Emmaus Connect : acteur de l’inclusion numérique

Emmaüs Connect est une association du mouvement Emmaüs qui s’est donné pour mission de faire du numérique un outil d’inclusion. Le 27 novembre, l’association organisait le premier forum Connexions solidaires. A cette occasion, Pamela Santa Cruz (qui est chargée de mission développement au sein d’Emmaüs connect) a eu la gentillesse de accorder un entretien au blog le Recueil Factice afin de présenter l’action de l’association, le programme Connexions solidaires, le dispositif des permanences connectées et les liens qu’elle tisse avec d’autres acteurs de l’inclusion numérique (dont des bibliothèques).

Diplômée d’un master en sociologie et d’un master en conduite du changement à l’Université Paris Dauphine en 2013, Pamela Santa Cruz a travaillé au Chili pour le Ministère du Développement social (FOSIS) avant de rejoindre l’équipe d’Emmaüs Connect en 2013.

Pamela, comment est né Emmaüs Connect ?
Tout a débuté il y a quatre ans au sein d’Emmaüs Défi, un chantier d’insertion du mouvement Emmaüs.1Nous avons constaté que les salariés en insertion avaient besoin d’utiliser des téléphones mobiles mais qu’ils ne pouvaient pas accéder aux offres du marché qui sont les moins chères. Quelqu’un qui n’a pas de compte bancaire, qui n’a pas d’adresse fixe ou qui n’a pas de boîte mail ne peut pas avoir un abonnement Free à 2 euros par exemple. Du coup, ces personnes sont obligées d’utiliser des cartes prépayées, c’est-à-dire le système le plus cher qui existe. C’est comme une double peine : les personnes en situation de précarité sont également celles qui paient le plus cher pour avoir accès aux télécommunications. C’est à partir de ce constat qu’est né « Téléphonie solidaire », une offre à tarif accessible créée par Emmaüs en partenariat avec l’opérateur SFR qui nous a soutenus dès le départ. Aujourd’hui, le programme s’est élargi et il a été rebaptisé « Connexions solidaires », il ne se limite plus à la téléphonie, il intègre aussi l’accès à Internet. Emmaüs Connect a été créé en mars 2013 pour porter ce programme. C’est une association qui fait partie du mouvement Emmaüs mais qui est devenue complètement indépendante d’Emmaüs Défi.

En quoi consiste le programme Connexions solidaires aujourd’hui ?
On propose un parcours d’inclusion numérique aux personnes en situation de précarité qui nous sont adressées par des travailleurs sociaux. On a un réseau de partenaires qui vont identifier des personnes en difficultés avec le numérique et qui les orientent vers nous. Nous proposons différents types de service. On va notamment aider les gens à s’équiper et à accéder à une connexion juste et durable adaptée à leurs besoins.

Ce qui est intéressant dans ce que vous faites c’est que vous allez au delà de cet aspect purement technique en proposant à vos bénéficiaires d’acquérir une véritable culture numérique.
C’est ça. Quand on équipe une personne avec une ligne téléphonique ou un accès Internet, on se demande comment elle va se servir de ces nouveaux outils… C’est dans ce cadre là qu’on a créé des « permanences connectées ». Ce sont des espaces dédiés à l’accompagnement des usages où on propose des formations. On n’impose pas de parcours pédagogique tout fait, on essaie plutôt de s’adapter aux demandes des gens pour leur apporter des réponses. Notre objectif, une fois que les personnes sortent du dispositif, c’est qu’elles disposent d’un bagage numérique minimum : elles ont un équipement, une connexion et elles ont aussi acquis les compétences numériques de base.

Où se trouvent ces permanences ?
Il y a trois antennes à Paris : une antenne dans 19e arrondissement, une dans le 14e et une dernière dans le 12e qui a ouvert il y a peu de temps à Reuilly. On a également des antennes à Saint Denis, à Marseille, à Grenoble, à Lyon, à Lille et peut-être l’année prochaine dans de nouvelles villes. Notre souhait est de développer le programme Connexions solidaires partout en France. Dans ces permanences, on trouve généralement une salle équipée avec des ordinateurs mais aussi des conseillers et des bénévoles qui débordent d’envie de transmettre.

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L’accueil d’une permanence connectée à Paris (source)

Est-ce que vous travaillez avec d’autres acteurs issus du champ social ou de la médiation numérique ?
Oui, cette année, on a développé des partenariats avec des bibliothèques, des espaces publiques numériques et des associations spécialisées dans la médiation numérique. Ce réseau nous permet de prolonger le parcours d’inclusion numérique de nos bénéficiaires. Quand une personne arrive chez nous, on essaie de lui donner les premières bases pour s’approprier le numérique. Ensuite, on lui fait découvrir le panorama d’acteurs vers lesquels elle peut se tourner pour pouvoir monter en compétence.

Le Forum que vous organisez aujourd’hui est l’occasion de réunir vos différents partenaires
Exactement. C’est la première fois qu’on organise ce forum et c’est l’aboutissement des différents partenariats mis en place cette année. Il y a beaucoup d’associations qui sont venues chez nous dispenser des formations gratuites (comme la Bpi ou BSF). En échange, on voulait leur proposer cet espace de visibilité. C’est un forum qu’on a voulu ouvrir à des publics variés. La matinée était consacrée aux travailleurs sociaux. L’après-midi il y a eu des conférences avec le monde institutionnel et les entreprises, et l’ouverture d’un espace d’exposition…

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La secrétaire d’État chargée du numérique Axelle Lemaire (au centre) a clôturé les tables rondes du Forum Connexions Solidaires.

La Bibliothèque publique d’information est présente sur l’espace d’exposition. Comment avez-vous pensé à travailler avec une bibliothèque ?
C’est une rencontre très intéressante : un membre de notre équipe s’est rendu à Berlin pour assister à un évènement consacré au numérique. C’est à ce moment là que nous avons découvert la Bpi parce qu’elle participait au plan de formation DLit 2.0 qu’elle a adapté en France.2 On a trouvé que c’était un outil formidable à introduire dans nos permanences. Après s’être rencontrés, on s’est rendu compte que les publics qu’on accompagne sont très proches. On a décidé d’aller plus loin et de voir comment on pouvait travailler ensemble.

Est-ce que vous collaborez avec d’autres bibliothèques ?
La première bibliothèque c’était la Bpi. On travaille également avec Bibliothèque Sans Frontière, qui est un peu une bibliothèque dématérialisée. Ce qui nous a beaucoup intéressés chez BSF c’est le projet de la Kahn Academy qu’ils sont en train de porter en France.3 C’est important pour nous de pouvoir proposer à nos bénéficiaires différentes solutions faciles d’accès pour se former. Les vidéos en ligne de la Kahn Academy sont très pédagogiques. BSF est intervenu dans nos permanences connectées pour présenter ce type d’outils. A Saint-Denis, on commence également à établir des liens avec les médiathèques. On a vraiment identifié les bibliothèques comme des lieux ressources et on souhaite en rencontrer d’autres…

Si des bibliothèques (ou d’autres institutions) veulent travailler avec vous, comment peuvent-elles vous contacter ?
Dans chaque ville où nous sommes implantés, un(e) chargé(e) de développement local s’occupe de la mise en réseau avec les acteurs du territoire. Voici leurs contacts :  http://connexions-solidaires.fr/nos-actions/nos-points-d-accueil/

Propos recueillis le 27 novembre 2014.Propos recueillis le 27 novembre 2014.

  1. Les ateliers et chantiers d’insertion sont des dispositifs qui proposent à des personnes en difficulté une réinsertion sociale à travers une activité professionnelle. []
  2. Coordonné par la fondation allemande Stiftung Digitale Chancen, le projet européen Digital Literacy 2.0 (DLit2.0) propose de former les formateurs aux TIC et ainsi, de faire monter leurs usagers en compétences. []
  3. La Khan Academy est une plateforme en ligne d’accompagnement scolaire et d’apprentissage grâce à des vidéos. []

Publié le 19/12/2014

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