Journée d’échange sur l’accessibilité des ressources numériques
Compte rendu de la journée annuelle organisée par Réseau Carel en 2022

Compte rendu de la Journée d’échange de Réseau Carel du 11 octobre 2022 consacrée à l’accessibilité des ressources numériques.

Médiathèque Marguerite Duras, Paris

Les cadres juridiques de l’accessibilité numérique, par Vanessa van Atten (Service du Livre et de la Lecture/ministère de la Culture)

L’accessibilité numérique peut se définir d’après les critères du WCAG, que sont les caractères perceptible, utilisable, compréhensible et robuste de tout contenu numérique.
Il ne doit pas y avoir de restriction dans le parcours de l’usager.

Différents textes juridiques européens et nationaux définissent aujourd’hui le cadre juridique de l’accessibilité numérique :

  • la loi du 11 février 2005 (dont l’article 47 porte sur l’accessibilité numérique ; il en découle le RGAA).
    Cette loi s’applique aux sites Internet (donc aux portails bibliothèques) ;
  • la directive européenne du 17 avril 2019 sur l’accessibilité des produits et services (dont l’application aura lieu le 28 juin 2025 au plus tard) ;
  • la directive européenne du 13 septembre 2017 sur l’exception au droit d’auteur.
    Des organismes habilités par le ministère de la Culture peuvent adapter des textes de manière accessible sans accord préalable avec les auteurs. Certains de ces organismes ont accès aux fichiers sources de ces textes via la plateforme PLATON.

Pour rappel, moins de 10% des ouvrages sont considérés comme accessibles en France. Il est également prévu de créer un portail national de l’édition accessible en 2025.

Le baromètre de l’accessibilité numérique, par Frédéric Halna (Oceane consulting) et Karine Bardary (Com’Access)

La 4ème édition du baromètre de l’accessibilité numérique a été produite par le cabinet Oceane consulting.
Ce baromètre a lieu tous les 3 ans et concerne l’accessibilité numérique du point de vue du parcours utilisateur et non du contenu en tant que tel.

D’après la norme EN 301 549 (2018), l’accessibilité numérique des sites internet doit répondre à plusieurs critères dont :

  • la mention d’accessibilité sur la page d’accueil ;
  • une déclaration d’accessibilité ;
  • un schéma pluriannuel d’actions en faveur de l’accessibilité (3 ans au maximum) ;
  • un plan d’actions de l’année en cours.

Les intervenants ont par ailleurs rappelé que toute accessibilité des sites internet nécessite un travail au long cours visant un maintien de cette accessibilité.

Le baromètre consiste en une analyse à la fois quantitative et qualitative.

Analyse quantitative :

Cette analyse comporte une analyse de la conformité du site, l’existence de solutions d’aide à la navigation et une analyse automatique du site via l’outil Tanaguru.

Concernant la mention d’accessibilité en page d’accueil, seulement 2 sites sur 132 en ont déclaré une.
Concernant la présence d’une page « politique d’accessibilité », 28% en ont déclaré une en 2022 contre 17% en 2018.
Concernant la déclaration conforme au RGAA, 8% en ont déclaré une contre 1% en 2019 mais aucune déclaration n’est pour l’heure valide.
Concernant Tanaguru, seulement 3 sites connaissent un score supérieur à 70%.

Analyse qualitative :

Cette analyse consiste en une mise en exergue des points positifs de 7 sites sélectionnés selon 3 principes :

  • conformité des éléments d’interface ;
  • présence et pertinence des fonctionnalités (horaires, qualité du moteur de recherche, actualité littéraire…) ;
  • accessibilité et utilisabilité (simplicité, reproductibilité, accessibilité pour utilisateurs de lecteur d’écran, accessibilité pour utilisateur de clavier…).

Les résultats qualitatifs étaient toujours en cours d’analyse lors de la Journée.

L’analyse porte sur 10 ressources numériques mais seulement 4 ressources ont pour l’instant été analysées selon les 3 principes ci-dessus.
On constate une amélioration globale, notamment pour l’interface. Il y a cependant régulièrement des soucis d’utilisation (par exemple le bouton de connexion qui ne fonctionne pas). Oceane consulting a ensuite proposé quelques conseils afin qu’une bibliothèque s’assure de la conformité de son site internet ou de ses ressources numériques au RGAA.  
Il peut notamment être utile de définir un cahier des charges intégrant l’importance de l’accessibilité numérique ; par exemple : rappeler le cadre légal, s’assurer du respect du RGAA, demander les expériences de l’entreprise en matière d’accessibilité numérique, demander si l’entreprise prend en compte le handicap en interne, mettre des pénalités plus ou moins importantes si le handicap n’est pas pris en compte…
Néanmoins, on ne peut aujourd’hui être trop contraignant sur ce sujet vis-à-vis des prestataires qui autrement ne pourraient pas répondre à l’offre.

Enfin, il  peut être utile de rappeler que l’État peut accompagner financièrement les collectivités pour la mise en conformité des sites du point de vue de l’accessibilité, notamment via la DGD.

Le cadre technique : PNB, par Laurent Le Meur (EDRlab) et Hadrien Gardeur (De Marque)

Cette présentation a été l’occasion de mettre en avant les différents acteurs du livre numérique travaillant conjointement sur les questions de l’accessibilité.
Sont concernés notamment le format EPUB développé par le W3C, la norme Daisy pour le livre audio, l’application Readium développé par l’IDPF et permettant de lire différent livres numériques au format EPUB et Thorium Reader, une application développé par EDRlab et proposant également la lecture en format EPUB.

Tous ces acteurs prennent aujourd’hui en compte l’accessibilité numérique et ce à plusieurs niveaux : la mise en accessibilité des métadonnées, l’amélioration des différentes fonctionnalités d’accessibilité et l’accessibilité de l’interface des outils développés.

Concernant les métadonnées, l’enjeu est notamment d’améliorer la visibilité de celles-ci, le format ONIX étant aujourd’hui jugé difficilement accessible.
EDRlab travaille ainsi à un modèle et un vocabulaire communs à tous pour le signalement des fonctionnalités d’accessibilité pour les livres numériques.
Il convient également de rendre ces métadonnées directement accessibles via les notices des documents.

Un travail est également en cours sur les DRM, ces derniers étant encore trop souvent inadéquats du point de vue de l’accessibilité numérique, en interdisant par exemple le rendu sonore d’un texte.

Enfin, concernant les interfaces, les différents acteurs du secteur travaillent à optimiser les diverses applications pour les lecteurs d’écran mais également de permettre l’affichage des catalogues et de la gestion de l’emprunt de documents directement à partir desdites applications.

Retours d’expériences de bibliothèques territoriales

Espace « Biblio-dys » de la médiathèque Per Jakez Hélias de Landerneau, par Catherine Le Gall

Durant cette présentation, Catherine Le Gall, responsable multimédia adjointe à la direction, nous a expliqué le fonctionnement de l’espace « biblio-dys » de la médiathèque dont le rôle est d’accueillir les personnes dyslexiques et de leur proposer des collections adaptées.

Cet espace comprend :

  • Des documentaires pour parents et accompagnateurs des enfants « dys »,
  • 221 albums pour enfants « dys »,
  • 81 méthodes pour accompagner les « dys » (dictées, écriture),
  • Des liseuses avec 50 livres numériques et divers outils d’aide à la lecture (règles de lecture, stylo scanner, lecteur Victor pour les livres Daisy…),
  • 420 romans adaptés (grands caractères, découpages syllabiques, police opendys, interlignages…),
  • Une tablette avec deux applications (BibliOdysee et Whisperies),
  • 400 livres lus,
  • 20 jeux de société pour l’apprentissage de la lecture,
  • 352 livres au format Daisy.

Concernant BibliOdyssée, cette ressource propose des livres au format FROG qui intègre des outils de facilitation de la lecture (ex : changement de police, segmentation syllabique, interlignage, cadre de lecture…).

Même si BibliOdyssée répond bien au besoin des personnes « dys », Mme Le Gall fait remarquer toutefois le caractère limité du catalogue (une centaine de titres) ainsi qu’un coût d’abonnement relativement élevé.

Pour conclure, Mme Le Gall tient à souligner l’importance de la médiation pour faire marcher ce type de ressource ainsi que l’importance de travailler avec des partenaires. La médiathèque Per Jakez Hélias a ainsi tissé un réseau de partenariats avec différents acteurs du territoire tels que les médecins scolaires, les professeurs de français, les MJC, les orthophonistes, ou les centres sociaux.
Ces partenariats peuvent prendre la forme de rencontre, de distribution de flyers ou encore de malles de livres « dys » prêtées aux CDI.

Ressources accessibles aux personnes malentendantes, par Ludovic Pellegrini et Elsa Le Guevel

Ludovic Pellegrini, chargé des publics sourds, et Elsa Le Guevel, chargée des services numériques, nous ont ensuite présenté le pôle sourd de la médiathèque de la Canopée.
Les pôles sourds (présents dans cinq médiathèques de la Ville de Paris) ont pour mission d’accueillir en langue des signes, de disposer d’un fonds en lien avec la surdité et la langue des signes française, et de développer une action culturelle en lien avec la surdité.
Les deux intervenants ont ensuite navigué parmi différentes ressources numériques proposées par la Ville de Paris afin d’évaluer leur accessibilité aux personnes malentendantes.

Globalement, il est ressorti de cet aperçu que la plupart des ressources numériques proposées étaient insuffisantes quant à leur offre à destination des personnes malentendantes, qu’il s’agisse du contenu accessible en trop faible quantité, de l’absence trop récurrente de sous-titres et de l’absence d’interprétation en LSF.

L’intervention s’est conclue par une présentation de la ressource Médiapi, un site d’information en langue des signes dont les journalistes sont eux-mêmes sourds et malentendants. Le site propose ainsi le regard de personnes sourdes ou malentendante sur l’actualité, des reportages mais également diverses ressources numériques à destination du public malentendant.

Test d’accessibilité aux personnes aveugles et malvoyantes, par Hélène Kudzia

Pour finir, Hélène Kudzia Pinto da Silva, responsable du pôle Lire autrement de la médiathèque Marguerite Duras, a testé l’accessibilité du portail du réseau des bibliothèques de Paris, du point de vue d’une personne malvoyante utilisant le logiciel de synthèse vocale NVDA.

Ce test a permis de dégager un certain nombre de principes valables pour tout portail que l’on souhaite rendre accessible pour le public malvoyant.
Il est notamment primordial de tenir compte du fait que plus une page contient d’information, plus la navigation devient difficile.
De plus, il conviendrait de systématiquement faire tester le portail par une personne malvoyante afin de repérer les éventuels éléments empêchant une bonne navigation.
Enfin, il faut avoir à l’esprit que les personnes malvoyantes peuvent bien sûr être plus ou moins à l’aise avec l’informatique et leurs propres outils de lecture, ce qui implique de redoubler de vigilance quant à l’accessibilité du site.
Si le portail d’une bibliothèque n’est pas ou peu accessible en l’état, développer de nouveaux services à destination des personnes malvoyantes peut offrir une solution temporaire : par exemple, un service de téléphonie pour ce public spécifique ou encore le transfert par mail de certains documents ou liens de pages web.
Il faut également garder à l’esprit qu’améliorer l’accessibilité des sites internet pour les malvoyants permet in fine de rationaliser la navigation sur le site pour tous les usagers. Cela bénéficie donc à tous.

Alexandre Gué – Service des ressources électroniques


Publié le 25/11/2022 - CC BY-SA 4.0