Appartient au dossier : Sciences et bibliothèques

Fonds Sciences à la Bpi : une gestion collaborative
entretien avec Françoise Chevalier et Laure Varis de la Bpi

Bibliothèque encyclopédique et d’actualité, la Bpi met à disposition de tous les publics une collection de 400 000 documents, consultable sur place, en accès libre et gratuit. Parmi les plus consultés, le fonds Sciences se caractérise par la richesse et la pluralité de ses disciplines. Dans le cadre d’une importante opération de mise à jour de ce secteur documentaire, Françoise Chevalier, chargée de collections en sciences, et Laure Varis, chargée de politique documentaire, ont fait appel à des enseignants-chercheurs pour les aider à mener à bien l’actualisation de ces collections.

Rayon des livres de mathématiques à la Bpi
© Bpi

Quels domaines regroupe le fonds Sciences de la Bpi ?

Ce secteur regroupe les sciences dures, mathématiques, physique, chimie et les sciences de la nature. La partie consacrée aux sciences de la terre s’intéresse à la vie sur terre avant et après l’arrivée de l’homme, elle rend compte des mouvements et des transformations de la terre avec des disciplines telles la géologie, l’océanographie, la météorologie, etc. La partie consacrée aux sciences de la vie étudie les êtres vivants, comme les animaux et les végétaux, mais aussi le corps et les organismes avec la biologie cellulaire et moléculaire.

À première vue, c’est un périmètre très large, il semble y avoir un grand écart entre les mathématiques et la zoologie. Mais les mathématiques interviennent dans toutes les autres disciplines (physique, astronomie, biologie) et s’appliquent à de nombreux autres champs de la connaissance, de l’ingénierie aux sciences humaines.

Ce fonds est ainsi une mosaïque de disciplines, dont les mathématiques constituent le socle.

Quelle est la volumétrie du fonds ?

En 2023, le fonds comporte 13 421 volumes : 37 % sont consacrés aux sciences du vivant dont 13 % pour la zoologie, 18% aux mathématiques. L’astronomie et la chimie représentent la plus petite part de la collection, avec respectivement 5 et 6 % du fonds.

Quels sont les grands axes de la politique documentaire ?

La Bpi est une bibliothèque nationale de lecture publique et d’actualité. Notre charte documentaire correspond aux missions de l’établissement : encyclopédisme, actualité et référence, information et formation tout au long de la vie, multimédia. Nous proposons donc à la fois des ouvrages de référence, qui constituent le socle de chaque discipline, et des ouvrages d’actualité, qui rendent compte des révolutions scientifiques, des avancées technologiques ainsi que des mutations profondes de la société.

Quels types d’ouvrages constituent le fonds ?

En tant que bibliothèque publique au service de tous, nos collections s’adressent à des publics variés, du grand public au 1er niveau de cycle universitaire.

Le fonds comporte :

  • des textes fondateurs avec les écrits des principaux scientifiques. Ces textes sources intéressent notamment les spécialistes ou les chercheurs ;
  • des ouvrages sur les théories scientifiques et des biographies de mathématiciens ;
  • des ouvrages de vulgarisation, des manuels, des livres de cours, des essais ;
  • des revues spécialisées ;
  • des bases de données en ligne (NUMDAM, BibNum, EM-Premium, etc.)

Nous proposons une documentation large qui rend compte des progrès scientifiques actuels, des courants de pensée qui animent la société, ainsi que de l’histoire de chaque discipline.

La documentation graphique et photographique tient également une place non négligeable, et intéresse aussi bien des scientifiques que des artistes.

La bibliothèque acquiert majoritairement des documents en langue française, mais possède également certains ouvrages et revues scientifiques en anglais, qui est la langue par excellence de la recherche.

Rayon des livres sur l'éthologie à la Bpi
© Bpi

Quels sont les documents les plus consultés ?

Depuis 2022, le Relevé Quotidien des Consultations (RQC) nous permet de bénéficier de données assez complètes sur la consultation des collections à la Bpi.

Les sciences font partie des domaines les plus consultés, après l’art et le droit.

Parmi les ouvrages les plus consultés, on trouve les manuels de mathématiques et de physique, très demandés par les élèves de lycée ou de classe préparatoire. Il s’agit d’un public à la recherche d’exercices variés, d’annales ou de cours complémentaires. Les manuels en science du vivant, en chimie organique ou en biochimie sont également très consultés par les élèves en classe préparatoire ou en médecine.
Les livres d’astronomie ont aussi leur public.

Quels sont les critères de désherbage ?

À la Bpi, nous avons une règle : un livre acheté = un livre désherbé. C’est mathématique ! Cette contrainte permet de maintenir une collection à volume constant en libre accès. Cette règle s’ajuste évidemment en fonction des disciplines, des publications et de l’actualité scientifique.

Nous nous appuyons sur les critères suivants :

Critères physiques

  • état matériel de l’ouvrage ;
  • mise en page ou présentation des résultats inadéquates ;
  • qualité des reproductions et des photographies.

Critères de contenu

  • contenu obsolète ou périmé, qui sera remplacé dans la mesure du possible par une nouvelle édition ;
  • contenu trop pointu ou spécialisé ;
  • vulgarisation de mauvaise qualité ;
  • ouvrages redondants ou doublons ;
  • ouvrages en langues étrangères ;
  • date de publication au regard de l’évolution de la discipline (exemple : nouvelle classification de la phylogénétique).

On pourrait comparer le fonds sciences à un organisme vivant : il oscille en fonction des courants, des tendances, des parutions. Il garde stable sa colonne vertébrale, mais certaines parties de son corps sont amenées à grossir ou à maigrir.

Pourquoi avoir fait appel à des enseignants-chercheurs pour vous aider dans la gestion du fonds, en particulier le désherbage ?

Faire appel à des spécialistes a été une évidence. Cela nous a semblé nécessaire, afin de pouvoir analyser et juger correctement du contenu d’ouvrages issus de disciplines parfois très pointues.

C’est ainsi que nous avons commencé par le plus complexe à nos yeux : la chimie ! Dans sa grande partie, le fonds chimie correspondait à ce qu’il était à l’ouverture de la bibliothèque à la fin des années 1970. Malgré des désherbages successifs, le fonds restait très hétérogène, nous devions mener un vrai travail d’actualisation et de remise en cohérence de la collection. Ce qui veut dire considérer chaque ouvrage, un à un, livre en main.

Une collègue bibliothécaire à l’École nationale supérieure de chimie nous a alors orientées vers le site Mediachimie. Ce site rassemble plusieurs acteurs ou partenaires autour de la Fondation de la Maison de la chimie, de Canopé et d’EDP Sciences. Nous les avons contactés et leur réponse a été immédiatement positive.

Dans un premier temps, avec leur accord, nous leur avons envoyé une liste Excel de l’ensemble des ouvrages du fonds, afin que les enseignants puissent appréhender la collection en amont. Nous leur avons également posé deux objectifs : d’une part, disposer d’une expertise critique du fonds chimie (environ 800 documents), d’autre part, examiner les documents de langue anglaise datant des années 1970-1980.

Un binôme d’enseignants est ensuite venu sur place et il s’est avéré d’une efficacité redoutable : en une matinée, ils avaient identifié tous les ouvrages obsolètes ou périmés ! Ces enseignants nous ont également signalé des erreurs dans le plan de classement, que nous avons pu actualiser, en retirant un certain nombre d’intitulés inusités.

Nous avons procédé de même pour la physique, en contactant l’association « Union des professeurs de physique et de chimie » (UdPPC). Deux professeurs sont venus sur place effectuer une vérification titre à titre, retirant les ouvrages obsolètes. Ils en ont également profité pour corriger certaines cotes. Par ailleurs, nous avons consacré une importante séance de travail à la formalisation d’un nouveau plan de classement, qui correspond à la pratique et à l’avancée de la physique du 21e siècle, et qui sera prochainement mis en place.

Puis, sur recommandation ou par connaissance, nous avons sollicité un professeur de mathématiques, une professeure d’histoire des sciences pour le fonds paléontologie, un enseignant-chercheur et une bibliothécaire pour le fonds géologie.

Nous utilisons toujours la même méthodologie : identification de l’organisme ou de la personne ressource, prise de contact pour une demande d’expertise, envoi d’un fichier Excel répertoriant les ouvrages du fonds, objectifs de désherbage, rendez-vous sur place pour examiner la collection. Chaque spécialiste considère les livres un à un. Les sessions vont de deux heures à des visites étalées sur plusieurs semaines, en fonction de la disponibilité de chacun.

Rayonnages du fonds sciences à la Bpi
© Bpi

Que retirez-vous de ce travail collaboratif ?

Nous avons apprécié qu’il y ait une véritable collaboration entre les enseignants et les bibliothécaires, de pas être dans une relation maître-élève. Leur expertise, la qualité de leurs remarques ont été une sorte de cours accéléré de physique ou de chimie. Aujourd’hui, le fonds semble comme régénéré ! De même, les professeurs nous ont signifié qu’ils avaient appris à notre contact.

Concernant la politique documentaire, ces entrevues ont permis de poser des jalons et des repères par discipline, par exemple dans l’évolution de la classification (la paléontologie) ou dans l’intégration d’une discipline (la tectonique à partir des années 2000).

De façon générale, les enseignants ont mené un désherbage raisonné, ni trop excessif ni trop faible. Ils nous ont fait remarquer à quel point la production éditoriale en sciences en langue française était modeste. Beaucoup de livres anciens demeurent ainsi des livres de référence, car ils n’ont pas à ce jour d’équivalent. Ils ont toute leur place dans une bibliothèque d’actualité.

Cette méthode collaborative vous semble-t-elle applicable à d’autres bibliothèques de lecture publique ?

Cette méthode est pertinente dès que l’on possède un fonds avec des niveaux et des approches variés, a fortiori des ouvrages de niveau universitaire. Il faut néanmoins noter que le travail de désherbage à la Bpi était facilité, car les ouvrages sont sur place et en libre accès. Les spécialistes pouvaient donc aborder la collection d’un seul tenant.

Il peut aussi être intéressant de faire appel à des enseignants pour créer ou enrichir un fonds documentaire.

En lecture publique, on peut par exemple se rapprocher des enseignants en sciences des établissements scolaires de la ville ou de la région, solliciter les antennes régionales des IREM (Instituts de recherche en enseignement des mathématiques) ou les associations qui valorisent les sciences.

Table de valorisation documentaire à la Bpi autour de la thématique des algues
© Bpi

Publié le 14/03/2024 - CC BY-SA 4.0

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