De cendres et de braises
De Manon Ott

Sortie en salles le mercredi 25 septembre

Portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De Cendres et de Braises nous invite à écouter les paroles des habitants des cités des Mureaux, près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève sur d’autres lendemains possibles.


©TS Production – Flamme – DOCKS 66 – 2018

L’Avis de la bibliothécaire

« Au bout du petit matin, cette ville plate, étalée »

De minuscules étincelles dévalent lentement une pente et trouent le noir de l’écran puis l’image suivante enchaine sur  les scintillements des lumières de la ville des Mureaux  dans la nuit noire. Tourné en noir et blanc, « De Cendres et de braises » est le fruit d’un travail de recherches. La réalisatrice Manon Ott est cinéaste et chercheuse en sciences sociales et en cinéma. Après s’être immergée dans la ville plusieurs années durant, y avoir habité un an, elle a construit le film avec les habitants.
La banlieue va rester enveloppée dans la nuit presque tout au long du film.  Flammes, étincelles, bougie, lanternes volantes percent l’obscurité, et accompagnent tout au long les récits. Chaque moment a sa lumière : les feux et les flammes des palettes des grévistes de 68, la bougie sur la table éclairant les photographies de deux militants, au pied d’un immeuble, les braises et la fumée de barbecues improvisés par des ouvriers retraités , sur une hauteur de la ville, le feu qu’un homme à la recherche de solitude attise avec volupté.
La banlieue va rester enveloppée dans la nuit presque tout au long du film.  Flammes, étincelles, bougie, lanternes volantes percent l’obscurité, et accompagnent tout au long les récits. Chaque moment a sa lumière : les feux et les flammes des palettes des grévistes de 68, la bougie sur la table éclairant les photographies de deux militants, au pied d’un immeuble, les braises et la fumée de barbecues improvisés par des ouvriers retraités , sur une hauteur de la ville, le feu qu’un homme à la recherche de solitude attise avec volupté.

La ville a son histoire liée à celle de l’usine Renault-Flins à peine à quelques kilomètres. L’extrait du film de Jean-Pierre Thorn, « Oser lutter, oser vaincre – Flins 68 », est là pour nous le rappeler. Ensuite, le film passe à l’entrée, de nos jours, des ouvriers chez Renault. Pas de passage à la couleur pour signaler le retour au présent, les hommes, pressés, dépassent le syndicaliste au micro  dénonçant  les 1500 emplois précaires de l’usine et réclamant leur embauche en CDI. On le voit, la lutte continue.

Aux souvenirs des militants et ouvriers retraités vient s’ajouter la parole de leurs enfants, maintenant de jeunes adultes. Ils cherchent un avenir, en évitant si possible l’usine. Les récits de vie, les rêves confiés de chacun dessinent un portrait choral : Yannick, ou Yezy OG  le rappeur, cite un poème d’Aimé Césaire, Fabienne et Jamaa ex-militants se souviennent, Antoinette parle d’amour, Momo ancien braqueur de Marx …
La nuit s’écoule, parfois l’objectif de la caméra fixe les façades où des fenêtres éclairées laissent entrevoir une silhouette. Une ville ne dort jamais tout à fait. Si la cendre est la trace de quelque chose de disparu, la braise, elle, peut se rallumer. Les histoires et trajectoires de vie de ces habitants des Mureaux sont pleines d’énergie, une énergie qui attend son heure.
Le jour se lève à nouveau, Yannick le veilleur de nuit, regarde la ville. Les mots de Aimé Césaire nous reviennent à l’esprit : « Au bout du petit matin, cette ville plate, étalée… Et dans cette ville inerte, cette foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri comme cette ville à côté de son mouvement, de son sens, sans inquiétude, à côté de son vrai cri, le seul qu’on eût voulu l’entendre crier parce qu’on le sent sien lui seul ; parce qu’on le sent habiter en elle dans quelque refuge profond d’ombre et d’orgueil, dans cette ville inerte, cette foule à côté de son cri de faim, de misère, de révolte, de haine, cette foule si étrangement bavarde et muette. » *
La nuit s’écoule, parfois l’objectif de la caméra fixe les façades où des fenêtres éclairées laissent entrevoir une silhouette. Une ville ne dort jamais tout à fait. Si la cendre est la trace de quelque chose de disparu, la braise, elle, peut se rallumer. Les histoires et trajectoires de vie de ces habitants des Mureaux sont pleines d’énergie, une énergie qui attend son heure.
Le jour se lève à nouveau, Yannick le veilleur de nuit, regarde la ville. Les mots de Aimé Césaire nous reviennent à l’esprit : « Au bout du petit matin, cette ville plate, étalée… Et dans cette ville inerte, cette foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri comme cette ville à côté de son mouvement, de son sens, sans inquiétude, à côté de son vrai cri, le seul qu’on eût voulu l’entendre crier parce qu’on le sent sien lui seul ; parce qu’on le sent habiter en elle dans quelque refuge profond d’ombre et d’orgueil, dans cette ville inerte, cette foule à côté de son cri de faim, de misère, de révolte, de haine, cette foule si étrangement bavarde et muette. » *

*Aimé Césaire  – Cahier d’un retour au pays natal*Aimé Césaire  – Cahier d’un retour au pays natal

Rappel

De cendres et de braises de Manon Ott en collaboration avec Grégory Cohen
Production : TS Productions et Flamme en coproduction avec CNRS Images – durée : 1 heure 13 min. Image : noir et blanc – 2018
Distribution : DOCKS 66
Distinctions : Prix du Jury au Festival Les Ecrans documentaires 2018 – Prix de la restitution du travail contemporain au Festival Filmer le travail 2019.  
 

Publié le 20/09/2019 - CC BY-SA 4.0

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