Cycle

Alain Cavalier, Ross McElwee : auto-portraits

Infos

du 09/01/2019
au 09/03/2019

« Auto-portraits » de ces deux cinéastes à l’origine d’une œuvre autobiographique de premier ordre, tout en étant aussi, si ce n’est autant, de brillants portraitistes. Alain Cavalier a en effet consacré un important pan de son œuvre à cette forme cinématographique, des années 1980 à aujourd’hui, des 24 Portraits d’Alain Cavalier (1987-1991) aux Six portraits XL (2017). Mais pour lui, il s’agit du même journal filmé : « journal ouvert » quand il s’agit d’aller à la rencontre, à l’extérieur, « fermé » lorsque le mouvement est intérieur, tourné vers lui-même, et donc plus fondamentalement autobiographique (Le Filmeur, par exemple). Si certains titres de Ross McElwee (Charleen, Space Coast et Something To Do With The Wall) répondent plus nettement au portrait, ses films autobiographiques constituent également un journal de rencontres, où portraits et autoportraits s’agencent remarquablement, dans un mouvement très fluide.
Cet entrelacs opère tout particulièrement dans Sherman’s March (1986), nouant ainsi la trajectoire des individus – dont lui – à un destin collectif.

Deux cultures cinématographiques

Si le dialogue entre ces deux « auto-portraitistes » coule de source, ce qui les différencie est aussi passionnant. Il est en effet frappant de voir combien l’un et l’autre incarnent deux cultures cinématographiques, l’une nettement française (d’un authentique américanophile), l’autre franchement américaine (d’un francophile avéré). Après avoir renoncé à partir des années 1970 aux contraintes de l’industrie du cinéma, Alain Cavalier investit toujours plus un « cinéma en chambre » ; le prosaïsme des petits riens y est, par le truchement de son art, transformé en une matière méditative et poétique. En plus du portrait, ce miniaturiste est à situer dans la tradition picturale de la nature morte ; il saisit en effet fruits et bestiaires, souvent en gros plans, dans des compositions que la voix du filmeur anime littéralement. Comme tous les grands cinéastes étasuniens, Ross McElwee est un conteur aimanté par les habitants et les figures, les espaces et les lieux, la mémoire et l’Histoire de son pays. Il s’agit d’un cinéma intime se déroulant souvent en extérieur, faisant la part belle aux paysages, avec un horizon aventureux, épique. À l’image des plus fameux romanciers américains, il accomplit cela à partir d’une terre d’élection ; la sienne est la Caroline du nord, État du Sud où reposent encore les atavismes de la ségrégation et de la Guerre de sécession. Entre Nord progressiste (le Massachusetts, où il s’est installé depuis ses études) et Sud conservateur (la terre de ses ancêtres), le personnage de cinéma Ross McElwee se tient sur cette brèche des fractures et des possibles américains.

Arnaud Hée, programmateur du cycle

Publié le