Les bibliothèques de Brest : observations sur un fonctionnement en réseau
par François Patriarche, chargé de collections et médiations au service Arts et littérature de la Bpi

François Patriarche a effectué un échange de professionnels avec Brest et a ainsi pu découvrir les bibliothèques de la ville et leur tête de réseau, la médiathèque François Mitterrand – Les Capucins.

En 2010, le projet d’aménagement d’un nouveau quartier voit le jour à Brest. La ville prévoit en effet de réhabiliter les anciens arsenaux, qui appartenaient auparavant à l’armée, pour en faire un nouveau lieu de vie et favoriser le mélange des publics entre le centre et le quartier des Capucins. C’est également dans ce lieu que la principale bibliothèque publique de la ville, la bibliothèque des Capucins, voit le jour en 2017. Il est intéressant, sept ans après, d’observer l’impact de cette ouverture sur le réseau de lecture publique de la ville.

La création d’un nouveau quartier

Le projet de la bibliothèque des Capucins de Brest repose sur un pari : déplacer la bibliothèque principale de la ville sur un ancien site industriel, à première vue légèrement excentré. L’ancienne bibliothèque se trouvait en effet en plein centre-ville. La réussite du projet dépendait donc aussi de la manière dont les Brestois allaient s’approprier l’ensemble du quartier des Capucins.

En le visitant sept ans après son ouverture, on peut constater les bénéfices évidents pour la ville. Les Brestois disposent d’un nouveau lieu, facilement accessible grâce à un téléphérique, avec des restaurants, une grande salle couverte où il est possible de pratiquer toutes sortes d’activités (rollers, danse, yoga…) et une grande bibliothèque.

S’il est vrai que ce lieu n’était pas accessible à l’ensemble des habitants par le passé, il fait pourtant partie de l’histoire de la ville : nombre des Brestois d’aujourd’hui ont des parents qui y ont travaillé. Le lieu est neuf dans sa conception mais il n’en reste pas moins riche historiquement et symboliquement.

Intérieur de la médiathèque François-Mitterrand – Les Capucins, 2017, Jérémy Kergourlay via Wikimédia Commons

Une nouvelle bibliothèque tête de réseau

La bibliothèque des Capucins est à la tête d’un réseau de huit bibliothèques. Chaque livre emprunté dans une de ces bibliothèques peut être rendu dans une autre grâce à une navette. Cinq bibliothèques de la métropole se sont ajoutées à ces bibliothèques brestoises pour former le réseau Pass média. Ce réseau permet à des habitants de villes proches comme Gouesnou, Guipavas, Le Relecq Kerhuon, Plouzané ou Guilers d’emprunter dans les bibliothèques brestoises sans frais supplémentaires. Ils doivent cependant rendre les documents où ils ont été empruntés.

Cette organisation en réseau entraîne des choix politiques, financiers, techniques et stratégiques, et d’autres bibliothèques de la métropole ont fait le choix de ne pas intégrer le réseau. Leurs usagers ne peuvent donc pas emprunter librement dans toutes les bibliothèques de la métropole brestoise.

Fédérer un réseau par le jeu

Pour redynamiser la cohésion du réseau, la ville a misé sur le jeu. Les huit bibliothèques brestoises, ainsi que des acteurs privés de la ville, comme les magasins Dialogues, ont expérimenté le jeu Uramado.

Image du jeu Image du jeu Uramado via le site de sa créatrice Julie Stephen Chheng

Le principe : des affiches grandeur nature représentant des Tanukis, esprits de la nature japonais, ont été déployées dans toute la ville. En les scannant avec son téléphone ou une tablette mise à disposition par sa bibliothèque, on pouvait collectionner ces personnages qui nous posaient chacun une question. Les réponses à ces questions étaient collectées, analysées et, une fois tous les personnages rencontrés, l’application révélait au joueur son animal totem.

Un jeu simple pour fédérer l’ensemble des acteurs de la ville en s’adressant aux plus jeunes comme aux plus âgés, et susciter un sentiment d’appartenance à l’ensemble du réseau des bibliothèques.

L’exemple de la bibliothèque de quartier de la Cavale Blanche

Pour se rendre compte de la manière dont les Brestois s’approprient leur réseau, il est intéressant de se rendre dans une petite bibliothèque de quartier. La bibliothèque de la Cavale Blanche est implantée dans une résidence située à environ trois kilomètres du centre-ville. Le fonctionnement de la bibliothèque est assuré par quatre bibliothécaires. Le public est composé principalement de familles avec enfants ou de personnes âgées qui habitent la résidence.

La bibliothèque de la Cavale Blanche est partie prenante de la vie du quartier. Par exemple, pour préparer des événements liés à la « Fête de la Nature » à la fin du mois de mai, j’ai pu assister à une réunion avec la directrice de la bibliothèque, un membre du patronage laïc (associations d’intérêt général sans visée confessionnelle) à l’origine du projet, un employé de la mairie, ainsi que des enseignants et des directeurs de centre aérés ou de crèche. Au programme : choisir les différentes activités à proposer au public parmi les propositions (une balade contée, des jeux de piste, un bal guinguette, une exposition…)

Alors que les bibliothèques de quartier ont vocation à travailler avec ce type d’associations sur des projets locaux, la bibliothèque des Capucins, elle, se concentre davantage sur des questions relevant de l’ensemble du réseau.

Le réseau brestois est ainsi constitué de contrastes et de complémentarité, entre une bibliothèque qui fédère au niveau de la ville, voire de la métropole, et des bibliothèques de proximité s’adressant aux habitants des quartiers, tout en recherchant un équilibre et une cohésion entre tous ces acteurs. Pour aller plus loin, la commission Bibliothèques en réseau de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) propose sur son blog une boîte à outils et des actualités sur les bibliothèques en réseau en France.

Publié le 11/05/2024 - CC BY-SA 4.0

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