Appartient au dossier : Confinement : comment certains établissements s’organisent après la fermeture

La gestion de la crise Covid-19 dans les médiathèques et l’Eurométropole de Strasbourg
par Anna Marcuzzi, directrice

Anna Marcuzzi répond en 4 points sur la manière dont s’organise le réseau des médiathèques de son territoire  en cette période de confinement.

 

portrait des membes du cordi
Les membres du Codir en visio-conférence le 24 mars 2020

Pour donner une image juste de nos conditions de travail et de dialogue actuels,  nous avons choisi d’illustrer les réponses ci-dessous avec une copie d’écran de notre échange par un outil de vio-conférence, Zoom.
Voici les noms et les fonctions de chacun et chacune de haut en bas et de gauche à droite :

  • Myriam Hamissi/ Responsable du Département Ressources
  • Bertille Détrie /Responsable du Département Médiation et Communication
  • Philippe Mignard /Responsable du Réseau Ville de Strasbourg
  • Arsène Ott /Responsable de la Médiathèque André Malraux et du réseau de l’Eurométropole
  • Anna Marcuzzi/ Directrice des Médiathèques de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg
  • Florence Billot /Responsable du Département Evaluation et Système d’Information
  • Julia Delvo /Responsable des Ressources Humaines (in le Département Ressources)

Peux-tu nous décrire la structure dans laquelle tu travailles ? 

Je suis actuellement Directrice des Médiathèques de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, un réseau de Lecture Publique de 12 établissements (8 établissements Ville de Strasbourg + 1 Bibliobus également Ville de Strasbourg et 3 équipements Eurométropolitain, dont la tête de réseau, la Médiathèque Malraux).

Par ailleurs, nous sommes actuellement en phase de préparation de l’Avant Projet Sommaire  pour le 4ème équipement Eurométropolitain, la Médiathèque Nord qui achèvera de mailler le territoire de l’Eurométropole par des Médiathèques dites de Bassins de vie, dossier qui est -de fait- en train de prendre du retard sur le calendrier prévu, ce qu’il nous faut gérer également.

Nous accueillons environ 4000 personnes par jour en moyenne dans nos établissements.

Soulignons enfin le fait que nous sommes aussi en communauté de destin avec toutes les autres bibliothèques du Territoire de l’Eurométropole qui, si elles sont bien restées sous la compétence de leurs communes, ont toutes rejoint le réseau Pass’relle qui nous unit à travers une carte unique et donc pour les usagers la possibilité d’emprunter des documents dans 33 établissements.
Cerise sur le gâteau : nous avons également intégré à ce réseau la StadBibliothek de Kehl, notre voisine Allemande, depuis un peu plus d’un an. Un dossier compliqué sur le plan juridique mais très fort sur le plan symbolique dans notre Région.

Le réseau Ville et Eurométropole (c’est-à-dire 12 établissements que je dirige directement via les deux tutelles) est composé d’un peu plus de 260 agents, auxquels il faut rajouter une quarantaine de vacataires.

Actuellement, quelles sont les urgences organisationnelles et humaines auxquelles tu dois répondre ? Si du télétravail est mis en place, cela pose-t-il des difficultés ? Quelles sont les autres complexités auxquelles tu dois faire face ?

Tout d’abord, je crois que vous avez employé, dans votre question, les deux mots les plus importants face à la situation inédite que nous vivons : humain et organisation. Le début de la crise a correspondu, dans notre collectivité, à deux phases séparées d’à peine une journée : la mise en place d’une fermeture au public (obtenue rapidement le vendredi en fin d’après-midi) mais avec l’idée que les agents puissent venir travailler sur place dès le lendemain et enfin le confinement à domicile, qui balayait donc ipso facto toutes les tâches que nous avions -comme tous les bibliothécaires de France- rêvé de faire en étant dans nos établissements fermés au public : récolement, etc.

Dans mon esprit, l’humain et l’organisationnel sont complètement liés et plus encore dans ce cas précis : il a fallu nous organiser en ayant plus que jamais à l’esprit l’importance de l’humain et notamment des conditions de vie de nos agent.e.s, de leur santé, de leur situation familiale, de leur ressenti face aux évènements aussi.

Du point de vue organisationnel, il m’a semblé essentiel de travailler en priorité à une chaîne de transmission rapide et efficace à la fois avec ma hiérarchie, mon élue mais aussi mon équipe de Direction et d’encadrement intermédiaire. C’est nécessaire pour continuer à donner du sens à ce que nous faisons –même de manière dégradée en ce moment et il faut l’accepter- mais c’est indispensable aussi pour garder le plus possible un suivi de la situation et prendre des nouvelles de nos collègues de manière régulière.

Le management à distance me semble être là pour organiser l’activité autant que faire se peut, bien entendu, mais aussi et surtout pour maintenir ce contact avec tous, et être alertée sur d’éventuels cas douloureux, ce qui ne manque pas d’arriver, hélas, dans notre région qui est particulièrement touchée par l’épidémie de Covid19 depuis le début…

L’équipe de Direction se réunit via Skype tous les jours à 17h (mais nous allons tester un nouvel outil qui s’appelle Zoom et qui a l’air très prometteur !), à la fois pour faire le point sur nos dossiers, sur les infos qui remonteraient des agents, mais aussi sur les infos que nous recevons de notre DGS. Ce rendez-vous quotidien permet de nous mettre en ordre de marche et sur la manière de transmettre des consignes qui peuvent évoluer au jour le jour. Nous avons élargi ce point à notre Responsable RH, tant les questions RH sont, inévitablement, au coeur des problématiques actuelles.

Je crois aussi que c’est -pour moi en tous les cas- nécessaire de voir et d’entendre mon équipe rapprochée, pour maintenir le lien entre nous et, à travers eux, avec tous mes agents.

Je n’ai jamais autant remercié les outils de communications à notre disposition d’exister ! 

Au-delà de l’aspect professionnel, je suis aussi très heureuse, humainement, de les voir chaque jour. Même par écran interposé.

Le télétravail se met en place de manière organisée. Nous avons recensé (avec anticipation, ce qui nous a aidé…) les tâches télé-travaillables et nous avons passé la semaine dernière à vérifier que cela correspondait bien aux objectifs de nos cadres intermédiaires et aux capacités de chacun et chacune. La deuxième urgence, et non la moindre, c’est aussi de réussir à mettre en œuvre l’environnement technique qui peut le permettre, en lien avec la Direction des Services Informatiques (accès aux serveurs, bureaux électroniques, distribution de Token virtuels, etc). Nous sommes à la fois aidés parce que, dans une grande collectivité comme la nôtre, la force de frappe est importante, mais, a contrario, le nombre important d’agents mis en télétravail demande une implication très forte des services Ressources de la Collectivité.

Globalement, j’estime que notre Collectivité a géré et gère encore cette crise de manière exemplaire et en un temps record et que la communication interne fonctionne bien.Y compris à notre niveau puisque, par la voie hiérarchique, j’ai des nouvelles de tous mes agents quotidiennement.

Quelle communication avez-vous adoptée pour le public et quels services proposez-vous actuellement ? Quels aménagements ont-ils été nécessaires ?

Nous avons d’abord, et dans l’urgence, paré au plus pressé : informer les usagers le vendredi soir que les Médiathèques seraient fermées dès le lendemain, c’était forcément une course contre la montre, surtout sur plusieurs sites.
Nous avons donc privilégié l’information à distance dans un premier temps : portail, Réseaux Sociaux et nous avons organisé une tournée pour mettre des affiches sur les portes de tous nos établissements.
Dans un second temps, nous avons orienté notre travail vers une communication plus positive, tout d’abord pour répondre aux premières préoccupations bien légitimes de nos usagers (les prêts seront-ils prolongés ? Mon abonnement arrive à échéance, quid des réservations, etc.) avec la doctrine affirmée d’être le plus ouvert possible et d’« amnistier » tous les retards qui ne seraient pas partis en recouvrement et de prolonger les abonnements pour permettre aux usagers d’accéder aux ressources numériques.

Une des volontés de notre collectivité était de maintenir la possibilité pour le public d’avoir un contact téléphonique direct avec chaque service : nous avons donc organisé un « standard à distance » sur la base d’un roulement entre tous les cadres et nous y participons également le samedi.

A présent, notre Département Médiation et communication est au travail pour multiplier notre présence sur notre portail, sur les Réseaux sociaux et aussi au sein de notre collectivité. Nous essayons aussi de profiter de ce moment pour nous rendre visible au sein des autres services de notre collectivité, de montrer la richesse de nos ressources et nous le faisons de manière coordonnée avec la Direction de la Culture. Un padlet est d’ailleurs en cours d’élaboration.

 As-tu un conseil à partager avec les collègues bibliothécaires en ces temps particuliers ?

Je ne sais pas si c’est un conseil à proprement parler, je pense que dans des circonstances aussi exceptionnelles, chacun fait au mieux avec ce qu’il est, ce qu’il a, ce qu’il pense, ce qu’il espère… Alors mon conseil ce serait de respecter cela et de pouvoir rassurer les agent.e.s qui ne peuvent pas télétravailler par exemple –pour des raisons diverses (environnement familial, technique…), de les déculpabiliser même. Même s’ils ou elles ne sont pas en mesure de travailler actuellement, ou de travailler de manière dégradée, ce n’est pas grave et je suis sûre que cela sera profitable à notre service, d’une manière ou d’une autre, une fois cette crise passée. 

J’ai également vu passer quelques débats dans la profession concernant le fait de ne pas être considéré comme un service «essentiel » par nos collectivités, ce qui a entraîné notre fermeture. Cela a apparemment heurté certains bibliothécaires. Pas moi. A titre personnel, j’ai défendu la fermeture dès le premier jour. Dans le cas d’une crise sanitaire comme celle que nous vivons, il faut savoir lire « vital » dans « essentiel ».

Et, dans ce cas précis, je crois que notre premier devoir, en tant que bibliothécaires, en tant qu’agent.e.s du service public mais aussi tout simplement en tant qu’êtres humains, le plus important est de protéger nos agent.e.s, notre public, nos familles et nos semblables… En ce sens, la fermeture des établissements et de leurs services éventuels : boîtes de retour, « drive-in » etc, me semble une évidence.

Mais, et c’est l’espoir sur lequel je terminerai mon propos, cet engagement, mais aussi cette créativité nouvelle qui émerge dans l‘esprit de nombreux bibliothécaires à l’occasion de cette crise n’est pas perdue : à nous d’y répondre et de la développer au profit de notre public dès que nous pourrons les recevoir à nouveau dans nos établissements, ce que nous souhaitons toutes et tous !

Publié le 26/03/2020 - CC BY-SA 4.0

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