Appartient au dossier : Voyage d’étude en Belgique

Le numérique dans les bibliothèques belges
par Déborah Cary, médiatrice numérique, Bibliothèque des Champs Libres

Le voyage d’étude portait sur six bibliothèques réparties sur le territoire belge qui avaient pour point commun d’avoir connu une rénovation ou d’être de construction récente. Il est donc intéressant de voir comment a été traitée la question de l’accompagnement numérique dans ces bibliothèques.

Le réseau des Espaces Publics Numériques

Toutes les bibliothèques visitées avaient un Espace Public Numérique (EPN). Pour rappel, l’EPN répond à un ensemble de critères communs d’ouverture au public, de mise à disposition de matériel et d’accompagnement. En Belgique, cette dénomination (qui n’est plus un label en France) regroupe différents équipements.

La différence d’organisation entre les communautés de Belgique est à noter. Si en Wallonie la majorité des EPN (150) est organisée en réseau, en Flandre, chaque EPN fonctionne de manière indépendante.

Les EPN de Wallonie ont été constitués en réseau depuis leur création entre 2004 et 2006. C’est le centre de compétences Technofutur TIC qui a eu la charge de cette mise en place et du maintien de la mutualisation et du financement des EPN. Ils sont régis par une charte commune et stricte qui permet d’être labellisé, visible et financé. De ce fait, la répartition des EPN sur le territoire wallon est assez homogène et fournie. Par ailleurs, un usager inscrit dans une commune peut se rendre dans n’importe quel autre espace. 

Au B3 à Liège, c’est le point emploi qui a justifié la labellisation EPN de l’espace numérique.

Construction RH

« Coach numérique », « bibliothécaire gradué à orientation numérique », « informaticien public », les appellations des aidants numériques sont nombreuses en Belgique, les profils et parcours aussi. À Gand, le point numérique « Digipunt » est animé par un salarié et une équipe de 26 bénévoles (35 à venir), majoritairement des retraités ou des personnes souhaitant une première expérience professionnelle. Jimmy Vangestel est à 70 % sur le terrain au contact des publics, en plus de sa position d’opérateur d’appui pour coordonner le service.  

Au Gazomètre à La Louvière et au B3, la construction RH est plus classique : c’est une bibliothécaire formée à la médiation numérique qui assure la majorité des permanences, accompagnée de l’équipe du service des périodiques. L’animation du lieu se fait aussi avec des intervenants extérieurs sur des évènements ponctuels. Les bibliothécaires assurent à tour de rôle le service public dans l’EPN.

Quelques associations se sont spécialisées dans l’animation numérique des territoires comme MobiTIC à Liège ou CoderDojo Belgium qui initie au codage. 

Aide numérique

Toutes les bibliothèques visitées proposent à minima un accompagnement numérique sur les démarches administratives les plus courantes. La plupart du temps, cet accompagnement ne se fait pas sur une journée complète mais à des tranches horaires particulières.

Communication sur les ateliers informations de la bibliothèque La Célestine à Namur

Une charte d’utilisation des services d’accompagnement existe à la bibliothèque De Krook à Gand, où les bibliothécaires ont collectivement décidé de ne pas intervenir sur certains sujets comme les déclarations fiscales ou la réparation de matériel. Il faudrait étudier plus finement l’administration belge (des deux communautés) pour mieux comprendre le rôle d’accompagnement des bibliothèques. En effet, il semble que les démarches sont beaucoup plus dématérialisées qu’en France. Il serait intéressant de vérifier comment l’usager belge perçoit cette dématérialisation des démarches et d’étudier la réponse publique apportée. 

Le service d’aide individuel au numérique peut parfois être détaché du reste des animations numériques, comme à la Louvière où c’est un « Informaticien public » qui prend le relais sur un accompagnement plus poussé. Sur la région de Gand, le choix a été fait de rendre payant les cours de perfectionnement en proposant un tarif de 5€ par session. Les ateliers thématiques pour les débutants (Digicafé) et l’accompagnement numérique courant sur le flux (Digipunt) restent gratuits.

Services numériques

Pendant notre voyage, nous n’avons pas abordé la question de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le quotidien des bibliothécaires. Il serait intéressant de creuser la question pour savoir si ce sujet agite la communauté des bibliothécaires de l’autre côté de la frontière…

Quelques services numériques ont pu être observés à Gand à la bibliothèque De Krook. Ce sont des services qui existent aussi en France comme la réservation de places à distance (plutôt présent dans nos B.U) ou encore la collecte d’histoires pour enfants en langues étrangères transformées en Kamishibaï numérique.

Dans la même bibliothèque, les enfants peuvent se voir conseiller des romans grâce à un logiciel intégré au mobilier qui, grâce à son algorithme, propose des romans adaptés aux goûts, à l’âge et à l’appétence de lecture des enfants. 

À noter, en complément au Digipunt, la bibliothèque de Gand propose une permanence de conseils juridiques payante assurée par des juristes indépendants qui « louent » l’espace de la bibliothèque les jeudis soir. Les écrivains publics sont également présents dans plusieurs des bibliothèques visitées.

Fabrication numérique

La fabrication numérique est un sujet qui a été abordé à plusieurs reprises. Étant donné que nous nous rendions dans des équipements ouverts ou rénovés depuis peu de temps, nous avons pu constater qu’à minima, le parc informatique est à jour et que plusieurs disposent d’un espace de fabrication numérique plus ou moins actif. L’espace le plus abouti parmi les espaces visités est celui du B3 à Liège, directement relié à la pépinière d’entreprise « l’exploratoire des possibles ».

Trois personnes ont été recrutées pendant la préfiguration (depuis 2017) pour créer le projet d’atelier et faire du lien avec les structures du quartier. L’accès s’y fait simplement par le rez-de-chaussée du B3. Les agents recrutés sont des techniciens qui gèrent le matériel au quotidien, ce qui facilite aussi les réparations en cas de panne. 

Au Muntpunt à Bruxelles, la bibliothèque possède des ordinateurs de pointe avec des logiciels de programmation (nous avons pu voir des adolescents les utiliser avec un niveau de maîtrise conséquent), de modélisation 3D ou de montage vidéo. L’accès à ce matériel semble facile et ne nécessite pas d’accompagnement particulier. Un autre projet est né avec les usagers : celui de créer un atelier pour réaliser des podcasts.

Bibliothèque Muntpunt à Bruxelles

Ce que je retiendrai surtout des visites en lien avec le numérique, ce sont les efforts de mutualisation et de coopération entre les structures.

Publié le 31/07/2025 - CC BY-SA 4.0

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