Démarches participatives : où en sont les bibliothèques ?
par Florent Gonsalès, Elève conservateur territorial de bibliothèques

Retour sur la journée d »étude « Démarches participatives : co-construire la bibliothèque avec les enfants et les jeunes » organisée par la BnF le 16 mai 2019 

scène avec les intervenants de la journée
bnf, © Florent Gonsales

Démarches participatives : co-construire la bibliothèque avec les enfants et les jeunes

Journée professionnelle organisée par la BnF, le  Centre national de la littérature pour la jeunesse et la commission jeunesse de l’ABF

 
La participation des citoyens est un enjeu important dans nos sociétés, un sujet d’actualité qui dépasse le cadre des bibliothèques. L’engouement pour ce type de démarches gagne en effet tous les domaines de la vie dans la cité. Dans un contexte de tension, marqué par une importante crise démocratique, les établissements de lecture publique sont cependant particulièrement sollicités. Quel positionnement doivent-ils adopter pour continuer à remplir leurs missions d’accès à l’information et d’émancipation de l’individu? Les démarches participatives sont-elles le moyens d’y parvenir, et si oui, comment les construire pour en garantir l’efficacité auprès des publics ? Ce sont des questions essentielles à l’heure où la place de l’individu dans le collectif – et tout particulièrement des plus jeunes – est au centre des préoccupations.  La journée d’étude du 16 mai s’est efforcée d’y répondre.

 Petite histoire des démarches participatives 

Les bibliothèques expérimentent les démarches participatives depuis longtemps. Dès la création de l’Heure Joyeuse, en 1924, de telles pratiques sont courantes. Ainsi, la première bibliothèque jeunesse de notre histoire fonctionnait en partie grâce à des « bibliothécaires en chef », jeunes usagers participant avec l’équipe à la programmation et suggérant des animations. De nombreuses idées – la création d’un atelier, d’une salle de jeux, d’un espace dédié aux expériences  chimiques… – garantissaient déjà la polyvalence de cet établissement, conformément à un idéal de paix et d’harmonie caractéristique de l’après-guerre. La création de bibliothèques qui soient « more a home than a school » semblaient alors un moyen de favoriser l’émancipation de l’individu et son accès à la culture, dans un rapport plus horizontal à l’institution.

Et aujourd’hui ?

De nos jours, les héritiers de cette démarche sont nombreux, en particulier depuis l’avènement de la notion de « troisième lieu ». Les retours d’expérience des intervenants ont permis de faire le point sur certaines de leurs initiatives et ont montré comment l’usager est désormais impliqué dans tous les aspects de la vie d’un établissement. A titre d’exemple, Nicolas Beudon est revenu sur l’expérience des Sept Lieux, où des adolescents ont pu participer à un Biblioremix en vue de la construction d’un nouveau bâtiment ; Cyrille Clavel a évoqué la consultation populaire menée pendant cinq ans en Finlande, pour la construction de bibliothèques à Helsinki et à Vantaa notamment, et les ateliers de design thinking réalisés avec des enfants pour assurer la plus grande fraîcheur au projet ; Carole Salhi Tavernier a présenté les Rêveurs de l’Odyssée, un groupe d’enfants – et d’adolescents – constitués en comité, encadrés par les bibliothécaires et invités à proposer des animations (soirées thématiques, ateliers…). Elles sont souvent intégralement prises en charge par eux. A quoi ressemblent les établissements où ont cours de telles pratiques ? Ce sont souvent, à l’image de la bibliothèque Louise Michel (Paris), des lieux multiples, polyvalents, fortement investis par les enfants : le niveau sonore y est plus haut, les activités et les échanges plus nombreux entre les usagers.

Quels sont les impacts de la co-construction ?

C’est le premier effet constaté de telles démarches : les bibliothèques concernées deviennent de véritables lieux de sociabilité. En outre, la participation active à la vie de l’établissement – jusqu’à l’obtention de badges et la participation aux acquisitions, comme c’est le cas à la bibliothèque Louise Michel – confère aux enfants un fort sentiment de légitimité. Ce sont des leviers précieux pour les bibliothèques dans l’accomplissement de leurs missions. Raphaëlle Bats, chargée de coopération internationale à l’enssib, suggère même que la participation est un outil précieux pour lutter contre les crises qui secouent notre quotidien. En créant du lien entre les personnes, en renforçant leur proximité avec l’institution, et en fabriquant des contenus (services et ressources) à destination de la communauté, elle pourrait s’imposer comme un moyen de résorber la crise de la sociabilité et de renforcer la notion de bien commun, à travers une participation active et reconnue de tous.

 
S’adapter… un exercice tout en souplesse…

L’enjeu, pour les professionnels, est alors de bien définir son positionnement. Comment s’assurer que les démarches participatives portent véritablement leurs fruits ? S’agissant d’enfants et d’adolescents, la question se pose avec d’autant plus de force qu’il s’agit d’un public parfois volatile, difficile à saisir. L’une des solutions évoquées est la souplesse. Plutôt que de poser un cadre rigide et d’arrêter une méthode bien définie, les bibliothèques pourront profiter de la latitude qui leur est donnée pour expérimenter. La co-construction appelle en effet une démarche évolutive, faite d’essais et d’erreurs, à même de s’adapter à un paysage – et  à des besoins – en constante évolution.
           
 
           
 

Publié le 23/05/2019 - CC BY-SA 4.0

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