participative : découvrir les coulisses de la culture et des arts, acquérir des savoirs-faire en plus des savoirs. 

Enfin, Nicolas Beudon, conservateur de bibliothèques, auteur du blog Le Recueil Factice et coordinateur de la traduction du kit «Le design thinking en bibliothèque », présente les grands principes de cette méthode de conception de services : l’idée est de partir des usages, de les observer, de les questionner pour produire des idées (idéation), puis de revenir vers l’usager pour créer des prototypes et les tester (itération). L’exemple des Biblioremix est cité. 

Mieux accueillir les nouvelles générations : atelier

La table ronde est suivie d’un atelier sur la même thématique, animé par Dominique Auer et Amandine Minnard, qui permet aux participants de croiser idées et expériences d’accueil des jeunes générations en bibliothèque musicale. Il est précisé en début d’atelier que par nouvelles génération on entend en gros les 15-25 ans, et que le débat est centré sur les bibliothèques musicales, même s’il peut être élargi aux bibliothèques en général. Voici les questions soulevées et débattues :

  • Comment connaître et faire venir les publics non usagers ?
  • Comment faire savoir à ceux qui ne viennent pas qu’il y a quelque chose pour eux ?
  • Comment communiquer ? Notamment sur les réseaux sociaux ?
  • Doit-on parler de lecteurs, d’usagers ou de clients ?
  • Quelle image les nouvelles générations ont-elles des bibliothèques musicales et des bibliothèques en général ?
  • Quelle représentation les bibliothécaires ont-ils de leurs propres institutions ? N’a-t-on pas une vision élitiste de nos institutions ?
  • Quelle représentation pour les genres les plus écoutés par les nouvelles générations dans les bibliothèques ?
  • Quels liens, partenariats, complémentarités avec les autres institutions musicales du territoire ?
  • Quelle présence des 14-19 ans dans les bibliothèques ? Pourquoi ?
  • Les 15-25 sont-ils vraiment si absents des médiathèques ? Sont-ils plus absents que les autres catégories ? Nos instruments de mesure sont-ils adaptés aux usages de la bibliothèque par ces publics ?
  • Les ados vont-ils dans les espaces qui leurs sont destinés ? Ne faut-il pas décloisonner et faire cohabiter les usages ?

Plusieurs expériences sont évoquées, avec éventuellement les détournements réussis que le public en fait et qu’il faut accueillir et aménager quand cela est possible : des concerts de rocks ou d’autres genres musicaux, l’installation d’une sono dans les rayonnages, l’usage des pianos avec casque ou sans casque, le prêt d’instruments qui finissent par être utilisés par des groupes au sein même de la bibliothèque, etc.
L’importance des lieux, du bâtiment, de sa configuration, de son confort, et la qualité de l’accueil est soulignée, de même que celle d’écouter les usagers, de les laisser s’approprier les espaces et les services, faire leurs propositions, afin que tout ne soit pas défini et imposé « d’en haut ». L’importance des partenariats (avec d’autres institutions, des associations, etc.) est également mise en avant. : programmer des activités dans le cadre de manifestations culturelles plus larges, la semaine de l’étudiant, des festivals, qui apportent des avantages en terme de communication et de mutualisation des publics. L’exemple du partenariat de la Médiathèque de Toulouse avec le festival des siestes électroniques est cité.
La possibilité d’exploiter les potentiels des communautés déjà constituées en leur offrant des espaces, des services, une place au sein de nos institutions est évoquée, notamment à travers l’exemple de l’accueil de la nuite de lancement du Nanowrimo 2015 à la Bpi ou l’accueil de youtubers aux Champs libres de Rennes.
L’idée qu’il est nécessaire d’impliquer les publics pour offrir des services adaptés est également centrale : le travail de médiation est fondamental, mais les jeunes eux-mêmes font et souhaitent faire de la médiation (youtubers, etc.). Quels créneaux la médiathèque réserve-t-elle à ces activités ?
Faire de l’inclusion est aussi inclure cette capacité de faire de la médiation.
L’exemple d’un groupe de 10-13 ans ayant proposé d’organiser des sessions de jeux vidéo dans une médiathèque est cité. Ils y ont réalisé avec succès l’ensemble des étapes, de la conception des sessions à la production en passant par la communication et la médiation, encadrés par les bibliothécaires
Apparaît l’idée qu’il faut ouvrir sur la co création, faire de la bibliothèque non plus seulement un lieu de consommation mais aussi de création de la culture.
L’exemple des cercles d’auditeurs et de lecteurs des médiathèques de Lyon est cité : un cercle d’auditeurs co construit le fonds et la programmation culturelle autour de la musique, et un cercle de lecteurs adolescent est pourvu d’un budget et achète des mangas pour la bibliothèque. Cela fonctionne très bien et est en projet la création d’un cercle d’auditeurs adolescents pour acheter des CD.
Cette expérience inclusive et participative est une bonne manière de se rendre compte si on est « dans les clous » par rapport aux attentes du public
Le débat se porte également sur la cohabitation des pratiques, des supports, des usages et des publics (réguliers, occasionnels) et l’importance d’offrir une place à tous.
Au final, cette réflexion sur l’accueil des jeunes générations aura permis un échange riches entre les participants.

L’ensemble des débats peut être réécouté ici ici

Publié le 08/04/2016 - CC BY-SA 4.0

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