Petit Samedi
de Paloma Sermon-Daï.

Damien Samedi a 43 ans. Quand il était enfant, dans son village wallon en bord de Meuse, on l’appelait le « Petit Samedi ». Pour sa mère Ysma, Damien est toujours son gamin, celui qu’elle n’a jamais abandonné lorsqu’il est tombé dans la drogue. Un fils qui a, malgré tout, cherché à protéger sa mère. Un homme qui tente de se libérer de ses addictions et qui fait face à son histoire pour s’en sortir.

L’avis de la bibliothécaire

« Bonjour Damien, c’est Maman »

C’est une simple histoire de famille et, comme toutes les histoires, comme toutes les familles : rien n’est simple.
Après un début en musique (une soirée électro en boîte avec des jeunes en transe), on en vient au cœur du sujet, au cœur d’un homme pourtant absent de l’image : une femme – une mère – appelle son fils, lui laisse un message, voudrait savoir s’il vient déjeuner comme prévu.
Ce fils, c’est Damien Samedi ; il a bientôt 43 ans, se partage entre son propre appartement, celui de sa petite amie et le refuge maternel. La mère-refuge est d’autant plus importante qu’elle évite sans cesse la noyade à son fils, qu’elle le ramène sur la berge, toujours, comme un phare en alerte qui ne connait jamais le repos.
On apprendra au fur et à mesure que Damien Samedi a des problèmes d’addiction, qu’il est alcoolique et toxicomane, qu’il souhaite s’en sortir. Les rendez-vous avec sa thérapeute ponctuent les passages où il tient compagnie à sa mère, et cet espace de parole devient l’endroit où il peut tout dire, avec une simplicité très touchante, si sincère.
Il y dit son chômage, ses fortes addictions qui ne sont connues que de ses proches. Il y dit aussi la peur de s’en sortir, le changement de vie que cela engendrera. Il y dit sa vie, banale et unique comme le sont toutes les vies. Il y dit la lutte et les espoirs, comme la fois où il avait entrepris une cure de désintoxication.

Un lien très fort unit Petit Samedi à sa mère et on comprend dans les non-dits à quel point les épreuves ont fortifié leur relation.
Cependant, la mère n’est pas que refuge : elle est aussi colère, vocifération, fatigue, résignation. Inquiétude, quand il disparaît plusieurs jours sans aucun signe de vie. Mais avant tout, cette mère allie force et empathie avec une sensibilité rentrée mais tellement palpable. Elle reste droite face aux rires d’une bande de jeunes, quand elle part à la recherche de son fils, ces jeunes ignorant qu’une mère se tourmente toute sa vie pour son enfant, qu’il ait 16 ou 43 ans. Elle reste puissante même quand elle s’épanche face à une amie, réclamant une cigarette secrète pour tenir le coup. Plus que tout, elle reste magnifique lorsqu’elle se confie à son fils, émue et fragile.

« Il y a encore du boulot, mais ça va aller »

Malgré son sujet difficile, ce film est doux et mélancolique comme une pluie de printemps.
L’attachement est si fort entre les personnages que cela en illumine leur sombre histoire, que cela permet l’espoir, fragile mais véritable.
Un vrai soin est apporté à l’esthétique générale, avec des cadrages très travaillés, une lumière précise, un équilibre digne d’un grand tableau. Tout ce travail accroît la qualité du film, à la fois témoignage intime et universel.

Si l’on découvre ce documentaire avec un regard neuf, on attend le générique de fin pour découvrir que la réalisatrice du film porte le même nom que la mère de Damien Samedi. En plein cœur d’une histoire de famille, on comprend mieux la qualité de l’intime ici déployé, et on repense à certains passages d’une autre manière, l’émotion encore grandie.

En 2022, ce film a reçu le Magritte du meilleur documentaire, récompense décernée par l’Académie André Delvaux.

Bande annonce

Rappel

Petit Samedi – Réalisation : Paloma Sermon-Daï – 1 h 14 min – 2020 – Production : Michigan Films – Distribution : Singularis Films.