Les médiations culturelles de la Bpi en prison

Les maisons d’arrêt accueillent des personnes prévenues en détention provisoire, des détenus condamnés à des peines de moins de deux ans, ou des personnes condamnées en attente d’une affectation dans un autre lieu de détention.

Depuis 2021, la Bpi développe des activités de médiation culturelle auprès de publics détenus. Ces médiations s’inscrivent dans le cadre de la politique de développement des publics du champ social de l’établissement.
La bibliothèque collabore régulièrement avec plusieurs lieux de détention : les maisons d’arrêt de Fresnes, La Santé et Nanterre.

Publication collective issue d’un atelier d’écriture réalisé avec des détenus de la prison de Fresnes, en lien avec le festival Effractions.

Élaboration des projets

Les projets démarrent par une prise de contact avec les coordinateurs culturels ou bibliothécaire des lieux de détention La rencontre de ces acteurs de terrain apporte aux bibliothécaires de la Bpi des éléments de compréhension de l’univers carcéral et du public détenu. Ce temps d’échange donne ensuite lieu à la construction du projet : contenu adapté au public et à ses contraintes, budget, calendrier, logistique.

La collaboration avec La Santé a été grandement facilitée par la présence permanente d’un bibliothécaire in situ, ancien collègue de la Bpi, de surcroît.

La mise en place et le bon déroulement des projets dépendent en grande partie des différents acteurs qui y sont engagés. Le renouvellement régulier du personnel sur ces postes nécessite alors de nouvelles prises de contact pour éviter que les projets ne s’étiolent.

Objectifs

Ils sont identiques à ceux des médiations qui se déroulent à la Bpi auprès des publics du champ social : créer un lien entre le public et l’institution, promouvoir l’action culturelle de la Bpi, favoriser l’échange et la convivialité, créer une relation de confiance entre un public et le lieu culturel. Dans le cas précis des détenus en maison d’arrêt, dont les peines n’excèdent généralement pas deux ans, un objectif s’ajoute : faire connaître un lieu de ressources, de formation et d’information à un public en situation de réinsertion.

Le jour J

Le jour de l’intervention, certains aspects de la vie en détention doivent être anticipés : les téléphones portables et les objets électroniques doivent être déposés dans un casier avant d’entrer dans la zone de détention (il faut donc anticiper de ne pas être joignable pendant le temps de l’intervention), des blocages peuvent perturber les déplacements au sein de la prison, l’appel des détenus participants par les surveillants peut être très long. En d’autres termes, il ne faut pas être à un quart d’heure près lorsqu’on intervient en milieu carcéral.

Une pièce d’identité doit être présentée à l’accueil et est conservée pendant le temps de présence des intervenants. Une alarme portative individuelle est remise aux intervenants. Ces détails rendent les interventions en détention un peu spéciales au début, mais sont finalement peu contraignantes et se fondent vite dans le quotidien.

Contenu des médiations

Les médiations proposées par la Bpi accompagnent sa programmation culturelle. Elles s’inscrivent dans le programme des médiations à destination du champ social, mais sont délocalisées en détention. Elles sont principalement en lien avec deux événements organisés à la Bpi : les expositions de bande dessinée et le festival littéraire Effractions. En 2023, la Bpi a aussi participé au Goncourt des détenus avec La Santé.

Publication collective issue d’un atelier d’écriture réalisé avec des détenus de la prison de Fresnes, en lien avec le festival Effractions.

Les médiations se déroulent au minimum sur deux séances de deux heures. La première séance est assurée généralement par la référente champ social de la Bpi. C’est un temps de prise de contact avec les participants lors duquel sont abordés plusieurs points : présentation de la Bpi, de ses missions, de son fonctionnement, présentation de l’événement culturel (le festival littéraire ou l’exposition).

Dans le cas d’une médiation en lien avec le festival, nous prenons le temps d’évoquer sa ligne directrice (il est arrivé que la programmatrice du festival vienne elle-même le présenter), de présenter l’auteur et le livre autour duquel la médiation est organisée.

Lors des médiations en lien avec les expositions, nous présentons l’auteur exposé, ses œuvres, voire l’exposition en elle-même si nous disposons d’une version filmée ou virtuelle.

Les séances suivantes sont des ateliers créatifs, en lien avec le propos de l’événement culturel : atelier BD, d’écriture, de micro édition, ou de réalisation de podcast.

Exemples : atelier podcast sur trois séances pour accompagner le festival Effractions à Fresnes, en 2021, atelier BD à Nanterre lors de l’exposition Chris Ware en 2022 sur séances jours, atelier rédaction de chroniques en lien avec Effractions en 2023 sur 3 séances.

Intervenants

Généralement, la référente champ social de la Bpi fait le lien entre la bibliothèque et la prison. D’autres bibliothécaires de la Bpi – chargées de collection, programmatrices – peuvent être amenées à intervenir selon les projets.

La Bpi fait intervenir de nombreux professionnels pour animer des médiations pour les publics du champ social. Parmi eux, certains assurent aussi des ateliers en détention. Comme pour les ateliers dans les murs de la Bpi, ils prennent en compte les besoins spécifiques de ces publics pour construire leurs ateliers : certains ne maîtrisent pas bien le français ou la lecture, d’autres n’ont jamais fréquenté une bibliothèque. D’autres encore ont, au contraire, un bon niveau scolaire. Il faut donc savoir composer avec l’hétérogénéité.

Les coordinateurs culturels des lieux de détention peuvent aussi suggérer des intervenants. Comme dans tout projet, les différents acteurs sont sélectionnés en concertation, selon des critères variés.

Points d’attention

Ils sont essentiellement liés au fonctionnement de la détention. La constitution d’un groupe stable n’est pas toujours garantie. Il y a un risque probable de déperdition des participants au fil des séances : certains peuvent refuser l’atelier, être appelés au parloir, sortir de détention, par exemple. Parfois des participants sont appelés en cours de séance, ce qui peut avoir pour effet de rompre une bonne dynamique.

Par ailleurs, il est assez difficile de mesurer l’impact des interventions. Les participants manifestent généralement leur satisfaction mais nous ne gardons pas de lien avec eux et il est difficile de savoir ce que ça leur a réellement apporté, mise à part un temps de respiration dans leur routine carcérale.

Points positifs et éléments de conclusion

Les projets menés en détention sont toujours des expériences marquantes. Les participants, inscrits volontairement aux ateliers, sont généralement motivés et appliqués. L’ambiance est toujours agréable et joyeuse. Ce sont de bons moments aussi bien pour les participants que pour les intervenants, que ce soit dans le travail fourni ou dans les rapports humains.

Pour aller plus loin dans le développement de projets livre et lecture auprès des personnes placées sous main de justice, la Fédération Interrégionale du Livre et de la lecture a coordonné la réalisation du site lecture-justice.org. Un guide complet pour connaître les ressources, les acteurs et les outils à votre disposition.

Publié le 17/04/2024 - CC BY-SA 4.0

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