Compte rendu de la réunion du Conseil de coopération du 26 mars 2021
Le Conseil de coopération s'est réuni le 26 mars 2021 en visioconférence.

Le Conseil de coopération a accueilli, en visioconférence, la sénatrice Sylvie Robert, qui a déposé une proposition de loi sur les bibliothèques.

Présents : Sophie Astier (Marseille), Emmanuel Aziza (Paris), Julien Barlier (Limoges), Alice Bernard (ABF), Anne-Marie Bock (ABD), Malik Diallo (Rennes/ADBGV), Romain Gaillard (Paris), Nicolas Galaud (Lyon), Juliette Lenoir (Nancy), Isabelle Westeel (Grenoble), Anna Marcuzzi (Strasbourg), Élise Molho (Brest), Mélanie Villenet-Hamel (Clermont-Ferrand), Laurence Favreau (BDP du Val d’Oise), Émilie Richard (BDP du Calvados), Guillaume de la Taille (RéseauCarel), Delphine Henry (Fill), Julia Morineau-Eboli (Enssib), Colette Gravier (CLL), Jérôme Belmon (SLL), Thierry Claerr (SLL), Raphaële Gilbert (SLL), Sylvie Robert (sénatrice d’Ille-et-Vilaine), Cyril Novakovic (attaché parlementaire de la sénatrice), Christine Carrier (Bpi), Annie Brigant (Bpi), Sylvie Bonnel (Bpi), Monique Pujol (Bpi), Éléonore Clavreul (Bpi), Geneviève de Maupeou (Bpi) et Jean-Baptiste Vaisman (Bpi).
Excusés : Sylvie Puechbroussoux (BDP du Cantal), Yoann Bourrion (Bordeaux), Marion Lorius (Montpellier)

Mot de bienvenue, par Christine Carrier

Christine Carrier salue la présence de Madame Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine (PS) et la remercie au nom des membres du Conseil de coopération d’avoir accepté ce temps d’échange pour parler de la proposition de loi qu’elle a déposé en février 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique.
La sénatrice Sylvie Robert remercie la directrice générale de la Bpi pour son invitation à participer à cette réunion du Conseil de coopération

Capture d'écran de la réunion en visio du conseil de coopération le 26 mars 2021
© Bpi

Présentation de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, par la sénatrice Sylvie Robert

Tout d’abord, la sénatrice Sylvie Robert a pu assurer les membres du Conseil de coopération que sa proposition de loi a été reçue avec bienveillance au sein du Sénat. Il est vrai que cette proposition fait suite aux différents rapports qui se sont succédé sur les bibliothèques : extension des horaires, mission Orsenna, extension de la DGD et enfin mission flash des députées Aurore Bergé et Sylvie Tolmont. Dans ce contexte favorable, et avant la fin du quinquennat, la sénatrice a donc jugé le moment opportun pour que la mission de la lecture publique puisse bénéficier d’un texte qui en consacre l’importance.

L’idée de départ d’une proposition de loi qui couvre toute la chaîne du livre (des auteurs jusqu’aux libraires et aux bibliothèques) s’est ainsi finalement subdivisée en deux textes :

  • une proposition de loi (Laure Darcos) sur l’économie du livre et l’équité entre ses acteurs
  • une proposition de loi (Sylvie Robert) sur les bibliothèques et la lecture publique

Dès lors, l’espoir réside dans un examen simultané des deux propositions afin de permettre  une réflexion globale sur la chaîne du livre.

En ayant réussi à l’inscrire à la niche du 09 juin 2021, Sylvie Robert compte sur un examen puis un vote, avant un départ à l’Assemblée nationale qui bénéficie des suites de la mission flash et des conclusions rendues par les députées Aurore Bergé et Sylvie Tolmont à la suite du rapport Orsenna.

Pour profiter de ce moment favorable, il est apparu nécessaire que la proposition soit mise au vote et adoptée rapidement. C’est pourquoi Sylvie Robert a préféré faire quelques choix :

  • se restreindre aux bibliothèques territoriales de lecture publique, auxquelles les sénateurs sont par ailleurs très attachés
  • ne pas développer les aspects du numérique en bibliothèque (licences légales entre autres) qui lui sont apparus comme autant de chantiers à poursuivre via d’autres textes législatifs
  • ne pas traiter la question des compétences pour les départements, qui là aussi pourra s’inscrire dans d’autres lois (celle de la  4D notamment)

De même, la rédaction des 13 articles a visé le consensus le plus large, l’essentiel étant que les valeurs des bibliothèques soient protégées.

Sylvie Robert a notamment voulu garantir  trois  principes majeurs : 

  • la liberté d’accès, soit la possibilité de pouvoir entrer librement, et sans aucune justification nécessaire, dans un service public, un élément symboliquement important aujourd’hui pour valoriser la facilité de l’accès en bibliothèque publique
  • la gratuité d’accès, à savoir de pouvoir y entrer gratuitement. La politique de la collectivité s’applique en revanche sur les éventuels droits de prêt.
  • le pluralisme, afin de protéger les bibliothèques, même si ce sujet peut faire débat.

Par ailleurs, la sénatrice a souhaité mentionner l’importance du rôle des agents dans les bibliothèques et, par là même, la nécessité qu’ils disposent d’une formation et de qualifications qui leur permettent de mobiliser leur expertise sur les différents projets de leurs établissements. Un point qui devient essentiel avec l’évolution de cette formation, ainsi que l’a montré la récente mission flash parlementaire.

Sur la question territoriale, si les bibliothèques départementales et intercommunales sont mentionnées dans la nécessaire mise en place de schémas de la lecture publique, la sénatrice a préféré inciter plutôt que contraindre, d’autant que certains aspects pourront faire l’objet d’autres véhicules législatifs. De plus, les membres du Sénat sont nombreux à reconnaître l’importance de la culture comme facteur de lien sur un territoire, dont une bibliothèque peut être un fort levier.

Enfin, les deux derniers articles permettent les dons à des associations publiques, suite à un dialogue avec le SLL (art. 12) et surtout garantissent la recevabilité de la proposition de loi (art. 13) afin qu’elle puisse être examinée en bonne et due forme.

Cette proposition de loi n’est donc qu’une première étape qui, si elle est votée, en appellera d’autres.

Discussion avec la sénatrice Sylvie Robert

Anna Marcuzzi (Strasbourg) salue l’initiative de la sénatrice Sylvie Robert, d’autant plus dans ce contexte de crise sanitaire où les bibliothèques de lecture publique sont les seuls établissements culturels à rester ouverts, même selon des modalités variables. Il a manqué un discours politique fort pour saluer cette poursuite des  missions  des bibliothèques. Cela est d’autant plus important que cette ouverture ne s’est pas faite, contrairement à l’opinion de certains dirigeants politiques, sans poser de nombreuses questions et préoccupations sanitaires pour les équipes : l’accueil de tous les publics, la manipulation des collections entre autres. Sans doute faudrait-il profiter de ce moment pour réaffirmer, par ailleurs, qu’une bibliothèque est non seulement un établissement culturel mais aussi un espace social, à l’heure de la distanciation, et qu’il apparaît au croisement des différents secteurs des politiques publiques (culturel, social, politique). En un mot, redire que les bibliothèques sont essentielles, comme cela a été reconnu pour les librairies.

Christine Carrier (Bpi) abonde dans le même sens et note l’importance de pouvoir expliquer, face aux questions des équipes, les raisons qui conduisent à laisser les bibliothèques ouvertes, comme lieux accessibles, ouverts à tous. 

Pour Anne-Marie Bock (ABD), la diversité des réseaux locaux, de leurs moyens comme de leurs organisations, peuvent rendre difficile une définition trop globale. Plutôt que de se focaliser sur ce que sont les bibliothèques, il paraît plus judicieux d’insister sur les enjeux pour les établissements de lecture publique, ce qui permettra notamment de fédérer aussi bien les collègues que les bénévoles des petites structures.

L’enjeu du pluralisme 

À son tour, Nicolas Galaud (Lyon) salue l’action de longue date de Sylvie Robert en faveur des bibliothèques. Pour autant, les articles 4 et 5 suscitent des réserves de sa part. L’article 4 laisse à penser qu’une liste ultérieure viendra définir ce qu’est une collection, ce qui le surprend. Surtout, avec la notion de collections pluralistes et diversifiées, dans l’article 5, il craint que des revendications se fassent jour venant de groupes extrémistes qui, sous couvert de réclamer le pluralisme, pourraient s’immiscer dans la politique documentaire des bibliothèques, comme certaines municipalités FN avaient pu tenter de le faire.

Sylvie Robert estime en effet que l’examen et le vote de sa proposition de loi sera l’occasion de mettre davantage en valeur l’implication des bibliothèques qui sont restées ouvertes pendant la crise sanitaire.

La définition d’une collection de bibliothèque à l’article 4 est importante au regard du code du patrimoine où elle existe déjà pour les archives et musées.

Jérôme Belmon (SLL) précise que l’article 4 provient effectivement du nécessaire formalisme d’une loi et de la nécessité de définir pour les bibliothèques, à l’instar du code du patrimoine qui s’attache à d’autres établissements culturels, les caractéristiques essentielles d’un établissement de lecture publique. Dans une précédente version, cela se traduisait par un inventaire à la Prévert qui paraissait inadapté étant donné que tous les types de collections ne sont pas présents dans l’ensemble des bibliothèques. Il n’en demeure pas moins qu’il était important d’établir une définition, tout en rappelant que ces collections évoluent aussi dans le temps.

Sur la question du pluralisme, Sylvie Robert reconnaît que toute disposition a son revers. Néanmoins, il lui paraît important que cette valeur figure dans la loi pour engager le débat et surtout pouvoir dénoncer les tentatives d’ingérence qui pourraient se révéler.

Christine Carrier (Bpi) indique combien la vigilance devra être grande quand une définition des collections sera établie par le Sénat, et ce, afin de garantir la liberté de la constitution des collections par les bibliothécaires mais aussi de ne pas bloquer des initiatives locales qui peuvent avoir du sens en fonction du territoire desservi. La difficulté d’une loi sur les bibliothèques vient sans doute de cette gageure : définir un objet qui s’adapte lui-même aux évolutions de la vie. 

Par rapport au pluralisme, le risque demeure que des groupes extrémistes, s’estimant sous-représentés, fassent pression sur les bibliothèques. D’un point de vue pragmatique, cela s’avère alors plus délicat de gérer les courants d’idées qui tendent, de plus, à se multiplier.

Pour Nicolas Galaud (Lyon), les pressions sont en effet désormais moins celles de partis politiques que de groupes identitaires ou autres qui, s’ils n’ont que peu touché les bibliothèques, constituent autant de menaces potentielles. C’est par le pluralisme justement qu’il est possible de se protéger contre la volonté de ces groupes d’expurger des auteurs ou des œuvres qui leur déplaisent. La volonté de proposer toutes les connaissances n’est par ailleurs pas toujours possible, notamment en lecture publique. Une définition du pluralisme par la jurisprudence semble préférable afin de ne pas entraver les pratiques métier.

Ainsi que le suggère Anne-Marie Bock (ABD), il serait judicieux d’établir la question du pluralisme non pas forcément au niveau d’une seule bibliothèque mais plutôt de celui d’un réseau (une centrale et ses annexes).

Juliette Lenoir (Nancy) indique que, pour elle, une sélection, comme une programmation, a forcément une couleur particulière sans que cela remette en cause l’expertise métier nécessaire : une bibliothèque pourrait faire le choix d’ignorer la science-fiction pour se concentrer davantage sur la littérature rurale. Ce choix par les acquéreurs doit être préservé.

Pour la sénatrice, c’est bien l’objectif de cet article de permettre que la politique documentaire soit pensée et adaptée au territoire par les professionnels.

Si elle comprend les appréhensions exprimées, Sylvie Robert assure qu’il s’agit avant tout de permettre un échange avec la collectivité, sans aller jusqu’à un vote, comme pour les archives et les musées. Elle note que, tout en sécurisant les professionnels, la proposition de loi vise, dans le même temps, à rendre davantage visibles les bibliothèques, leur travail et leur importance sur leur territoire. De plus, les compléments et corrections pourront être apportés lors des prochaines étapes législatives.

Pour Malik Diallo (Rennes), les tensions ne se manifestent plus tellement sur les acquisitions mais bien plutôt sur la valorisation des collections et lors des médiations avec des réflexions du public « vous mettez en avant ça et jamais ça ». Dans ce cas, il convient de signaler que la programmation est pensée selon une politique éditoriale, distincte du pluralisme des collections proposées. Si les bibliothécaires savent depuis longtemps acheter des collections, l’enjeu est plutôt de voir comment ils présentent, éditorialisent ces collections.

Anne-Marie Bock (ABD) note qu’il s’agit là d’un enjeu de formation pour que tous les collègues se sentent en capacité de valoriser les collections dont ils ont la charge et éviter, ainsi, que certaines soient moins mises en avant.

Jérôme Belmon (SLL) précise que le premier article comprend les différentes activités d’une bibliothèque. La loi protège donc aussi le pluralisme pour les débats, les médiations et autres initiatives mises en place dans les bibliothèques.

La question du numérique 

Concernant le chantier du numérique, Christine Carrier (Bpi) regrette que les collections numériques n’apparaissent pas comme une des ressources des bibliothèques, même si Sylvie Robert a expliqué les raisons de ce choix. Face à certains élus locaux, une mention dans la loi permettrait d’appuyer la nécessité d’en disposer dans toutes les bibliothèques.

La sénatrice rappelle la difficulté qu’aurait représenté d’ouvrir un front supplémentaire sur le sujet du fait des multiples enjeux qu’il recouvre (accès, réseaux, offre…) Cet aspect pourrait peut-être s’intégrer lors de l’examen de la loi 4D (autour du premier D, pour différenciation territoriale), ou dans le cadre d’un autre texte législatif.

Jérôme Belmon (SLL) précise que la mention « sous forme physique et numérique » a été retirée en même temps que la longue liste de types de ressources des bibliothèques. La question de remettre cette mention à l’article 4 va être étudiée.

Interrogée au sujet de la loi 4D (Différenciation territoriale, Décentralisation, Déconcentration et Décomplexification de l’action publique locale), qu’elle a évoquée à plusieurs reprises, Sylvie Robert explique que la loi traitera de l’organisation territoriale. La question de la compétence de lecture publique transmise aux départements fera sans doute partie des débats à venir.

L’organisation des territoires

La question se pose, en effet, comme souligné par Christine Carrier (Bpi), de l’organisation au niveau départemental et de la manière dont départements et métropoles ou grandes villes dialoguent entre eux.

Anne-Marie Bock (ABD) évoque l’exemple alsacien où la bibliothèque travaille aussi bien avec les bibliothèques de Strasbourg que celles de Mulhouse. Les réseaux travaillent en complémentarité, parfois encadré par une convention. La principale difficulté demeure dans des tempos politiques distincts, en fonction des calendriers électoraux.

Anna Marcuzzi (Strasbourg) abonde dans ce sens, même s’il lui semble qu’un conventionnement permettrait de clarifier les périmètres de chacun et d’améliorer encore le travail de coopération.

A ce stade, le Ministère et l’ABD sont favorables à travailler ensemble avec les bibliothèques départementales pour que la compétence de lecture publique fasse bien partie des obligations transférées aux départements.

Pour Christine Carrier (Bpi), la question est notamment de savoir où s’arrêtent les rôles de chaque collectivité, d’autant plus quand elles ne sont pas de la même couleur politique, ce qui peut conduire parfois à des rivalités autour de la lecture publique.

Anne-Marie Bock (ABD) signale que ce sujet de l’articulation entre les différents niveaux territoriaux et comment assurer au mieux leurs complémentarités sera abordé lors du prochain conseil d’administration de l’ABD.

Si le sujet n’est pas prévu pour ce Conseil de coopération, Christine Carrier (Bpi) se dit intéressée par les témoignages des collègues, qui facilitent toujours les liens entre les établissements..

Sylvie Robert prévoit de suivre attentivement la manière dont s’articulent ces différents niveaux territoriaux, notamment selon qu’il y ait ou non une métropole dans le département. Elle aussi est très intéressée par les retours que les bibliothécaires pourraient lui faire à ce sujet.

Malik Diallo (Rennes) approuve la sénatrice, d’autant plus que le début de mandature peut être l’occasion de voir si les tensions anciennes se réveillent à nouveau ou pas.

L’enjeu financier

Jérôme Belmon (SLL) rappelle que le texte de Sylvie Robert fait consensus au Sénat et devrait être adopté sans trop de difficultés. La partie pourrait se jouer, en revanche, à l’Assemblée où le calendrier législatif est, de plus, extrêmement contraint. C’est pourquoi il pourrait être judicieux pour les responsables d’établissements de se rapprocher de leurs élus locaux pour soutenir le texte.

Christine Carrier (Bpi) conclut la discussion en pointant combien la période post-COVID risque d’être marquée par des tensions sur les budgets, comme c’est déjà le cas dans certaines bibliothèques universitaires de la région parisienne par exemple. C’est dire s’il est indispensable que les bibliothèques soient reconnues comme un service public essentiel. Aussi, que les bibliothèques soient dans l’actualité avec la proposition de loi de Sylvie Robert est un atout. Il faudra être vigilant avec l’examen de la loi 4D,en ce qu’elle concerne en partie les bibliothèques.

Christine Carrier et les membres présents du Conseil de coopération remercient vivement la sénatrice Sylvie Robert pour sa présentation et les échanges autour de sa proposition de loi, qu’ils soutiennent malgré ses limites bien comprises.

Le dispositif des conseillers numériques, par Thierry Claerr et Raphaële Gilbert (SLL)

L’année 2021 marque la relance du travail avec le Ministère des territoires pour la cohésion des territoires, ainsi que celui des assises de la formation qui seront évoquées plus tard.

La présentation de ce dispositif des conseillers numériques est dans la suite de celle faite au conseil de la coopération de janvier 2020 par Laurine Arnoult et Thierry Claerr sur la feuille de route sur l’inclusion numérique.

Ainsi que le rappelait le rapport du défenseur des droits en janvier 2019, 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique. Cela est d’autant plus préoccupant que, suivant l’objectif de 100% de services publics dématérialisés en 2022, les services publics de proximité tendent à disparaître. Dans le même temps, le rapport Orsenna a réaffirmé combien l’inclusion numérique fait désormais partie des missions des bibliothèques.

Pour répondre à cet enjeu, un groupe de travail interministériel a été mis en place en 2019 afin que travaillent ensemble les associations de professionnels des bibliothèques, les acteurs de la médiation numérique, le Ministère de la Culture, les associations d’élus, l’Agence du numérique, le CNFPT et le Commissariat général l’Égalité des territoires (CGET).

Ce groupe a produit des préconisations et élaboré une feuille de route :

  • Identification des outils et de la charte
  • Formation : socle minimal et référentiels de compétences partagés
  • Accompagnement financier : CTL / CDLI pour contrat départemental lecture inclusion numérique, DGD Bibliothèques / BNR qui permet d’acheter, en investissement, des équipements avec l’ANCT (Agence nationale de cohésion des territoires) pour le recrutement conseillers numériques, comme le a été fait par exemple dans l’Aisne, Fonds européens
  • Communication et advocacy

La mise en œuvre de cette feuille de route, à partir de 2021, doit permettre à la fois de :

  • rendre les bibliothèques mieux identifiées et éligibles au programme « inclusion numérique » du plan France relance
  • développer le dispositif des conseillers numériques (ANCT)
  • organiser une journée d’étude sur l’inclusion numérique
  • créer un ensemble d’outils et une charte

4 000 postes ont été proposés et 15 000 candidatures ont été reçues. Également, 2 600 collectivités se sont déclarées intéressées pour l’accueil de ces conseillers numériques. Comme ce sont les collectivités qui établissent des demandes pour l’ensemble des structures, dont les bibliothèques, il est difficile d’évaluer combien de ces dernières se sont inscrites.

Après recrutement, Raphaële Gilbert rappelle qu’une formation liminaire sera dispensée aux 1 000 agents en poste à partir de septembre (une centaine seront déjà prêts en avril). À noter qu’à l’issue des deux années de formation, les conseillers numériques pourront décrocher un Certificat de Compétences Professionnelles (CCP1) de responsable d’espace numérique.

Après le déploiement des 1 000 premiers conseillers numériques, d’autres postes seront encore à pourvoir. De futures demandes seront donc encore possibles.

Le SLL participe également à la conception du kit des conseillers numériques créé par l’Agence nationale de cohésion des territoires qui en a confié la réalisation à des designers.

Le dispositif des conseillers numériques : l’exemple de Rennes, par Malik Diallo

En octobre 2020, une demande a été faite pour disposer de deux conseillers numériques pour les bibliothèques de Rennes. Si elle s’inscrit dans la demande plus large de la collectivité rennaise, Malik Diallo note que la nouveauté ici est que les bibliothèques soient bien visibles comme bénéficiaires potentielles et montrent combien elles participent de la politique globale de la collectivité.

Il est vrai que les bibliothèques appartiennent au pôle Citoyenneté, Culture (l’un des quatre pôles de la collectivité) qui se trouve être aussi celui en charge du numérique : cela facilite donc grandement la coordination.

À Rennes, la question du numérique comprend, comme ailleurs, l’objectif de développer le numérique et de lutter contre la fracture numérique. Mais d’autres objectifs sont également visés, au-delà des seules questions d’équipement matériel :

  • un numérique responsable vis-à-vis de l’environnement
  • la réduction des inégalités sociales
  • contribuer à la démocratie et au débat public

Le projet d’Edulab installé récemment à l’Hôtel Pasteur est l’incarnation de la volonté rennaise d’accompagner au mieux les publics autour du numérique. Situé dans le centre-ville, il propose un espace de 300 m² dédié aux usages éducatifs du numérique.

Ces nouvelles initiatives viennent compléter un dispositif déjà bien fourni de 18 établissements publics numériques (EPN), souvent associatifs, répartis dans la ville. Dans les 11 bibliothèques rennaises, cinq adjoints du patrimoine sont dédiés sur la question du numérique, auxquels s’ajoutent quatre agents de médiation numérique aux Champs-Libres (deux pour les professionnels et deux dans l’espace vie du citoyen).

C’est ce réseau déjà en place et cet effort des bibliothèques qui leur a permis de faire reconnaître par la collectivité leur importance sur le sujet. Alors que d’autres structures de la ville se posaient la question de créer un nouveau réseau, les bibliothèques étaient déjà en ordre de marche.

Seuls les centres sociaux disposent également de nombreux espaces (six sur la ville) où sont mis à disposition des ordinateurs, des tablettes ainsi qu’une offre de médiation et d’animation. Certains travaillent déjà d’ailleurs avec les bibliothèques voisines. L’enjeu était donc que, à côté de ce réseau d’espaces sociaux communs (ESC), les bibliothèques soient également dans l’esprit des élus. Le temps de la crise sanitaire a même permis de renforcer les liens puisque des collègues sont allés en renfort dans ces ESC quand leurs bibliothèques étaient fermées. Cela a surtout permis de montrer que les bibliothèques ont un public spécifique qui vient pour disposer d’outils et de médiation sur le numérique, un public complémentaire de celui des ESC qui n’a pas seulement besoin de l’action sociale.

Les différents pôles ont exprimé leurs besoins pour une dizaine de conseillers numériques, dont deux ont été fléchés pour les bibliothèques.

Malik Diallo indique que, si l’intérêt est évidemment de pouvoir proposer une offre  supplémentaire dans le réseau de lecture publique, l’enjeu est désormais de rédiger la fiche de poste des futurs médiateurs. Comme la médiation directe est indispensable pour correspondre aux critères du dispositif, le choix a été fait de répartir les missions pour moitié sur de la médiation et pour l’autre moitié de la coordination.

À ce stade, le bilan liminaire est positif : le dispositif s’insère bien dans l’offre des bibliothèques et cette question du numérique a permis de montrer à la collectivité combien il fallait compter sur les bibliothèques.

Christine Carrier salue le réseau manifestement déjà très fourni à Rennes que les conseillers numériques viennent davantage renforcer que créer et demande si un bilan de tous les acteurs pourrait être partagé avec les membres du Conseil de coopération.

Malik Diallo explique que de nombreux lieux étaient effectivement structurés depuis longtemps à Rennes sur cette question. La ville dispose même d’un plan numérique éducatif local qui appuie toutes les actions dans le domaine. De façon générale, le bilan de l’existant était surtout effectué par rapport aux manques : la formation des agents pour renseigner le public ou encore les ESC très identifiés comme lieu d’aide sociale où tout le monde ne vient pas forcément, notamment en période de pandémie.

Au sujet de l’accompagnement aux démarches administratives, Christine Carrier demande jusqu’à quel point les collègues s’impliquent, s’agissant notamment des informations personnelles et autres données confidentielles.

La question de savoir si cela fait partie ou non du métier de bibliothécaire est réglée à Rennes, pour Malik Diallo. Une médiatrice des Champs-Libres propose ainsi un rendez-vous régulier pour aider les usagers à faire leurs démarches administratives. Si le détail n’est pas fait dans la communication, elle peut accompagner des démarches individuelles, comme les impôts. Cette communication est d’ailleurs articulée avec la ville, les bibliothèques étant aussi des structures qui peuvent renvoyer les usagers vers les bons interlocuteurs : où peut-on imprimer ou encore où les étudiants peuvent-ils aller pour travailler, par exemple. La seule difficulté est que ce soit bien clair pour la collectivité que les bibliothèques font ce travail.

Christine Carrier note que les tutelles sont souvent tentées d’ouvrir de nouveaux lieux sans prendre en compte ce qui se fait déjà ailleurs, une attitude qui pourrait s’avérer problématique dans un contexte de restriction budgétaire.

Anne-Marie Bock (ABD) note que cela marque la fin du partenariat UniCité et des services civiques jusqu’ici mobilisés pour cette médiation numérique.

Thierry Claerr (SLL) confirme que cela a été fait aussi, suite à un bilan mitigé du partenariat qui comprenait, de plus, une forte implication autour de l’EMI, qui devrait connaître également une réorganisation. La création d’une nouvelle délégation pour travailler sur la cohésion des territoires au Ministère va accompagner la réflexion sur une nouvelle stratégie.

Anne Marie Bock (ABD) rappelle combien les bénévoles des bibliothèques jouent un grand rôle dans l’inclusion numérique. Comme à Rennes, la crise sanitaire a eu au moins le mérite de donner de la visibilité aux ressources et aux compétences des bibliothèques départementales, qui sont au service des territoires et des citoyens. De nouveaux partenariats ont même été noués, avec la sphère scolaire par exemple.

Interrogée sur le calendrier du dispositif, Raphaële Gilbert (SLL) indique que le travail de répartition des postes de conseillers numériques entre les différents départements sera terminé à la fin du mois d’avril. Débutera alors la phase de recrutement des candidats. Ils suivront ensuite une formation initiale d’une durée de trois semaines à trois mois selon leur niveau. Les prévisions de déploiement sont de 40 en mars, 100 en avril et 1 000 en septembre.

Thierry Claerr (SLL) précise qu’une réunion du groupe de travail, à laquelle seront conviées les associations professionnelles, sera prochainement organisée. Également, vers le mois d’octobre 2021, une journée d’étude aura lieu à Nancy pour travailler la question de définir ce que recouvre l’inclusion numérique.

Jérôme Belmon (SLL) ajoute que le Ministère va relancer le processus de réflexion sur la formation des bibliothécaires territoriaux au travers d’un cycle de séances de réflexion à partir du mois de mai. Leur restitution donnera lieu à une journée d’étude de ces Assises de la formation, à l’automne à Paris.

Publié le 15/06/2021 - CC BY-SA 4.0

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