Compte rendu de la Biennale du numérique 2019 organisée à l’Enssib : « Le web : vers une convergence des normes, formats, données ? »
Par Nola N'Diaye, élève conservateur, Enssib

La 5ème édition de la Biennale du numérique s’est tenue à l’Enssib les 18 et 19 novembre 2019. Plus de 400 participants se sont assemblés autour de l’ensemble des acteurs du livre.

Nathalie Marcerou-Ramel, directrice de l’Enssib, a introduit la journée en  définissant le terme de « convergence ». Converger, c’est tendre vers un même but. La convergence, c’est intégrer des signaux avec des provenances diverses. Or le Web, par nature, appelle ces convergences. Comment les acteurs du livre s’organisent-ils pour être présents sur le Web, dans un monde où la présence en ligne est essentielle pour tout acteur du monde de l’information ?

La convergence par le Web: un enjeu d’interopérabilité

Photographie du support présentant la modélisation comme outil d'interopérabilité
© Nola N’Diaye

La conférence introductive de Philippe Bourdenet, ingénieur DSI  à l’université du Mans,  a permis de dessiner les grands thèmes de cette journée où de nombreux enjeux en termes d’ingénierie documentaire sont à l’oeuvre, et ce, à plusieurs niveaux.

Philippe Bourdenet distingue trois niveaux techniques d’interopérabilité : les jeux de métadonnées dotées de leurs identifiants, le cadre générique d’implémentation dans des langages structurés standardisés et les protocoles d’échanges de ces données normalisées. En 2008,  le rapport dit « Patino » consacré au livre numérique évoquait déjà l’interopérabilité comme une clef de la réussite, en appelant à une convergence des corporations impliquées et des pratiques.
Le Web, dont les caractéristiques (ubiquité, technicité, volatilité, destructuration du document, masse, transversalité) ont été rappelées par Emmanuelle Bermès, adjointe scientifique et technique au Directeur des services et des réseaux de la BnF, bouleverse les besoins, les services et les pratiques. La donnée est de plus en plus ouverte, diffusée dans des modèles standardisés et enrichie par des acteurs multiples, que ce soit dans l’édition, dans les  bibliothèques,  ou dans  le monde de la librairie. Afin de retrouver ces données, indiquer leur provenance et leur assurer une qualité, la question des identifiants est indispensable comme l’a souligné David Aymonin, directeur de l’Abes. En effet, au vu de la place qu’occupent maintenant les identifiants dans la vie du chercheur, l’enjeu est désormais de rendre ces derniers ouverts et accessibles. S’il est essentiel de fournir des données identifiées et de qualité, Frédérique Joannic-Seta, directrice du département des Métadonnées à la BnF, souligne qu’il faut aussi les diffuser là où l’utilisateur se trouve, c’est à dire sur le Web.

phtographie d'un support de présentation schématisant l'interopérabilité
© Nola N’Diaye

Partir des usages pour imaginer de nouveaux services: un autre point de convergence

Le Web de données et le rapport de force qu’il a imposé aux professionnels du monde de l’information a permis  d’adopter une approche utilisateur et d’imaginer des points d’accès uniques et simplifiés en lien avec ce nouveau paradigme. De nombreux exemples ont pu être présentés tout au long de ces deux jours.
Ainsi à l’INA a émergé la notion d’archive convergée : archive télévisée et archive internet se complètent  selon une chronologie commune. A la BnF, le portail data.bnf, créé en 2011, présenté par Tiphaine Foucher, est un agrégateur unique qui ne pourrait exister sans convergence des identifiants, car il est lié à de nombreux autres producteurs de données, notamment Wikidata. Le réseau Mir@bel quant à lui, fort de 55 partenaires issus du monde de la bibliothèque et de la documentation, propose un portail unique donnant accès à plus de 6700 revues.
Ces enjeux d’accessibilité,  se retrouvent du côté de l’Abes, avec la base BACON-Base de Connaissance nationale. Cet entrepôt de métadonnées de référence a pour vocation d’optimiser le signalement et l’accès aux ressources électroniques, aussi bien pour les bibliothèques que les libraires et les éditeurs.
Pour les librairies, nous pouvons citer le portail leslibraires.fr, portail de la librairie indépendante ou encore l’outil de sur-diffusion et réseau social Edelweiss.
Dans le monde de l’édition, là aussi l’enjeu est à la visibilité et à l’accès unifié. Ont été présentés les portails cairn.info, OpenEdition et enfin le portail data.persee, ouvert en 2017, et véritable outil d’exploration complémentaire par les métadonnées de Persée.fr. L’accessibilité pour les publics empêchés a également été abordée avec la présentation de Fernando Punto Da Silva consacrée au travail réalisé par l’association BrailleNet.
Enfin, du côté des données, la Transition bibliographique, présentée par Françoise Leresche et Frédérique Joannic-Seta, de la BnF, ainsi que Claire Toussaint, de Médiat Rhône-Alpes, incarne la réponse des bibliothèques face à la nécessaire présence sur le Web. Abordée en rappelant les objectifs fonctionnels de la Transition bibliographique (aider l’utilisateur à trouver, identifier, contextualiser et explorer), cette approche fondée sur les liens permet de créer un nouveau point d’entrée et de renouer avec un objectif fondamental de nos métiers : donner accès de manière directe et simplifiée à l’information.

Photographie du support de présentation avec le groupe d'éditeurs francophones en lien avec bacon
© Nola N’Diaye

De nouvelles convergences à imaginer

Autre convergence soulignée par Philippe Bourdenet, la mutation globale des métiers face au Web. De nouvelles compétences sont désormais requises, notamment pour le bibliothécaire. Il doit être un intermédiaire dans l’usage des nouveaux outils, forger des métadonnées dans un espace numérique, manipuler de nouveaux médias et s’ouvrir davantage à d’autres secteurs d’activité. Ainsi, le web de données pousse les professionnels de l’information dans leurs retranchements : il faut préserver notre voix face aux enjeux économiques. Par l’ouverture, les potentialités sont multiples en termes d’innovations technologiques et de mise en place de nouveaux services, ainsi que l’a montré la conférence sur l’intelligence artificielle de Seth Van Hooland, professeur associé à l’Université Libre de Bruxelles.
Si la convergence existe au niveau des formats et des outils, elle n’est en revanche pas encore complètement opérationnelle du côté des bases et des pratiques. David Aymonin a regretté que les acteurs publics, nationaux et locaux,  acquièrent séparément les mêmes données aux mêmes fournisseurs.
De nouvelles convergences sont donc encore à imaginer. Le prix de l’innovation numérique en bibliothèque 2019 en est un bel exemple, notamment pour la convergence territoriale. Il a en effet été remis au portail Limedia.fr, porté par le Sillon Lorrain et les réseaux de bibliothèques des villes de Nancy, Epinal, Thionville et Metz.

Photographie en pied du professeur Seth van Hooland lors de sa conférence sur l'intelligence artificielle
© Nola N’Diaye, Seth van Hooland lors
de sa conférence sur l’intelligence artificielle 

Les enregistrements de la journée sont en ligne sur le site de l’Enssib.

Publié le 09/01/2020 - CC BY-SA 4.0

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